Al Mayadeen interviewe la mère du « doyen des prisonniers de Gaza »

Al Mayadeen, 27 mars 2023. Le 10 octobre de la première Intifada palestinienne en 1992, des journaux israéliens ont publié des articles sur un garçon de 16 ans de Khan Yunis, dans la bande de Gaza, qui a mené une opération à l’aide d’une pioche dans la colonie israélienne de peuplement Gush Katif, établie sur les terres de Gaza avant le retrait d'”Israël” en 2005, entraînant la mort d’un officier supérieur israélien.

Le Palestinien de 16 ans a ensuite été identifié comme étant Dia al-Agha, alors qu’il était révélé que le responsable israélien décédé, Metsa Ben Haim, était membre de l’unité d’élite israélienne Sayeret Matkal.

Sayaret Matkal, l’équivalent israélien de la Delta Force américaine et du SAS britannique, dont la devise est “Who Dares Wins” [qui ne risque rien n’a rien, ndt], avait été chargé de perpétrer des assassinats très médiatisés, dont l’un était celui de trois des dirigeants les plus éminents du Mouvement de libération nationale palestinien (Fatah) dans la capitale libanaise, Beyrouth en 1973 : Kamal Nasser, Abu Youssef al-Najjar et Kamal Adwan.

Metsa Ben Haim a également participé au bombardement de 13 avions à l’aéroport international de Beyrouth en 1968, et faisait partie de l’équipe qui a assassiné le grand dirigeant palestinien Khalil Al-Wazir, dit « Abu Jihad », en Tunisie en 1988.

Avec bravoure et de courage, Dia a mené l’opération héroïque qui a ciblé l’unité d’assassinat hautement secrète et tué l’un de ses hauts dirigeants, qui était également responsable de la sécurité de la colonie Gush Katif à l’époque.

Dia devient le « Père des Prisonniers »

Al-Agha, 48 ans, a jusqu’à présent passé plus de la moitié de sa vie en prison et est le plus ancien détenu palestinien de Gaza dans les prisons de l’occupation israélienne. Il est connu aujourd’hui comme le « doyen des prisonniers de la bande de Gaza ».

Le héros palestinien a terminé ses études universitaires en prison, est diplômé de l’Université ouverte d’Al-Quds avec une spécialisation en histoire et il a obtenu un diplôme d’études secondaires à 3 reprises.

Al Mayadeen a interviewé la mère de Dia, Najat al-Agha, « Um Dia », dans leur maison familiale à Khan Yunis (Gaza), où elle a permis à l’équipe d’Al Mayadeen de jeter un coup d’œil à la maison qu’elle a construite pour son fils Diaa pour quand il sera libéré.

Najat, 70 ans, connue sous le nom d’Um Dia bien qu’il ne soit pas son fils aîné, est une personnalité bien connue car elle participe à toutes les activités de soutien aux Palestiniens héroïques enfermés dans les prisons de l’occupation israélienne, exposés tous les jours à la violence brutale et à l’oppression.

Um Dia est la seule parmi les membres de la famille de Dia à être autorisée à rendre visite à son fils, en de très rares occasions et seulement pendant 45 minutes. Elle décrit le processus pour se rendre au parloir comme un « morceau d’enfer » et une « expérience angoissante et une torture » ; elle est soumise à « des procédures d’inspection humiliantes à l’intérieur de la prison et à un traitement dégradant aux postes de contrôle ». Mais toute la douleur n’est rien en comparaison de la joie qu’elle ressent lorsqu’elle se souvient qu’elle finira par revoir son enfant.

Toujours rebelle

Dia était en troisième lorsqu’il a réalisé l’opération, a déclaré Um Dia à Al Mayadeen ; il était aimé des habitants de la région et était connu pour son patriotisme et sa volonté de résister à l’occupation.

« Il taguait sur les murs des messages contre l’entité d’occupation, les gens reconnaissait son écriture, il lançait des pierres sur les soldats dès qu’ils passaient dans la rue », a-t-elle déclaré.

Dès que les gens entendaient le bruit des tirs de l’occupation dans la région, ils disaient : « Par Dieu, ce doit être l’œuvre de Dia », a-t-elle ajouté.

La mère de Dia a rappelé que le 10 octobre 1992, après être rentré chez lui, avoir changé de vêtements et s’être lavé les mains, il est venu près d’elle et lui a dit : « Pardonne-moi. » Um Dia a dit qu’à l’époque, elle ne connaissait pas la raison de ses excuses, mais comme il était d’un naturel affectueux, elle n’y a pas trop pensé.

« Puis il a quitté la maison et ils l’ont arrêté, et il n’est pas revenu depuis. »

Elle a souligné que son fils avait été détenu pendant 9 mois dans des salles d’interrogatoire et à l’isolement dans un centre de détention pour femmes parce qu’il n’y avait pas d’établissement pour les jeunes détenus à l’époque et qu’il était trop jeune pour être condamné à la réclusion à perpétuité. Alors l’occupation a attendu que Dia ait 17 ans et l’a condamné à 99 ans de prison.

« Dia est parti en prison un enfant, et maintenant il est devenu un homme », a-t-elle dit avec chagrin.

Dia a subi un interrogatoire brutal, au cours duquel il a été exposé à diverses formes de torture à l’intérieur des « cachots et cellules d’interrogatoire ». Le tribunal militaire israélien l’a d’abord condamné à la prison à vie, puis a ajouté plusieurs peines à perpétuité à sa peine.

Um Dia tient dans ses mains la seule photo physique qu’elle a de Dia, prise en prison. Elle a également montré à l’équipe d’Al Mayadeen deux autres photos qu’elle a sur son téléphone, une dans laquelle Dia lui embrasse la main et une autre où il l’enlace ; la photo montre clairement que Dia et sa mère ne veulent pas rompre leur étreinte.

Le père de Dia est décédé en 2005, et à cette époque, lui [Dia] et son frère Mohammed étaient tous deux prisonniers, ce dernier purgeant également une peine de 12 ans. L’occupation israélienne a refusé d’autoriser les deux frères à assister aux funérailles de leur père et à lui dire adieu pour la dernière fois.

« Je n’ai plus aucun souhait dans cette vie, sauf voir Dia et l’embrasser, et me réjouir de le voir se marier. »

Dia devait être libéré fin mars 2014, dans le cadre d’un échange de prisonniers sous médiation internationale entre la résistance palestinienne et l’entité d’occupation israélienne, au cours duquel la résistance devait libérer Gilad Shalit en échange d’un certain nombre de détenus palestiniens en prisons d’occupation. Mais “Israël” a renié ses engagements de l’époque.

Par le biais d’Al Mayadeen Net, Um Dia a envoyé un message à la résistance palestinienne, dans lequel elle a déclaré : « Le seul moyen de ramener nos enfants est d’enlever des soldats israéliens ».

Il n’y a aucun espoir de libérer les prisonniers condamnés à perpétuité par l’occupation, sauf par un accord d’échange qui serait imposé à l’occupation.

Elle a conclu son entretien avec Al Mayadeen Net en disant : « Je parle au nom de tous les prisonniers, tous sont mes enfants, et je suis leur mère et je les aime, et mon message à travers vous [Al Mayadeen] est de rester fort, et si Dieu le veut, vous serez de retour auprès de nous ; la patience est la clé du soulagement. »

Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR