Netanyahu reporte la démolition d’un immeuble à Jérusalem après un tollé international

Amir Elkadi, 7 février 2023. La décision de démolir un immeuble de Jérusalem-Est occupée abritant 74 Palestiniens dont 42 enfants a été reportée lundi après-midi, à la dernière minute, suite à un tollé international.

Le bâtiment menacé de démolition à Wadi Qaddum, Silwan, Jérusalem-Est occupée [Source : Live Quds/Facebook

Itamar Ben Gvir, l’extrémiste de droite et ministre israélien de la Sécurité nationale, avait ordonné de manière impromptue que l’immeuble de Wadi Qaddum à Silwan, soit démoli aujourd’hui mardi 7. Jumia Halaila, l’avocat représentant les locataires, a reçu l’avis samedi 4, 72 heures à peine avant la démolition prévue.

Ben Gvir avait ordonné à 500 membres de la police israélienne d’être présents lors de la démolition, selon l’adjoint au maire de Jérusalem, Aryeh King.

Mais lundi, le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a ordonné le report de la démolition sous la pression internationale intense des organisations de défense des droits de l’homme et des diplomates.

L’ordre de démolition reste cependant en vigueur et pourrait être exécuté dans les prochaines semaines, selon le quotidien israélien Haaretz.

Les 12 familles habitant le bâtiment sont menacées depuis juin 2022. Deux des ménages risquent d’être obligés de quitter leur domicile une deuxième fois en seulement deux ans, à la suite de précédentes démolitions de leurs maisons.

Une « politique de démolition »

Le bâtiment de Silwan n’est qu’un parmi des milliers d’autres actuellement menacés, selon Ziad Hammouri, directeur du Centre de Jérusalem pour les droits sociaux et économiques.

« Ce qui se passe, c’est que plus de 23.000 maisons seront démolies dans un proche avenir », a déclaré Hammouri à Jerusalem24. « Ils ont commencé cette semaine à démolir certaines de ces maisons qui sont déjà sous le coup de décisions de justice pour les démolir. »

Ben Gvir s’est vanté de son intention d’accélérer le rythme des démolitions de constructions palestiniennes – tant à Jérusalem-Est occupée que dans les zones B et C de Cisjordanie occupée – maintenant qu’il fait partie de la coalition au pouvoir.

Chasse aux permis de construire impossibles

L’immeuble de Silwan est voué à la démolition faute de permis de construire. Cependant, l’obtention de permis de construire est presque impossible pour les Palestiniens de Jérusalem-Est occupée et de la majeure partie de la Cisjordanie occupée.

Entre 2009 et 2021, 76 permis de construire ont été délivrés à des Palestiniens à Jérusalem-Est occupée, tandis que 23.448 ont été délivrés à des colons israéliens dans la même zone.

« Cette politique n’a vraiment rien de nouveau », dit Hammouri. « Elle a commencé en 1948 quand ils ont démoli des villages et que de nombreux Palestiniens ont quitté leurs maisons et leur pays. »

Hammouri s’attend néanmoins à ce que sous le nouveau gouvernement d’extrême-droite, les Palestiniens soient confrontés à « un massacre des maisons » – non seulement à Jérusalem-Est, mais aussi en Cisjordanie.

Depuis le début de 2023, l’administration Netanyahu a supervisé la démolition de 149 structures appartenant à des Palestiniens, déplaçant 210 personnes, dont 98 enfants. Un tiers des démolitions ont eu lieu à Jérusalem-Est occupée, où 55 personnes, dont 29 enfants, se sont retrouvées sans abri.

La Cisjordanie aussi ?

Selon l’ONG israélienne Bimkom-Planners for Planning Rights, les récents changements de politique israéliens ont « considérablement augmenté le taux et la facilité des démolitions et des confiscations, entravant le processus d’appel de ces décisions pour les Palestiniens à la fois dans la zone C de la Cisjordanie occupée et à l’Est de Jérusalem occupée ».

« Il existe deux principaux types de changements : le premier accélère les démolitions et les confiscations ; le second empêche les processus de planification qui protégeraient les bâtiments des démolitions ou des confiscations », indique un rapport de Bimkom. « Alors qu’il était déjà difficile de construire de nouvelles structures et d’éviter les démolitions et les confiscations avant ces changements, c’est maintenant pratiquement impossible. »

Bimkom souligne que bon nombre des nouveaux changements de politique s’appliquent rétroactivement aux structures, mettant des milliers de bâtiments et d’infrastructures existants « en danger de destruction immédiate ».

Alors que ces changements de politique ont été introduits sous le précédent mandat de Netanyahu en tant que Premier ministre, la nouvelle administration a exprimé l’intention déclarée d’accélérer ce processus de dépossession, selon Hammouri.

« Ils essaient de confisquer encore plus de terres dans la zone C », dit-il. « Ils sont même en train de démolir certaines [maisons] dans la zone A. Ils multiplient les implantations et les ordres de démolition dans toutes les zones palestiniennes. »

La zone A de la Cisjordanie occupée, conformément aux accords d’Oslo de 1993, est entièrement sous la juridiction civile et de sécurité de l’Autorité palestinienne, et les démolitions israéliennes de bâtiments appartenant à des Palestiniens dans les zones A et B se déroulent en violation des accords.

Alors que les résidents palestiniens de Jérusalem-Est occupée sont soumis à un régime de lois et de règlements différent de celui des Palestiniens de Cisjordanie occupée, ils sont également à la merci du système juridique israélien. Selon Hammouri, les 74 habitants de Wadi Qaddum ont « épuisé toutes les options légales », et pourraient devoir compter à nouveau à l’avenir sur une intervention internationale.

Article original en anglais sur Jerusalem24 / Traduction MR