Israël-Palestine : comment le gouvernement d’extrême droite s’attaquera-t-il au « problème démographique » ?

Feras Abu Helal, 6 janvier 2023. Le mois dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a installé le gouvernement le plus extrémiste qu’Israël ait jamais connu. Il comprend deux ultra-nationalistes, Itamar Ben-Gvir du parti du pouvoir juif et Bezalel Smotrich du parti du sionisme religieux, tous deux considérés comme des disciples de feu le rabbin Meir Kahane, dont le parti a été banni de la Knesset dans les années 1980 et désigné comme groupe terroriste par les États-Unis.

Selon l’ancien Premier ministre israélien Yair Lapid, Ben-Gvir est « l’homme le plus irresponsable du Moyen-Orient » – des commentaires qu’il a faits après la dernière visite provocatrice de ce dernier sur l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa. Smotrich a également été critiqué pour cultiver une idéologie fasciste et a été accusé d’avoir comploté pour attaquer une autoroute lors du désengagement de Gaza en 2005, accusations qu’il a niées.

L’aspect le plus explosif de leur idéologie consiste cependant à vouloir pousser les Palestiniens à quitter leur patrie. En 2021, Smotrich a déclaré à la Knesset que David Ben-Gourion, le premier Premier ministre d’Israël, aurait dû « terminer le travail » et expulser tous les Arabes du pays en 1948. Il a également déclaré que d’éminents hommes politiques arabes et d’autres musulmans qui ne reconnaîssent pas la domination juive ne devrait pas rester en Israël. Ben-Gvir, quant à lui, a déclaré dans une interview télévisée qu’Israël devrait « encourager » les Palestiniens qui « haïssent ou ne croient pas en Israël » à quitter leur patrie.

Israël compte environ 9,7 millions d’habitants, dont environ 74 % sont juifs et 21 % sont arabes, selon le Bureau central israélien des statistiques. La part de la population juive a progressivement diminué depuis 2009, lorsqu’elle s’élevait à 80 %, tandis que le pourcentage d’Arabes a légèrement augmenté au cours de cette période.

Dilemme démocratique

Pour de nombreux Israéliens de droite, l’évolution démographique pose une préoccupation majeure – en particulier la majorité décroissante des Juifs dans la Palestine historique, qui comprend la Cisjordanie occupée par Israël et la bande de Gaza assiégée, où la majorité juive « tombe à peine à la moitié », selon l’économiste.

La parité de population est depuis longtemps une question centrale dans la politique israélienne. Pour certains, cela représente un dilemme pour la soi-disant démocratie du pays, car une véritable démocratie ne peut pas exclure un groupe de personnes en raison de leur race ou de leur appartenance ethnique. Pourtant, si les Palestiniens devenaient majoritaires et obtenaient le droit de vote dans toute la Palestine historique, alors le statut d’Israël en tant que « État juif » serait menacé.

La solution à deux États a été proposée comme le seul moyen de résoudre ce dilemme, mais les hommes politiques d’extrême droite qui ont dominé la politique israélienne ces dernières années n’acceptent pas cette stratégie. Ainsi, la notion d’expulsion des Palestiniens de leur patrie a pris de l’importance dans le discours politique du pays.

De tels concepts ne visent pas exclusivement les Palestiniens. Ben-Gvir a déclaré qu’il souhaitait également expulser vers l’Europe les hommes politiques juifs « déloyaux envers l’État d’Israël ». Et Smotrich a préconisé l’annulation de la « clause des petits-enfants » dans la loi israélienne du retour, qui permet aux Juifs de troisième génération d’immigrer en Israël. Il a récemment déclaré que 70 % des immigrants des anciens pays soviétiques n’étaient pas juifs, qualifiant cela de menace importante pour la majorité juive du pays – une « bombe à retardement juive dont il faut s’occuper ».

État d’apartheid

Dans le même temps, Israël a empêché les Palestiniens de revenir dans leur patrie, malgré de nombreuses résolutions de l’ONU qui statuaient l’inverse. Les Israéliens de tous les horizons politiques se sont opposés au droit au retour des Palestiniens, et pourtant, même eux courent maintenant le risque d’être chassés de l’État d’apartheid qu’ils soutenaient.

Une chose est certaine : toute tentative d’expulsion des Palestiniens de leur patrie pour résoudre le « problème démographique » échouera. Pendant plus de sept décennies, des générations successives de Palestiniens ont continué à croire en leur droit au retour. Le symbole « clé de retour » est présent dans les maisons palestiniennes des camps de réfugiés en Cisjordanie occupée, à Gaza, en Jordanie, au Liban et même dans le monde entier. Les pays arabes ont déjà accueilli de nombreux réfugiés palestiniens, ce qui entraîne d’importantes pressions économiques.

L’éminent érudit juif Avi Shlaim a dit un jour : « L’antisémitisme n’est pas un phénomène arabe, l’antisémitisme est un phénomène européen. Le sionisme n’est pas un phénomène oriental, c’est un phénomène européen ; c’est une solution au problème des Juifs en Europe [après l’Holocauste] ». Pourtant, à travers la création d’Israël, les Européens ont aussi créé ce qu’on appelle aujourd’hui le « problème palestinien ». Ironiquement, les Kahanistes au pouvoir veulent exporter ce problème en Europe.

Les pays européens ne peuvent pas accepter de tels plans, en particulier au milieu de la montée d’hommes politiques d’extrême droite anti-immigration. Au contraire, la seule solution viable est de donner aux Palestiniens qui rêvent encore de leur patrie le droit d’y revenir.

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR

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