Ben Gvir et un nouveau règne de cruauté pour les Palestiniens

Yara Hawari, 20 décembre 2022. Itamar Ben Gvir est né en 1976 dans une famille d’immigrants juifs irakiens. Adolescent, il a rejoint Kakh, un mouvement sioniste extrémiste dirigé par le rabbin juif américain condamné pour terrorisme Meir Kahane. L’idéologie de Kakh était un mélange de sionisme religieux et de violence anti-arabe, qui prônait ouvertement le nettoyage ethnique non seulement dans la Palestine historique, mais aussi au-delà.

Itamar Ben Gvir lors d’un rassemblement avec ses partisans à Sderot, le 26 octobre 2022 Gil Cohen-Magen/AFP

Après le massacre de 1994 à la mosquée Ibrahimi à Hébron par un partisan du Kakh, Baruch Goldstein, le régime israélien et le département d’État américain ont désigné le Kakh comme une organisation terroriste. Ben Gvir, toujours fervent partisan de Kahane, était connu pour accrocher un portrait de Goldstein dans son salon – il l’a apparemment enlevé lorsqu’il a commencé à faire acte de candidature à la Knesset. En 2007, il a été condamné pour soutien à une organisation terroriste et incitation au racisme dans les rues de Jérusalem. Il a depuis été impliqué dans divers incidents violents, notamment en 2021, lorsqu’il a sorti une arme à feu sur un gardien de parking palestinien à Tel Aviv.

Il n’y a pas si longtemps, Ben Gvir était une figure politique marginale de la politique israélienne et était même considéré par de nombreux Israéliens comme une nouveauté extrémiste. En peu de temps, sa rhétorique grossière et raciste lui a valu l’adoration de jeunes colons fanatiques de Cisjordanie pour la plupart.

Lors des élections israéliennes de novembre 2022, Ben Gvir a réussi à remporter un nombre record de 14 sièges pour son parti et a fait son entrée dans la coalition gouvernementale avec Benjamin Netanyahu. Dans le cadre de l’accord de coalition, Ben Gvir s’est vu confier le dossier ministériel élargi de ministre de la Sécurité nationale. Ce nouveau poste fusionne les responsabilités du ministre de la Sécurité publique avec celles du ministère du Développement du Néguev et de la Galilée et du ministère du Patrimoine juif.

Par le passé, Ben Gvir a qualifié le Néguev et la Galilée de « Far West » en raison de leurs populations majoritairement palestiniennes et l’une de ses promesses de campagne était de rétablir la « sécurité » dans ces régions. Selon certaines informations, une « opération de sécurité » dans le Néguev est déjà en cours de planification.

En effet, ses sentiments envers les citoyens palestiniens d’Israël sont bien connus et vont de l’expulsion pure et simple aux déclarations forcées de loyauté envers l’État.

Le nouveau portefeuille de Ben Gvir comprend également la direction de l’unité de la police des frontières israélienne, forte de 2.000 personnes, en Cisjordanie. Connue en hébreu sous le nom de Magav, cette force a été créée en 1953 pour lutter contre ce que le nouvel État colonial de peuplement appelait « l’infiltration ». En d’autres termes, elle empêchait les Palestiniens expulsés de retourner dans leur patrie. Au fil des ans, ses fonctions ont été étendues de la sécurisation des frontières aux opérations de « contre-terrorisme » et à l’application de la loi israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

La police des frontières est notamment responsable du massacre de Kufr Qassem, au cours duquel 48 citoyens palestiniens d’Israël ont été tués. Elle comprend également des unités de Mistaravim, des agents infiltrés qui se déguisent en Palestiniens afin de s’infiltrer, d’arrêter et même d’assassiner. Ces unités sont antérieures à la création de l’État d’Israël et ont été utilisées par des groupes terroristes sionistes, notamment le Palmach, pour infiltrer les communautés palestiniennes et recueillir des renseignements qui ont ensuite contribué au nettoyage ethnique de la Palestine en 1948.

Aujourd’hui, la police des frontières compte 8.000 personnes, dont 2.000 sont stationnées en Cisjordanie. Elle est notoirement bien entraînée et, au cours de la dernière décennie, elle est devenue l’unité la plus populaire des forces du régime israélien auprès des nouvelles recrues.

La présence de Ben Gvir à la tête de cette unité inquiète de nombreuses personnes au sein de l’establishment sécuritaire israélien. L’ancien ministre de la Défense et criminel de guerre présumé Benny Gantz a averti que Ben Gvir transformerait l’unité de la police des frontières en Cisjordanie en une milice privée. De même, l’ancien commissaire de police Ron Alsheich a déclaré qu’il aurait démissionné s’il était encore en poste, qualifiant Gvir de « danger énorme pour la sécurité personnelle dans l’État d’Israël ».

Gantz, Alsheich et d’autres partagent la crainte que Ben Gvir transforme le régime israélien en un État policier pour ses citoyens juifs israéliens.

Il a déjà un effet palpable sur les soldats israéliens en Cisjordanie. Il n’y a pas longtemps, un soldat a été filmé en train de dire à un groupe d’activistes à Hébron : « Ben Gvir va régler les choses ici… C’est ça, vous avez perdu… la fête est finie. » Peu de temps après, un autre soldat de la même unité a agressé un activiste israélien. Sans surprise, Ben Gvir a pris leur défense et les deux soldats ont été temporairement suspendus dans une rare démonstration d’action disciplinaire.

Pendant ce temps, et plus important encore, les Palestiniens vivant sous l’apartheid israélien craignent un ordre encore plus violent en Cisjordanie, les soldats et les colons étant enhardis par la rhétorique particulièrement violente de Ben Gvir. Cette année a déjà été l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005, avec plus de 145 personnes tuées par des soldats israéliens, dont au moins 37 enfants. Au début du mois, une vidéo circulant sur les médias sociaux montrait un soldat israélien tirant et tuant à bout portant un jeune Palestinien, Ammar Mufleh. Peu après, Ben Gvir a qualifié le soldat de héros et l’a félicité pour avoir « bien fait » son travail ».

S’il est vrai que la nouvelle coalition de Netanyahou n’est qu’un simple changement de gardiens de prison pour les Palestiniens, les conditions de détention sont sur le point de devenir dix fois pires. L’inclusion de Ben Gvir dans le gouvernement israélien et sa nomination au poste de ministre de la Sécurité nationale inaugurent un nouveau règne de cruauté pour les Palestiniens, non seulement en Cisjordanie, mais aussi au-delà.

Article original en anglais sur The New Arab / Traduction MR

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