Les attaques israéliennes, la collusion occidentale et la liberté palestinienne au prix fort

Sami Al-Arian, 27 août 2022. Le matin du vendredi 5 août, Alaa Kaddoum, cinq ans, s’est réveillée dans sa maison de Shujaiya, dans le centre de Gaza, excitée à l’idée que son grand-père allait venir l’emmener acheter un nouvel uniforme scolaire et un sac à dos. 

Stupeur et tristesse après le martyre de la jeune Palestinienne Alaa (Abdul Hakim Abu Riash)

Elle avait rêvé de ce jour tout l’été, en prévision de sa première rentrée à l’école maternelle dans quelques semaines. Mais avant qu’Alaa ne puisse partir faire ses courses, sa maison a été touchée par une frappe aérienne israélienne. Elle a été tuée sur le coup. 

À Rafah, dans le sud de Gaza, Abeer Harb, 24 ans, étudiante en informatique, est allée rendre visite à son fiancé, Ismail Dweik, 30 ans, pour discuter des préparatifs du mariage.

Ismail, qui s’occupe de sa mère âgée, possède une petite entreprise qu’il espére développer afin de subvenir aux besoins de sa famille qui s’agrandit. Abeer est très heureuse ce jour-là car Ismail a téléphoné à son père pour obtenir la permission de fixer une date de mariage. 

Mais la rencontre n’a jamais eu lieu. Un jour plus tard, le corps d’Ismail est retrouvé sous les décombres de sa maison. Il a été retrouvé dans les bras de sa mère dans leur maison détruite par un missile israélien.

Le même jour, dans le camp de réfugiés de Jabalia, au nord de Gaza, Najwa Abu Hamda n’était pas préparée à la nouvelle dévastatrice qu’elle allait recevoir.

Son fils de 19 ans, Khalil, avait été tué dans une frappe aérienne. Ce matin-là, Najwa, qui a lutté pendant 15 ans avant d’avoir son unique enfant par fécondation in vitro, a dit à ses voisins qu’elle et son mari espéraient que Khalil se marierait bientôt et leur donnerait des petits-enfants.

Leurs espoirs pour l’avenir sont irrémédiablement détruits par cette perte inimaginable.

Dans le camp de réfugiés de Bureij, à l’est de Gaza, le cheikh Yasser Alnabbahin, 45 ans, a essayé de calmer ses trois enfants tandis que le vrombissement terrifiant des avions de guerre israéliens planait au-dessus de lui. En quelques minutes, cependant, cet officier de justice et professeur de religion à temps partiel, ses jumeaux de 13 ans, Mohammad et Dalia, et son fils de neuf ans, Ahmad, étaient réduits en cendres par un missile israélien.

Seules la mère et la femme de Yasser ont survécu. Les Israéliens ont affirmé avoir touché des combattants.

Le lendemain, le 6 août, dans le camp de réfugiés de Jabalia, Rahaf Sulaiman, 11 ans, est sortie de chez elle vers le coucher du soleil pour dire à son frère de rentrer pour le dîner. Sans aucun avertissement, un missile israélien l’a frappée. La petite fille a perdu sa main droite et ses deux jambes. 

Quels que soient les endroits de Gaza dans lesquels ils vivaient, 45 Palestiniens – dont la moitié étaient des femmes et des enfants – ont été tués. Au cours de ces 55 heures d’enfer, plus de 360 autres personnes ont été blessées et mutilées à cause de l’appétit insatiable d’Israël pour punir, cibler et soumettre les Palestiniens de Gaza. 

Tuer pour des bulletins de votes

L’agression militaire d’Israël a commencé ce matin-là par l’assassinat ciblé et non provoqué d’un commandant du Jihad islamique, l’un des principaux groupes de résistance palestiniens.

Le recours à la violence est depuis longtemps une tactique utilisée par les dirigeants israéliens en pleine campagne électorale pour obtenir des bénéfices politiques. Shimon Perez l’a essayé pendant sa campagne politique en avril 1996, lorsqu’Israël a commis le massacre de Cana, tuant plus de 100 enfants.

Alors qu’il lançait sa campagne de réélection, en décembre 2008, Ehud Olmert a mené trois semaines d’une guerre épouvantable sur Gaza ; elle a coûté la vie à 1.400 Palestiniens, dont près de 500 femmes et enfants, et fait des milliers de blessés. 

En mai 2021, alors que Benjamin Netanyahou se préparait à sa propre réélection après plusieurs scrutins non concluants, il a déclenché toute la puissance de la machine à tuer israélienne pendant 12 jours sur Gaza : plus de 260 morts et des milliers de blessés parmi les Palestiniens, et des milliers de maisons, de bâtiments et d’entreprises détruits.

De même, la guerre de ce mois d’août était une tentative des dirigeants israéliens actuels, Yair Lapid et Benny Gantz, de gagner du terrain politique sur le leader de l’opposition de droite Netanyahu avant de se rendre aux urnes en novembre prochain. 

Il est intéressant de noter que la réélection de tous les dirigeants israéliens mentionnés fut un échec, aucune de ces campagnes militaires n’ayant réussi à atteindre l’objectif de vaincre l’ennemi et de remporter une victoire décisive.

Une stratégie ratée

Dans son dernier assaut contre Gaza, Israël poursuivait cinq objectifs.

Premièrement, il voulait isoler Gaza des autres soulèvements en Palestine, notamment en Cisjordanie et à Jérusalem occupées. 

Deuxièmement, il voulait creuser un fossé entre les groupes de résistance palestiniens, principalement le Hamas, le principal parti au pouvoir à Gaza, et son frère, le Jihad islamique. 

Troisièmement, il cherchait à diminuer la menace que le Jihad islamique représentait pour l’occupation israélienne. De nouveaux membres, composés de jeunes Palestiniens privés de leurs droits, ont récemment commencé à défier les forces de sécurité israéliennes avec plus de vigueur en Cisjordanie, ce qui a entraîné une hausse de la popularité de l’organisation, notamment dans les camps de réfugiés de Jénine, Naplouse et Tulkarem. 

Quatrièmement, Israël voulait que les Palestiniens en général, mais surtout ceux de Gaza, atteignent le plus bas niveau de découragement et de résignation afin d’abandonner toute idée de résistance à l’occupation et de se plier finalement aux diktats israéliens. 

Enfin, Israël voulait remonter le moral de ses citoyens en remportant une victoire rapide et décisive à Gaza et en effaçant ce que de nombreux Israéliens ont considéré comme un revers humiliant l’année dernière, lorsque ses forces n’ont pas pu vaincre la résistance ou réaliser ses objectifs politiques.

En fait, Israël a dû à ce moment-là mobiliser les puissances régionales et internationales pour faire pression sur les groupes de résistance palestiniens en vue d’un cessez-le-feu, car l’économie israélienne commençait à souffrir, les travailleurs restant chez eux ou dans des bunkers.

Malgré les tentatives d’Israël de diviser les mouvements de résistance, il semble que ce soit le contraire qui se soit produit, avec plusieurs déclarations de toutes les parties se soutenant mutuellement ainsi que dans le monde entier, y compris les États du Golfe où la normalisation avec Israël a été un objectif clé d’Israël, des États-Unis et de leurs alliés régionaux. 

Même si Israël a pu assassiner deux commandants du Jihad islamique, il ne semble pas que cela ait affaibli le groupe, qui a continué à résister et même à tirer sur les principales villes et colonies israéliennes jusqu’à la dernière minute avant le cessez-le-feu. 

D’après la presse israélienne et les partis d’opposition, il ne semble pas non plus que le moral des Israéliens ait été remonté, de nombreux observateurs et experts s’interrogeant sur les véritables motifs de la guerre et sur la couverture négative dévastatrice dont ont fait l’objet les atrocités commises par Israël dans le monde entier.

La collusion occidentale 

Mais ce qui a été d’une constance écoeurante tout au long des guerres vicieuses d’Israël, c’est le mantra cruel des dirigeants occidentaux selon lequel « Israël a le droit de se défendre » – donnant impitoyablement à Israël un permis de tuer tout Palestinien qu’il perçoit comme une menace ou un obstacle à ses desseins.

En affichant une connivence avec Israël, les gouvernements occidentaux ont envoyé un message sans équivoque : les vies palestiniennes sont suplerflues ; la liberté et les droits de l’homme ne comptent pas ; l’État de droit, les valeurs démocratiques, la justice et l’égalité sont sélectifs ; la sécurité et la paix ne sont pas des garanties universelles.

Pourtant, les Palestiniens sont conscients des énormes sacrifices qu’ils endurent contre les attaques de l’État sioniste depuis des décennies.

Les Palestiniens pleurent chaque victime et chaque enfant. Il n’y a pas un foyer palestinien qui ne soit pas marqué par la tragédie d’un être cher tué, mutilé, blessé, arrêté ou emprisonné, ou d’une maison démolie ou bombardée, d’une terre confisquée ou d’un arbre déraciné. 

Chaque fois qu’Israël lance une attaque contre les Palestiniens, il cherche à éteindre leur esprit de résistance et à les pousser à renoncer à leurs droits. Mais face à une telle brutalité et un tel mépris de la vie humaine, le peuple devient encore plus déterminé et inébranlable dans sa lutte pour la justice et la liberté. 

Tôt ou tard, le monde reconnaîtra que la voie qui consiste à ignorer le sort de millions de personnes en soutenant un projet colonialiste et en l’armant d’une puissance militaire supérieure contre des enfants, des mères, des jeunes mariés et des gens ordinaires est immorale et insoutenable. 

Les gens de conscience du monde entier le savent également, comme l’a fait remarquer Nelson Mandela : « Nous savons trop bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens ».


Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR

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