Le monde reconnaîtra-t-il un jour les tragédies palestiniennes ?

Motasem A Dalloul, 22 août 2022. Lors d’une conférence de presse conjointe à Berlin du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et du chancelier allemand Olaf Scholz la semaine dernière, un journaliste allemand a demandé à Abbas s’il était prêt à présenter des excuses à Israël pour l’attaque des athlètes olympiques israéliens à Munich en 1972.

Des proches pleurent la mort d’enfants palestiniens tués par des frappes aériennes israéliennes à Gaza le 11 août 2022 [Ali Jadallah/Anadolu Agency].

« Si nous voulons creuser davantage dans le passé, oui, s’il vous plaît, j’ai 50 massacres qui ont été commis par Israël », a répondu Abbas. « Cinquante massacres, 50 holocaustes, et à ce jour, chaque jour, nous avons des morts tués par l’armée israélienne. » Ses commentaires ont suscité une tempête de protestations.

Le président de l’Autorité palestinienne n’avait pas l’intention de manquer de respect à l’égard de l’Holocauste et de ce qui est arrivé aux juifs aux mains des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Il n’avait pas l’intention de minimiser leurs souffrances, que chacun dans le monde considère comme effroyables. Les musulmans en particulier considèrent qu’un tel traitement des êtres humains est condomnable.

Dans l’Islam, infliger des souffrances aux personnes et même aux animaux est un péché majeur. De même, le fait de savoir ou de voir des personnes battues, opprimées ou tuées sans leur offrir la moindre aide est également un péché. L’islam est la religion prédominante chez les Palestiniens, et elle accorde une attention particulière aux autres “Gens du Livre” – juifs et chrétiens -, à leur caractère sacré et à leur proximité avec les musulmans.

« La déclaration du président ne visait pas à nier la singularité de l’Holocauste », a expliqué le bureau d’Abbas. Il a réaffirmé sa conviction qu’il reste « le crime le plus odieux de l’histoire humaine moderne ».

La déclaration officielle poursuit : « Ce qu’il entend par les crimes dont il a parlé, ce sont les crimes et les massacres commis contre le peuple palestinien depuis la Nakba de 1948 aux mains des forces israéliennes. Ces crimes n’ont pas cessé jusqu’à ce jour. »

Nous, les Palestiniens, et les musulmans en général, ne prenons pas à la légère le fait de voir quelqu’un souffrir ou de laisser quelqu’un souffrir sans lui offrir l’aide que nous pouvons lui apporter. Nous condamnons avec la plus grande fermeté ce qui est arrivé aux juifs d’Europe, tout en rappelant à ceux qui soutiennent l’État sioniste d’Israël qu’être victime d’oppression sur un continent ne vous donne pas le droit d’opprimer des gens sur un autre.

Le Premier ministre israélien Yair Lapid a déclaré que l’histoire ne pardonnera pas à Abbas ce qu’il a dit au sujet des juifs et son prétendu manque de respect pour leur histoire douloureuse. À Lapid, je réponds ceci : l’histoire ne vous pardonnera jamais le meurtre de Palestiniens innocents, pas plus tard qu’il y a deux semaines, lorsque 17 enfants et quatre femmes figuraient parmi les 49 Palestiniens tués lors d’une offensive militaire ordonnée par vous contre ceux d’entre nous qui vivent dans la bande de Gaza assiégée.

Il en va de même pour les autres responsables israéliens que les remarques d’Abbas ont irrités. L’histoire ne leur pardonnera jamais d’avoir tué des milliers de Palestiniens et d’en avoir déplacé des centaines de milliers au fil des ans. L’histoire ne leur pardonnera jamais l’oppression continue et permanente des Palestiniens par Israël depuis 1948, notamment le blocus imposé à 2,3 millions de civils dans la bande de Gaza occupée depuis seize ans et plus.

L’histoire n’oubliera pas non plus les crimes des fonctionnaires et les hommes politiques israéliens qui ont été honorés en tant que « hommes de paix », même après avoir tué des Palestiniens avant, pendant et depuis l’occupation israélienne de la Palestine. Ils ont peut-être été blanchis par les dirigeants et les médias occidentaux, mais les Palestiniens n’ont pas oublié ce qu’ils ont fait.

En même temps, j’envoie le même message aux dirigeants mondiaux qui protègent l’État d’occupation d’Israël et lui permettent d’agir en toute impunité. Ils sont du mauvais côté de l’histoire. Non seulement ils n’obtiennent pas justice pour les juifs qui ont été persécutés par les nazis, mais ils sont également complices de l’oppression d’une nation qui souffre de l’autoproclamé « État juif » et de ses partisans depuis avant son établissement en Palestine en 1948.

Je demande aux dirigeants mondiaux de mettre fin à leur parti pris vicieux et inacceptable envers le régime d’apartheid israélien et de commencer à rechercher une solution juste au conflit qu’ils ont contribué à déclencher. Le chancelier allemand Scholz est un exemple des dirigeants mondiaux auxquels on ne peut faire confiance à cet égard. Il a refusé de qualifier d'”apartheid” le traitement des Palestiniens par les Israéliens, alors que cette expression est utilisée par les principaux groupes internationaux de défense des droits de l’homme, dont Human Rights Watch, ainsi que par les Nations unies et le B’Tselem israélien.

L’Allemagne a été le premier État à bloquer la commémoration de la Nakba de 1948, et pourtant elle promeut l’État issu de cette catastrophe, Israël, et continue à prolonger la tragédie des Palestiniens. De nombreux dirigeants mondiaux sont dans le même bateau que Scholz.

Quand les institutions internationales prendront-elles leurs responsabilités quant à l’application des lois et conventions internationales qu’elles prétendent défendre ? Regardez-vous derrière le vernis et la façade : votre rôle est limité et inefficace lorsqu’il s’agit de nations puissantes et tyranniques.

Loin des dirigeants mondiaux et des institutions internationales, j’adresse un autre message aux médias internationaux. Les journalistes traditionnels ignorent les principes de leur profession fondés sur l’engagement en faveur de la vérité et sur le fait de se tenir aux côtés des opprimés contre les oppresseurs. Ils prennent la tête de la campagne de blanchiment des crimes israéliens contre les Palestiniens.

Le monde reconnaît à juste titre la souffrance des juifs, et reconnaît la souffrance des Ukrainiens et autres. Quand reconnaîtra-t-il la souffrance des Palestiniens et les tragédies qui leur sont infligées par l’État d’apartheid d’Israël ? Et quand le monde s’efforcera-t-il de mettre fin à l’occupation militaire brutale d’Israël ?

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR

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