La résistance de Naplouse fait échouer la plus grande opération d'”Israël”  dans la ville depuis 2002

Robert Inkalesh, 28 juillet 2022. Pendant plus de trois heures, dimanche matin 24 juillet à l’aube, les factions de la résistance palestinienne basées dans la ville de Naplouse, en Cisjordanie, ont combattu les forces d’occupation israéliennes qui les attaquaient à coup de missiles. Malgré l’énorme arsenal utilisé pour leur intervention, les forces d’occupation n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs grâce à l’unité de la résistance du nord de la Cisjordanie.

24 juillet, des tirs de missiles israéliens au coeur de Naplouse.

Ce dimanche matin s’est avéré être un indicateur important de la menace que représentent les forces de résistance palestiniennes pour l’occupation de la Cisjordanie par “Israël”. Les forces terrestres israéliennes, y compris les unités des forces spéciales “Yamam”, ont pris d’assaut la vieille ville de Naplouse, apparemment dans le but d’arrêter ou de tuer un commandant des brigades des martyrs d’Al-Aqsa, nommé Ibrahim Nabulsi. Nabulsi aurait échappé à une tentative d’assassinat israélienne en février dernier, lorsque les forces israéliennes ont tendu une embuscade à une voiture civile, tirant des balles à l’aveugle, tuant trois autres Palestiniens.

Le raid dans le quartier d’Al-Yasmina est la plus grande attaque israélienne à Naplouse depuis 2002, impliquant des unités des forces spéciales, des forces de police et de l’infanterie régulière. Les forces israéliennes ont déployé des drones, des hélicoptères, des véhicules militarisés, des missiles antichars et des munitions perforantes, mais elles n’ont pas réussi à arrêter ou à blesser le suspect visé. Ceci est dû à la réaction instantanée des forces de la résistance armée palestinienne, qui ont piégé les occupants dès leur entrée dans la zone et les ont ‘enlisés’ pendant plus de trois heures dans plusieurs échanges de tirs. Une maison a même été bombardée de missiles antichars, à deux reprises, tandis que les Palestiniens commençaient à se rassembler avec des pierres pour soutenir les combattants de la résistance armée.

Il n’est pas habituel que les forces israéliennes utilisent des missiles en Cisjordanie, en fait c’est quelque chose que l’on n’a pas vu depuis la deuxième Intifada – 2000 à 2005 – pourtant cela n’a fait aucune différence pour les habitants de Naplouse. Dans une démonstration éloquente de solidarité, les rues se sont instantanément remplies de manifestants lançant des pierres et les mosquées de Naplouse ont appelé la population à affronter les forces d’invasion. Simultanément, des groupes armés affiliés à la branche armée du Jihad islamique palestinien (PIJ), les brigades Al-Quds, ont ouvert le feu sur des postes de contrôle dans les régions de Jénine et de Tubas, dans le nord de la Cisjordanie. Finalement, deux Palestiniens ont été tués à Naplouse par les forces israéliennes : Mohammed al-Azizi (25 ans) et Abdul-Rahman Sobh (28 ans). 19 autres Palestiniens ont été blessés, dont 10 par des balles réelles, et au moins 5 membres des forces israéliennes ont été abattus lors d’une embuscade. Cependant, le régime sioniste a refusé de donner des détails sur ses propres pertes éventuelles observées par la population locale.

Un autre aspect intéressant des affrontements armés de Naplouse est que l’Autorité palestinienne (AP) – ou du moins ceux qui lui sont affiliés – a ressenti le besoin d’utiliser des trolls en ligne pour diffuser des informations erronées sur la présence des forces de sécurité de l’AP dans la lutte contre les forces terrestres israéliennes. Les forces de l’AP n’ont jamais pris part aux échanges de tirs, mais il est révélateur que les comptes pro-AP en ligne aient ressenti le besoin d’une telle propagande et cela indique un changement de paradigme évident : si une force politique cherche à être légitime, elle ne pourra le faire que par la résistance. Depuis l’époque des Accords d’Olso, après 1993-1995, l’Autorité palestinienne a cherché à poursuivre une stratégie de “résistance populaire non-violente” et malgré le large soutien en Palestine pour la lutte non-violente, il est bien entendu que le test décisif pour savoir qui est vraiment de votre côté est sa position sur la lutte armée. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) – aujourd’hui absorbée par l’AP – condamnait depuis longtemps le “terrorisme”, notamment en 1988, lorsque le président de l’OLP, Yasser Arafat, a fait part de cette position et, depuis Oslo, l’AP a décidé de condamner presque toutes les formes de lutte armée. Après la mort d’Arafat et l’acquisition du pouvoir par l’actuel président de l’AP, Mahmoud Abbas, toutes les formes de lutte armée contre “Israël” sont non seulement condamnées mais aussi activement punies. Cependant, depuis la bataille de Saif al-Quds l’année dernière, en mai, des groupes armés ont rapidement commencé à émerger dans toute la Cisjordanie, en particulier à Jénine, Naplouse et Qalqilya.

65 Palestiniens ont été assassinés par les forces d’occupation depuis le début de l’année, dont de nombreux résistants, et la plupart des meurtres ont eu lieu en Cisjordanie. D’innombrables opérations de résistance contre les postes de contrôle, les colons, les colonies, les soldats et les forces d’invasion ont également eu lieu cette année, dans toute la Cisjordanie, d’al-Khalil à Jenin, un développement qui s’est accompagné de tactiques plus agressives de la part de l’occupant sioniste. Tout cela a créé un environnement dans lequel la croyance en la lutte armée comme principale méthode de libération est désormais prédominante en Cisjordanie et où quiconque s’y oppose est considéré comme un ennemi et un collaborateur. Cela a entraîné de graves conflits au sein du parti Fatah, qui dirige l’AP de Cisjordanie, car il existe une opposition sérieuse aux positions politiques actuelles du groupe pro-Mahmoud Abbas qui dirige le parti.

A ce stade, beaucoup se demandent pourquoi une Intifada n’a pas encore éclaté et c’est là que nous devons être honnêtes avec nous-mêmes et analyser la situation actuelle. Il existe des groupes armés dans toute la Cisjordanie, qui sont clairement craints par l’armée israélienne et qui représentent pour elle une menace croissante, mais c’est le début d’une nouvelle phase de lutte armée en Cisjordanie. Les groupes de Cisjordanie, y compris à Jénine, ne sont pas professionnels comme la résistance de la bande de Gaza et n’ont pas non plus accès au matériel d’armement disponible là-bas. La plupart des commandants expérimentés de la résistance en Cisjordanie sont soit en prison, comme Zakaria Zubeidi, soit tués. Le niveau d’expérience de la résistance ne doit donc pas être surestimé et il faudra du temps pour qu’elle se développe.

Si les forces de résistance en Cisjordanie sont des combattants engagés et courageux, qui ne craignent pas la mort mais recherchent plutôt le martyre, elles ne constituent pas une force militaire à part entière et nécessitent du travail. Il est important de comprendre cela pour ceux qui commencent maintenant à les critiquer et il faut le comprendre dans le cas où “Israël” lancerait un assaut à grande échelle en Cisjordanie pour détruire la résistance. Ils n’ont pas les avantages que la résistance avait pendant la deuxième intifada, ni l’accès aux mêmes armes, donc s’ils subissent des défaites à l’avenir, cela ne devrait pas miner la résistance dans son ensemble. C’est une résistance qui fait un travail incroyable compte tenu de ses contraintes et qui est dévouée à sa cause ; elle parvient également à inspirer les habitants des villages et des villes qu’elle représente.

La raison pour laquelle la résistance existe principalement dans le nord de la Cisjordanie est similaire à la raison pour laquelle elle y existait dans le passé, elle est moins facile à contrôler géographiquement que des endroits comme al-Khalil où il y a certainement un soutien et un désir pour cela. Tant que l’appareil de sécurité de l’AP sera aux mains de dirigeants qui travaillent avec “Israël” sur la coordination de la sécurité et qui refusent de retourner leurs armes contre les occupants, la lutte armée n’atteindra pas le niveau que nous voyons dans la bande de Gaza, mais les révolutionnaires qui se battent maintenant dans des groupes armés à travers la Cisjordanie sont le début d’une nouvelle ère de lutte armée. Si cette lutte armée continue à se développer et à gagner le cœur du peuple palestinien qu’elle entoure, elle finira par ouvrir la voie à un retrait israélien de nombreuses zones de Cisjordanie et fera de ce territoire un enfer pour ses forces armées.

Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR

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