150 appels en 48 heures : Les médiateurs internationaux pressent le Hamas d’éviter la guerre avec Israël

Adam Khalil, 19 avril 2022. Le mouvement palestinien Hamas a reçu 150 appels en 48 heures de la part de diverses parties, alors que les efforts de médiation incessants tentent d’éviter une guerre dans la bande de Gaza suite aux violents raids israéliens répétés sur la mosquée al-Aqsa.

Bombardement israélien sur Khan Younis, bande de Gaza, 19 avril 2022.

Une source proche du Hamas, qui gouverne Gaza, a déclaré à Middle East Eye que les États-Unis, une partie qui n’est pas traditionnellement impliquée dans la médiation, a indirectement approché le mouvement dans le but de maintenir le calme sur le front de Gaza.

Lundi, un missile a été tiré de Gaza vers Israël, auquel Israël a répondu quelques heures plus tard par des frappes aériennes visant des sites du Hamas, faisant craindre l’effondrement des efforts de médiation, qui ont jusqu’à présent réussi à tenir l’enclave sous blocus à l’écart de tout engagement direct dans un contexte de tensions accrues ailleurs.

Le mois dernier, les forces israéliennes ont tué au moins 16 Palestiniens lors de divers raids militaires en Cisjordanie occupée, tandis que 14 Israéliens ont été tués dans quatre attaques de combattants solitaires perpétrées par des Palestiniens. 

Les tensions sont à leur comble cette semaine alors que les forces israéliennes continuent d’agresser les fidèles de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem et de les expulser quotidiennement du complexe pour permettre aux colons israéliens de visiter le site vénéré. 

Selon des sources et des analystes politiques au fait de la question, le Hamas n’est pas intéressé par une nouvelle guerre et se contente d’intensifier le « langage de la menace », une position démontrée par sa communication rapide avec l’Égypte pour faire savoir qu’il n’était pas responsable de l’attaque au missile.

Selon des sources, le Hamas a tenté de contenir les activités de son allié, le Jihad islamique palestinien (JIP), en utilisant un « langage tranchant » et en mettant en garde contre une escalade unilatérale à la suite des menaces proférées contre Israël par son secrétaire général basé à Beyrouth, Ziad al-Nakhala. Les efforts du Hamas semblent avoir porté leurs fruits, ont-ils ajouté, car le JIP a jusqu’à présent fait preuve de retenue.

Lors des discussions avec les médiateurs égyptiens, le JIP a nié sa responsabilité dans le missile tiré depuis Gaza et a confirmé son engagement à respecter les décisions prises par la salle d’opération conjointe, qui regroupe toutes les principales factions armées de Gaza.

Une source proche du Jihad islamique a révélé à MEE que le groupe a appris la leçon lorsque le Hamas l’a laissé seul face à l’assassinat de son commandant militaire, Baha Abu al-Atta, par Israël il y a deux ans, une expérience qu’il a qualifiée de dure.

Aujourd’hui, a-t-il ajouté, le Jihad islamique a pris conscience que toute guerre avec Israël doit se faire avec la pleine participation du Hamas et par le biais d’une décision prise par la salle des opérations conjointes.

Des sources ont déclaré à MEE que, ces derniers jours, le Hamas avait arrêté des membres du Jihad islamique qui avaient tenté de tirer des obus sur Israël depuis la bande de Gaza, au motif qu’ils agissaient individuellement sans coordination avec leur direction, et avait confisqué leur équipement militaire.

Médiation états-unienne

Depuis l’explosion de la violence à Jérusalem, avec les forces israéliennes qui ont envahi la mosquée al-Aqsa à quatre reprises au cours de la semaine écoulée, le Hamas s’est imposé comme un acteur majeur, les médiateurs arabes et étrangers cherchant à entrer en contact avec le mouvement.

« Le Hamas est devenu le principal acteur des mouvements politiques et l’épine dorsale de la résistance », a déclaré Zaher Jabarin, membre de son bureau politique qui réside à l’étranger. 

L’écrivain politique Mustafa Ibrahim a déclaré à MEE qu’Israël parle d’une médiation indirecte des États-Unis avec le Hamas, car Washington ne veut pas d’une guerre qui détournerait l’attention de la guerre russe en Ukraine. Les États européens communiquent aussi directement avec le Hamas dans ce même but, a-t-il ajouté.

Cette information est conforme à ce qui a été rapporté dans les médias israéliens sur l’implication des États-Unis et de la Turquie dans la « ligne de médiation » entre le Hamas et Israël.

Ibrahim a déclaré que, suite à la reprise des relations de la Turquie avec Israël, Ankara a fait des efforts depuis un certain temps et a exprimé sa volonté de servir de médiateur sur la question d’un accord d’échange de prisonniers avec le Hamas, si cela peut conduire à un calme durable.

Une source palestinienne proche du Hamas, quant à elle, a déclaré qu’Israël a initié une demande d’intervention de ces médiations, et a relayé des messages indirects au Hamas selon lesquels il n’était pas intéressé par une nouvelle confrontation militaire avec Gaza.

Si Israël a souligné sa volonté de maintenir le calme sur le front de Gaza, a ajouté M. Ibrahim, il a également menacé d’une réponse militaire sans précédent s’il était attaqué par des factions palestiniennes à Gaza.

Grâce aux « négociations indirectes » entre le Hamas et Israël menées par l’intermédiaire de médiateurs, les deux parties ont montré qu’elles n’étaient pas disposées à mener une nouvelle guerre, du moins pour l’instant.

Jabarin a déclaré que les messages du Hamas à Israël étaient clairs sur la nécessité de « contraindre » Israël et de mettre fin à ses attaques à Jérusalem et dans les villes de Cisjordanie occupée.

Une guerre coûteuse

Le Hamas a indiqué aux médiateurs ce que Jabarin a décrit comme des « lignes rouges » que lui et les autres factions de Gaza ne peuvent tolérer, notamment toute agression israélienne, plus particulièrement en ce qui concerne la mosquée al-Aqsa et les assassinats en Cisjordanie.

Selon M. Jabarin, les efforts des médiateurs sont axés sur la recherche de solutions et la prévention du déclenchement d’une guerre à Gaza, qui a été dévastée par l’offensive militaire israélienne de mai dernier, faisant 256 morts parmi les Palestiniens. 

« Nous avons de nombreux moyens de faire pression sur l’occupation, et l’ouverture d’une nouvelle guerre sur le front de Gaza est l’une des options si nécessaire », a déclaré le membre du Hamas.

Une source fiable à Gaza a déclaré à MEE que les factions de la bande, sous la direction du Hamas, tentent à ce stade d’éloigner l’enclave d’une large confrontation avec Israël. Au lieu de cela, elles se contentent d’encourager les actions individuelles contre des cibles israéliennes ailleurs, notamment en Cisjordanie. 

L’écrivain et analyste politique Thabet al-Amour estime que ni Israël ni les factions armées de la bande de Gaza ne veulent entrer en guerre pour le moment, et que les risques qu’un conflit éclate semblent minces, à moins que des événements sans précédent ne se produisent sur le terrain.

« La facture de la guerre sera cette fois-ci très élevée », a déclaré Amour.

« C’est pourquoi chaque partie essaie de repousser cette confrontation, d’organiser sa communication, alors que Gaza souffre encore du fléau et des effets de la guerre de mai dernier et des répercussions du siège de 16 ans, et que la coalition au pouvoir en Israël est confrontée à de nombreux défis et crises internes et externes. »

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR

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