La normalisation : Un coup de poignard dans le dos de la cause palestinienne

Rasha Reslan, 19 février 2022. Les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc font partie des pays arabes qui ont signé des accords de normalisation avec l’occupation israélienne, faisant ainsi écho à la reconnaissance d'”Israël” par le président égyptien Anwar Sadat en 1977.

La plupart des pays arabes et musulmans envisagent apparemment une normalisation, mais à quel prix ?

Voici la hideuse vérité : d’autres pays arabes et musulmans envisagent apparemment de faire de même, les États-Unis jouant les intermédiaires, sans compter que ceux qui ont adopté le prototype des Émirats arabes unis pour la normalisation avec “Israël” considéraient la question de la Palestine comme inexistante.

Arabie Saoudite : Nous sommes prêts à une normalisation avec “Israël”

Initiative de paix arabe ?

Malgré toutes les revendications d’une initiative de paix arabe, la Palestine semble être une réflexion après coup dans les accords de normalisation avec “Israël”. Les soi-disant “Accords d’Abraham” concernaient davantage les transactions arabes avec les États-Unis qu’avec “Israël”. En bref, la normalisation avec “Israël” était le prix à payer en échange de la reconnaissance par les États-Unis de revendications territoriales (dans le cas du Maroc), du retrait des listes noires (dans le cas du Soudan), de la préservation d’un régime totalitaire (dans le cas du Bahreïn) ou de la vente d’armes (dans le cas des Émirats arabes unis).

Ghazi Hamad, membre du Hamas

Mohamed Abdala, un écrivain soudanais, a déclaré à Al Mayadeen English que les « sionistes sont des marchands de crises – vendant la perception, pas nécessairement la vérité ; ils trompent les pays du Golfe avec une obsession dans l’armement sans parler des logiciels d’espionnage, ils trompent les pays du Sahara africain avec des réseaux d’irrigation et d’eau, ils trompent les pays latins avec des forteresses industrielles modernes, ils trompent les pays de l’Asie du Sud avec des réseaux de transport réguliers et des systèmes éducatifs modernes, etc. ».

Zulfikar Soergo, écrivain et analyste politique palestinien

Sur son compte, Youssef Benasria, un journaliste marocain, s’est demandé comment l’accord de normalisation du Maroc avec “Israël” rendra justice aux Palestiniens, puisqu’il n’a pas rendu justice à quatre jeunes filles marocaines qui ont été assassinées aux côtés d’enfants palestiniens lors d’une frappe aérienne pendant l’agression israélienne sur Gaza en mai dernier.

Hala, Rola, Yara et Hala

Dans une interview pour Al Mayadeen English, il a ajouté que son pays n’a pas bénéficié de la décision de normaliser avec l’occupation israélienne en échange d’une reconnaissance américaine inutile de la “marocanité” du Sahara occidental, affirmant que la situation n’a pas changé sur le terrain.

Pour “Israël”, la principale motivation pour conclure de tels accords avec les Arabes n’était pas de faire la paix avec les Palestiniens, mais de normaliser les relations avec le monde arabe et d’obtenir un laissez-passer pour continuer à assassiner les Palestiniens, annexer davantage de terres, judaïser Al-Quds, poursuivre les pratiques d’apartheid, sans parler de l’entrée sur les marchés de la région, des voies de transit, du vol des ressources, et bien plus encore.

Mufid Abu Shamala, journaliste palestinien

En outre, “Israël” cherche à façonner une alliance régionale formelle face à l’Axe de la Résistance, juste après la normalisation des relations, ce qu’a exprimé le Premier ministre israélien Naftali Bennett qui a récemment exhorté Bahreïn à rejoindre la soi-disant alliance lors de sa première visite de ce type dans le pays.

Voici un aperçu de la Palestine : Pré et post-normalisation

Pré-normalisation : Être un point de ralliement primaire

La cause palestinienne a été un point de ralliement essentiel dans de nombreux États arabes entre 2000 et 2020, ce qui s’est traduit sur le terrain par une désescalade de l’agression d’Israël contre les Palestiniens, qui n’avait pas autant de soutien qu’il le souhaitait. En 2003, Ariel Sharon, alors Premier ministre israélien, a lancé une politique de désengagement de Gaza. Les déclarations officielles ont été mises en action en février 2004, ce qui a conduit à l’évacuation de 17 colonies de Gaza et de quatre autres en Cisjordanie occupée, marquant ainsi le premier virage du mouvement de colonisation depuis 1968. En 2009, “Israël” a imposé un gel de la colonisation de 10 mois en Cisjordanie. Pendant cette période, l’agression israélienne n’a pas cessé, mais les Palestiniens ont pu respirer un peu.

Post-normalisation : « Contourner le mouvement palestinien pour l’indépendance »

Après les accords de normalisation, les démolitions de maisons palestiniennes par les forces d’occupation israéliennes et les incursions militaires israéliennes dans les territoires palestiniens ont augmenté de façon spectaculaire. “Israël” a clairement fait savoir qu’il ne se sentait pas obligé de cesser d’annexer des terres palestiniennes à l’avenir, et encore moins de se retirer des régions occupées, comme l’exigent les traités internationaux.

Les forces d’occupation israéliennes ont résolument augmenté le transfert des colonies israéliennes dans des avant-postes en Cisjordanie occupée, ce qui est considéré comme un crime de guerre. Selon les organisations humanitaires, les responsables israéliens ont fait avancer davantage de projets de logements dans les colonies de Cisjordanie en 2020 que pour toute autre année depuis qu’ils ont commencé à suivre ces statistiques en 2012.

Abu Izzah, écrivain politique palestinien, a affirmé à Al Mayadeen English que le nombre de colonies et d’avant-postes israéliens en Cisjordanie occupée et à Al-Quds a atteint près de 400 colonies et avant-postes. Cependant, dans le cadre de la mise en œuvre des accords de normalisation, les projets de construction dans ces colonies et avant-postes se sont multipliés, puisqu’il existe plus de 65 projets de construction, dépassant 11 mille unités de logement.

Les colonies israéliennes sur les ruines des villages palestiniens

« Depuis 1967, la construction de colonies israéliennes en Cisjordanie occupée et à Al-Quds n’a pas cessé, mais elle s’est réduite et a diminué au cours de deux périodes principales : la première Intifada en 1987 et la deuxième Intifada en 2000, avec un impact accru après l’accord d’Oslo, mais elle a clairement doublé après les accords de normalisation avec certains régimes arabes », a souligné Abu Izzah.

Le visage le plus laid d’Israël

Selon les Nations unies, l’agression israélienne contre Gaza en mai dernier a fait 260 martyrs, dont 66 enfants. Le ministère de la Santé de Gaza a déclaré que les forces israéliennes ont blessé 1.948 Palestiniens, dont 610 enfants. Au cours de l’agression, “Israël” a commis des crimes humanitaires et des crimes de guerre.

En 2020, les autorités israéliennes ont systématiquement réprimé et discriminé les Palestiniens d’une manière qui l’emportait largement sur les justifications de sécurité qu’elles offraient fréquemment avant les accords de normalisation.

L’occupation israélienne a imposé une interdiction généralisée de voyager aux Palestiniens de la bande de Gaza occupée, ainsi que de sévères restrictions à l’entrée et à la sortie des marchandises. Ces restrictions ont privé les 2 millions de Palestiniens qui y résident de leur droit à la liberté de mouvement, ont limité leur accès à l’électricité et à l’eau, et ont fait des ravages sur l’économie. Il convient de noter que 80 % de la population de Gaza dépend de l’aide humanitaire.

Les prisonniers palestiniens sous le coup de punitions collectives israéliennes

Le ministère palestinien des Prisonniers et anciens prisonniers a récemment déclaré que le service pénitentiaire de l’occupation israélienne intensifie délibérément ses violations à l’encontre des prisonniers. Ils prennent d’assaut les chambres et les sections des prisonniers la nuit et à l’aube et exposent les prisonniers à la pluie et à un froid extrême. Le ministère a souligné que l’administration impose des restrictions sur l’utilisation des appareils électriques et de chauffage, empêchant les prisonniers d’acheter tout appareil de chauffage, même à leurs propres frais. Le froid extrême qui règne dans certaines prisons, comme la prison d’Al-Naqab, laisse les prisonniers avec des membres gelés, sans aucun système ou équipement de chauffage. En outre, l’administration adopte une politique de négligence médicale sans fournir les traitements et les soins de santé nécessaires aux prisonniers palestiniens.

Attaque des cellules des prisonniers par les forces d’occupation à Nafha, 2021.

Environ 4.600 prisonniers palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes, dont 200 enfants et 36 femmes. Parmi ce nombre, 500 prisonniers sont en détention administrative, selon le groupe de défense des droits des prisonniers palestiniens Addameer.

Les prisonniers palestiniens sont incarcérés dans des conditions déplorables et soumis à des traitements inhumains. Les organisations de défense des droits de l’homme ont documenté divers abus physiques et psychologiques, notamment des passages à tabac arbitraires, le recours excessif à l’isolement cellulaire et le refus des visites familiales pendant des années.

Un coup dur pour “Israël” 

La normalisation a d’abord eu lieu, puis “Israël” s’est déchaîné avec une brutalité sans précédent contre les Palestiniens. Un fait est clair : aucun de ces accords ne garantira jamais qu'”Israël” cessera de voler les terres palestiniennes ou mettra fin à ses pratiques d’apartheid contre les Palestiniens. Ces accords de normalisation n’ont fait que donner une légitimité à l’occupant au détriment de l’occupé.

Les accords de normalisation ont renforcé l’impunité dans les relations d'”Israël” avec les Palestiniens sur le terrain. L’écrivain américain Jim Kavanagh a commenté cette question en disant : « Les accords de normalisation sont une reconnaissance de la légitimité du projet sioniste, précisément au moment où ce projet nous montre son visage le plus cruel dans la dépossession des Palestiniens du quartier d’Al-Quds. »

Jim Kavanagh, écrivain états-unien

« Dans le même temps, sur le plan idéologique et populaire, le projet sioniste a été presque entièrement discrédité. Les principales organisations de défense des droits de l’homme ont maintenant clairement défini Israël comme un État d’apartheid. Ainsi, même si les Palestiniens semblent si faibles et les Israéliens si forts sur la scène géopolitique, au niveau de la compréhension populaire et historique profonde, le mouvement palestinien n’a jamais été aussi fort et le projet sioniste israélien n’a jamais été aussi faible. »

Malgré l’agression hystérique permanente d'”Israël” et alors que les accords de normalisation en cours se poursuivent, les Palestiniens ont compris que la seule façon de surmonter la trahison actuelle est de renforcer l’unité interne et de consolider l’alliance régionale de la Résistance, affirmant ainsi qu’ils n’abandonneront jamais la Palestine.

Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR

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