Partager la publication "Le changement du rapport des forces dans le monde augure-t-il celui en Palestine ?"
Daniel Vanhove, 13 avril 2023. Bref rappel : l’occupation coloniale de la Palestine dure depuis plus de 75 ans, après qu’une partie de son territoire ait été donné – en l’absence des premiers intéressés, à savoir les autorités palestiniennes ! – aux colons juifs pour y développer leur projet sioniste.
La Résolution 181 du 29 novembre 1947 de l’ONU décidait de partager la Palestine en 54% pour les juifs – pourtant minoritaires – et les 46% restants pour les Palestiniens. C’était le début de la Nakba et de la résistance. Au fil des ans et du refus du vol de leurs terres, ces 54% d’origine alloués au projet sioniste sont devenus par la force armée du régime israélien soutenu par l’Occident global, la quasi totalité des territoires à l’exception de quelques poches isolées où les autorités palestiniennes n’exercent un contrôle qu’à propos de questions civiles. Ce qui est appelé « Cisjordanie » fait régulièrement l’objet d’implantations de nouvelles colonies avec l’intention à peine dissimulée d’en prendre le contrôle définitif et absolu. La Palestine serait dès lors définitivement reléguée au rang d’un souvenir de l’histoire. Ce partage de 1947 a provoqué tellement de victimes, disloqué tellement de familles et dépouillé tant d’habitants palestiniens de leurs biens et de leur autonomie que plusieurs historiens parlent d’ethnocide. De plus, il a entraîné la fuite d’un nombre massif d’autochtones comme réfugiés dans les pays voisins.
Le projet sioniste d’un « Grand Israël » reste pourtant plus que jamais combattu à l’intérieur des frontières de la Palestine historique par la résistance qui, au fil des nouvelles générations, s’est affranchie des humiliations passées et débarrassée des souvenirs illusoires des Accords d’Oslo de septembre 1993 qui un moment ont failli ouvrir la voie à une paix entre les parties. Mais par leur iniquité et leurs carences essentielles sur des points majeurs, ces Accords ont, tout comme en 1947, trop profité à l’occupant israélien au détriment des Palestiniens n’obtenant plus que 20% de leur territoire d’origine. Aussi, ces nouvelles générations palestiniennes ne veulent plus entendre parler de « deux Etats vivant côte à côte » comme la plupart de nos gouvernements, parrains de ces Accords, l’ânonnent toujours. Cette arnaque régulièrement reprise par nos (ir)responsables politico-médiatiques – toujours aussi éloignés du quotidien des populations – est devenue de par la soif inextinguible d’expansion israélienne, caduque. Et le compte à rebours semble entamé.
Dernièrement, après les différents échecs de nombreuses coalitions, la nomination du énième gouvernement Netanyahu avec plusieurs ministres d’extrême-droite à des postes importants, a non seulement provoqué l’hostilité de la rue israélienne, mais a considérablement exacerbé le sentiment de révolte des Palestiniens. Chaque jour, de courageux résistants affrontent avec leurs maigres moyens, les forces surarmées du régime d’apartheid sioniste qui se déchaînent sans retenue contre eux, avec pour triste bilan près de 100 victimes, dont nombre d’enfants depuis le début de l‘année 2023. Mais la résistance ne baisse pas les bras, bien au contraire : plus l’oppression est forte, plus elle se montre déterminée. Et elle est cette fois appuyée par une résistance extérieure, de la part de Palestiniens réfugiés ici au Liban, là en Syrie… sans compter l’appui de pays comme l’Iran, l’Irak ou encore le Yémen. La pression sur Tel-Aviv semble n’avoir jamais été aussi forte, d’autant que les Etats-Unis ne semblent pas convaincus par la coalition autour de Netanyahu, ne l’ayant d’ailleurs pas invité à Washington comme à l’habitude en soutien à son dernier gouvernement. Et trop occupés à sauver ce qui peut encore l’être dans le changement du rapport des forces mondiales initiée par la Russie et ses alliés des BRICS dont la dé-dollarisation menace l’hégémonique système américain dans son ensemble, ce qui en précipiterait la faillite avec toutes les répercussions pour ses pays alliés.
Le comble a peut-être (?) été atteint, lors des attaques de l’armée coloniale contre des musulmans en prières dans la mosquée al-Aqsa dans la nuit de mardi dernier. Ce que les fidèles ont pu relayer comme images de violations des lieux saints et de brutalité de la part de la soldatesque israélienne dépasse toute limite et a fait l’objet de condamnations unanimes de la plupart des pays dans le monde, à l’exception de l’Occident global choisissant comme toujours de condamner le tir de roquettes depuis Gaza, en réaction aux violations des lieux saints de l’islam. Qu’auraient été leurs réactions si quelque temple ou église avaient été violés et leurs fidèles roués de coups de la sorte?…
Ne sachant plus où donner de la tête, rappelant son ministre des Affaires militaires Yoav Galant limogé 15 jours plus tôt, interdisant désormais l’accès à la mosquée al-Aqsa aux non-musulmans jusqu’à la fin du ramadan, déployant ses batteries « Dôme de Fer » un peu partout sur le territoire par peur de réactions coordonnées de l’Axe de la résistance, le Premeir ministre de cet odieux régime d’apartheid B. Netanyahu conspué de l’intérieur et affaibli de l’extérieur, a emballé tout cela dans une allocution depuis le QG de l’armée d’occupation à Tel-Aviv en ce lundi de Pâques 10 avril. En voici les grandes lignes :
– « Nos ennemis pensent pouvoir nous détruire en nous attaquant depuis plusieurs fronts. »
– « Nous allons repousser ces dangers et nous allons résister face à nos ennemis. »
– « Nous rétablirons la dissuasion et réparerons les dégâts, cela prendra du temps, mais cela arrivera. »
– « Nous sommes actifs dans tous les domaines, je ne peux pas tout dire, mais nous faisons beaucoup. »
– « Le régime d’Assad paiera un lourd tribut si les tirs de roquettes se poursuivent. »
– « Je ne vous mentirai pas, il y a de nombreuses alertes mais je vous promets que tous les résistants rendront des comptes. »
– « Nous sommes prêts à des actions puissantes sur tous les fronts tant que ce sera nécessaire. »
– « Nous ne voulons pas d’une vaste campagne militaire et faisons tout pour l’empêcher, mais si nous sommes tenus de le faire, nos ennemis affronteront l’État d’Israël, l’armée israélienne et les forces de sécurité au grand complet. »
En d’autres termes, un discours creux, empli de constats et de promesses dont chacun sait qu’elles n’engagent que ceux qui y croient. Un discours où les formules utilisées par un 1er ministre au plus bas de sa popularité – le parti Likud s’effondre dans les sondages – ne sont qu’aveux d’impuissance. Mais quel observateur attentif de la situation en Palestine s’en étonnera ? De son côté, le Hamas n’a pas attendu pour répondre à l’allocution de Netanyahu :
« Le discours de Netanyahu n’effraie pas le peuple palestinien, qui continuera à défendre l’identité de la mosquée Al-Aqsa face à la guerre religieuse menée par l’ennemi.
Le discours de Netanyahu est une tentative de nier le fait que l’occupation est à l’origine de toutes les tensions, et que c’est l’occupant qui pratique le terrorisme de manière systématique et continue. Notre peuple mène une lutte légitime pour exercer son droit à la liberté et à l’indépendance.
Les menaces de Netanyahu à l’encontre du peuple palestinien, de la Syrie, du Liban et de l’Iran confirment que l’entité sioniste représente une menace pour l’ensemble de la région et de ses intérêts. »
De nombreuses personnes se lassent et se plaignent parfois de lire et entendre les informations d’une énième dégradation de la situation en Palestine, avec cette impression d’écouter un disque rayé. Qu’ils imaginent alors un court instant comment les Palestiniens eux-mêmes, qui n’ont pas le choix, doivent ressentir les choses. C’est justement l’exemple de leur résistance opiniâtre affrontant toutes les épreuves depuis des décennies qui doit renforcer notre détermination à les soutenir. En réalité, et à bien y regarder sans s’en lasser, la situation en Palestine occupée est plus tendue que jamais, voire peut-être au point d’un basculement, faisant dire à certains analystes qu’Israël ne fêtera peut-être pas ses 80 ans. Ne renonçons donc jamais à en parler !
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