Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 568 / 6.11 – Quand Gaza fait germer l’espoir sous les décombres"
Brigitte Challande, 7 novembre 2025.- Le 6, Abu Amir envoie le compte rendu accompagnée d’une magnifique vidéo : une action des agriculteurs avec la renaissance de la terre malgré la guerre.
« Bien que la terre de Gaza ait toujours été le berceau de l’agriculture et un symbole de la résilience palestinienne, la réalité actuelle de ses agriculteurs raconte une histoire douloureuse où l’odeur de la terre se mêle à l’appel de la souffrance, et où, entre les branches des oliviers, se cache un espoir refusant de mourir malgré tout ce qui s’est passé. Depuis le déclenchement de la dernière guerre, d’immenses étendues de terres agricoles se sont effondrées sous les décombres de la destruction, des centaines de serres qui fournissaient les marchés en légumes frais ont été incendiées, et les champs verdoyants se sont transformés en terres arides habitées par le silence et la cendre. Des milliers de dunums ont été rasés et nivelés par les bulldozers de l’occupation, tandis que d’autres sont devenus inaccessibles à cause des soi-disant « zones rouges », ces zones où l’occupation impose un cordon militaire empêchant les agriculteurs de s’en approcher, comme si la terre sur laquelle ils avaient vécu pendant des siècles leur était soudainement devenue étrangère.
La crise s’est aggravée jour après jour, au point que la profession agricole à Gaza est désormais menacée de disparition. L’agriculteur palestinien ne se lève plus à l’aube pour embrasser sa terre comme il le faisait toujours, mais se demande désormais où il passera la nuit après un nouveau déplacement imposé par les bombardements ou l’exil forcé. Avec la rupture des chaînes d’approvisionnement et l’épuisement des intrants agricoles, il est devenu difficile, voire presque impossible, de reprendre le cycle naturel de production. Les marchés ont connu une flambée vertigineuse des prix des plants, du plastique, des engrais et des produits phytosanitaires, au point que l’achat d’un seul plant est devenu un rêve pour de nombreux agriculteurs accablés par la pauvreté et le désespoir. Cette crise multiple n’a pas seulement privé Gaza de sa verdure, mais a également privé des milliers de familles de leur seule source de revenu. La faim frappe désormais aux portes, et les champs attendent que quelqu’un leur redonne vie.
Dans cette dure réalité, les initiatives de l’UJFP sont venues raviver l’espoir dans le cœur des agriculteurs, proclamant que la vie ne s’arrête pas, même si les champs brûlent. Nous avons compris que soutenir les agriculteurs n’est pas un luxe, mais une nécessité nationale et humaine, car ils sont le pilier de la sécurité alimentaire du territoire, ceux qui sèment la vie dans une terre épuisée par la guerre et le blocus. C’est pourquoi les initiatives agricoles se sont intensifiées, avec un objectif clair : rendre la terre à ses propriétaires et redonner espoir à leurs cœurs. Parmi les zones où la vie a repris, Deir al-Balah s’est imposée comme le dernier refuge des agriculteurs, le seul endroit où les conditions permettent encore de cultiver. Là-bas, la vie a recommencé à circuler grâce au soutien continu des équipes agricoles.
Dans une initiative remarquable, les équipes de l’UJFP ont distribué aujourd’hui 5.000 plants à plusieurs agriculteurs de Deir al-Balah, dont la situation financière ne leur permettait pas de les acheter eux-mêmes. Cette initiative a été pour eux une véritable bouée de sauvetage, leur offrant la possibilité de retourner sur leurs terres et de participer à la saison agricole entamée par leurs collègues le mois précédent. Ils ont également reçu un moteur de pulvérisation pour les aider à protéger leurs récoltes et à poursuivre leur travail agricole de manière efficace. Les visages des agriculteurs reflétaient un mélange d’étonnement et de gratitude, car beaucoup pensaient que les saisons agricoles de Gaza appartenaient désormais au passé. Ces jeunes plants portent un message fort : l’espoir ne meurt pas tant qu’il reste des gens pour aimer la terre.
Les efforts ne se sont pas limités à la distribution et au soutien matériel. Les équipes de l’initiative ont également mené des visites de terrain pour inspecter les terres et les serres, afin d’évaluer de près la situation agricole et d’écouter la véritable voix des agriculteurs. Lors de ces visites, elles ont rencontré plusieurs bénéficiaires des précédentes initiatives et ont pris connaissance des immenses défis auxquels ils sont confrontés. Les agriculteurs parlaient avec douleur du manque d’eau et de sa salinité, ainsi que de la flambée des prix des intrants agricoles – médicaments, plastiques, tuyaux d’irrigation, etc. – malgré tout, ils faisaient preuve d’une détermination inébranlable. Derrière chaque plainte se cachait un sourire, derrière chaque douleur, un mot de remerciement. L’agriculteur palestinien, malgré tout ce qu’il a perdu, croit encore que sa terre portera de nouveaux fruits, peu importe la durée de la nuit.
À la fin de la tournée, les agriculteurs ont exprimé leur profonde gratitude envers les équipes sur le terrain, affirmant que ces initiatives leur avaient offert bien plus qu’une aide matérielle : elles avaient ravivé en eux l’espoir qu’ils pensaient perdu. Pour eux, retourner à la terre, c’est revenir à la vie elle-même. Voir une petite plante pousser sur une terre autrefois détruite suffit à dissoudre l’amertume de la guerre et à redonner foi en l’avenir. Ces jeunes plants ont ravivé l’espoir de réaliser la sécurité alimentaire et de permettre aux agriculteurs de subvenir dignement aux besoins de leurs familles, loin du besoin et de la dépendance.
Ainsi, aujourd’hui, l’agriculteur de Gaza se tient entre les décombres de la guerre et les champs de l’espoir, une bêche à la main et un rêve dans le cœur. Il sait que le chemin de l’agriculture est semé d’embûches et que l’occupation peut à tout moment l’empêcher d’accéder à sa terre, mais il persiste malgré tout. Car pour lui, l’agriculture n’est pas seulement une profession, c’est un acte de résistance, la voix de la terre qu’on ne peut faire taire. Dans chaque grain de terre réside une histoire de survie, dans chaque branche d’olivier une promesse de vie. Et à chaque initiative où un nouveau plant est semé, pousse dans le cœur des habitants de Gaza un nouvel arbre d’espoir, racontant une histoire de résilience indestructible et prouvant que la terre irriguée par la sueur et le sang ne peut pas mourir. »
Photos et vidéos ICI.
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance. Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Partie 541 : 6 octobre. Partie 542 : 7 octobre. Partie 543 : 7 octobre (1). Partie 544 : 8 octobre. Partie 545 : 9 -10 octobre. Partie 546 : 9-10-11 octobre. Partie 547 : 11-12 octobre. Partie 548 : 13 octobre. Partie 549 : 14 octobre. Partie 550 : 15 octobre. Partie 551 : 16 octobre. Partie 552 : 17 octobre. Partie 553 : 18-19 octobre. Partie 554 : 19-20 octobre. Partie 555 : 21 octobre. Partie 556 : 22 octobre. Partie 557 : 24 octobre. Partie 558 : 25-26 octobre. Partie 559 : 26 octobre. Partie 560 : 27 octobre. Partie 561 : 28 octobre. Partie 562 : 29 octobre. Partie 563 : 31 octobre. Partie 564 : 2 novembre. Partie 565 : 3 novembre. Partie 566 : 4 novembre. Partie 567 : 4 novembre (1).
* Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) * Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392) * Témoignages du 10 mai au 5 octobre 2025 (partie 393 à 540)
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com Les témoignages sont publiés sur UJFP / Altermidi / Le Poing


