Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 560 / 27.10 – Le « plan de paix », une sombre comédie !"
Brigitte Challande, 28 octobre 2025.– Abu Amir décrit, avec une ironie mordante, dans un texte du 27 octobre : « La pièce de théâtre de la paix = 11 délégués qui gèrent la trêve depuis une colonie illégale ! »

Les grands moyens mobilisés en 72h pour retrouver 14 dépouilles de prisonniers israéliens, aucuns en 24 mois pour retrouver les dizaines de milliers de Palestiniens tués par les frappes israéliennes et toujours ensevelis sous les décombres.
« Voilà une scène burlesque qui mérite le prix du « Meilleur comique politique en temps de catastrophes » ! Israël annonce fièrement, avec une supervision américaine tout aussi prestigieuse, l’arrivée de 11 envoyés militaires issus de 11 pays, dont la mission « noble », comme ils la décrivent, consiste à consolider le cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Une scène diplomatique solennelle ! Si ce n’était que leur quartier général se trouve sur une terre volée, au sein d’une colonie illgale appelée « Kiryat Gat » ! Quelle ironie ! Ils viennent au nom de la paix pour s’asseoir à l’ombre même de l’occupation, parlant de droit international depuis un bâtiment construit sur des ruines ! Comme si l’on accueillait un comité de lutte contre la corruption au siège d’une mafia professionnelle !
Pour rendre la scène encore plus grotesque, Israël a signé un accord d’ouverture du passage de Rafah aux voyageurs et de garantie de la liberté de mouvement. Mais rien n’a été ouvert sauf les carnets de calcul politique, et seule une porte a été actionnée : la porte des prétextes ! Les malades attendent leur voyage vers les soins, et les voyageurs attendent la porte vers la liberté, tandis qu’Israël piétine toutes les clauses sans la moindre honte. Quant à l’article sur l’ouverture des points de passage commerciaux et l’entrée des camions humanitaires, il a été traité avec la logique du « mettez-le au frigo jusqu’à ce qu’il pourrisse ». Toute aide qui entre doit être légère comme une plume et passer par un décapsuleur sécuritaire nommé « vérification sécuritaire » !
La comédie noire se déploie ainsi chaque jour davantage. Chaque matin, Israël proclame son attachement strict aux clauses qui garantissent uniquement sa sécurité et ses droits : récupérer ses prisonniers vivants pour exhiber son statut de « victime », et récupérer ses morts pour affirmer qu’« il ne laisse personne derrière ». Comme si il était un ange de miséricorde affligé par le sort de ses combattants. Mais où se trouve sa miséricorde lorsqu’il s’agit des droits des Palestiniens ? Où sont les clauses de l’accord garantissant la reconstruction, les médicaments et la nourriture ? Où est le droit d’une mère d’embrasser son dernier enfant resté sous les décombres ? Israël parle de « droits » comme un crocodile parlerait de « végétarisme ». Personne ne le croit, sauf ceux qui préfèrent fermer les yeux par confort.
Israël déclare avec arrogance que « la sécurité passe avant tout ». Mais la sécurité de qui ? Celle de l’occupation ou celle des propriétaires légitimes de la terre ? À chaque fois que l’occupation prononce le mot « sécurité », de nouvelles chaînes s’ajoutent au Palestinien, et un nouveau terme s’ajoute au dictionnaire du siège, un de ces prétextes ingénieusement fabriqués au-dessus de chaque accord.
Quant à « l’ouverture des points de passage » célébrée comme une grande victoire historique, elle s’est révélée être un bouton ON/OFF entre les doigts d’un petit officier derrière un écran : son humeur passe avant le passage des gens. Et lorsque les organisations internationales évoquent la nécessité de faire entrer des bulldozers à Gaza pour sortir les corps ensevelis, Israël bâille et répond : « Nous allons étudier la question », comme si les victimes n’étaient que des dossiers en attente sur un bureau bureaucratique ennuyé par la hiérarchie des priorités. Les bulldozers qui ont détruit les maisons sont arrivés en quelques minutes, mais lorsqu’il s’agit de sauver des vies, ils ne trouvent plus le chemin ! Que le sang palestinien est bon marché dans les calculs de l’occupation, et qu’il est difficile pour lui de voir la lumière depuis sous les pierres du bombardement !
La « légèreté » israélienne ne s’arrête jamais : elle tente sans cesse de faire passer le blocus pour une « mesure sécuritaire civilisée », et présente la destruction comme une « conséquence secondaire regrettable mais nécessaire à la paix ». Les observateurs internationaux sont assis dans leurs bureaux, dans cette même colonie symbole d’un crime permanent, buvant leur café en rédigeant : « La situation est sous surveillance ». Quelle surveillance ? La surveillance d’une mort qui se renouvelle chaque jour ? Ou d’une trêve sans âme et de clauses sans vie ? La présence de ces délégués n’a rien changé sur le terrain, si ce n’est d’ajouter quelques sièges de spectateurs dans le théâtre de l’occupation.
Pendant qu’Israël s’emploie quotidiennement à trouver des failles juridiques pour saboter l’accord, comme il l’a toujours fait dans chaque négociation, le monde s’interroge sur l’utilité de cette mascarade interminable : pourquoi défendre uniquement les droits d’une partie, tandis que ceux de l’autre sont jetés sous la table ? Pourquoi l’échange de prisonniers est-il une priorité absolue, alors que les corps des enfants palestiniens attendent une quelconque pitié ? Pourquoi le monde traite-t-il l’occupation comme un enfant gâté qui pleure et obtient tout ce qu’il veut ? Comment mettre sur un pied d’égalité celui qui a initié les frappes et celui qui s’est retrouvé piégé entre le feu et le mur ?
Israël ne veut pas d’un accord : il veut une reddition. Il ne veut pas un cessez-le-feu : il veut un arrêt total de la vie. Il veut que le monde croie que la victime s’est trouvée contrainte » de bombarder, et que le bourreau est celui qui mérite compassion, argent et soutien militaire.
Depuis l’annonce du plan Trump, l’objectif majeur n’était pas d’instaurer la paix, mais d’ancrer l’occupation dans la légitimité internationale, d’élargir la table des colonies au détriment des assiettes palestiniennes vides. En réalité, Israël ne voit dans l’accord que des opportunités à transformer de nouveaux secteurs en zones clôturées de barbelés et de murs. Quant à toutes les clauses humanitaires, elles ne sont à ses yeux que des « poésies » qui n’ont pas leur place dans le dictionnaire du contrôle. Elle parle de « développement de Gaza » tout en empêchant l’entrée d’un seul camion de lait infantile sans inspection stratégique durant des semaines, puis célèbre le fait d’avoir « laissé l’aide passer » ! Quel grandiose générosité qui permet juste de survivre pour que le monde se lasse de réclamer des droits.
La paix dont Israël chante les louanges est une paix bâtie sur les ruines : le silence des tombes, la sécurité du geôlier et l’impunité du colon. Israël veut ses droits entiers, parfaits, immédiats. Les Palestiniens, eux, se voient répondre : « pas maintenant », « peut-être plus tard », « nous étudierons le sujet », « nous réexaminerons la procédure ». Comme si le Palestinien vivait dans une salle d’attente sans fin, une main tenant son numéro d’appel et l’autre enterrant ceux qui lui restent. L’occupation veut être juge, partie et bourreau… puis convaincre le monde qu’elle est le seul saint de l’histoire.
Alors demandons haut et fort : qu’en est-il des droits des Palestiniens dont aucun n’a été réalisé ? Qu’en est-il de la liberté de mouvement ? Du traitement des blessés ? De l’entrée des médicaments ? De la recherche des disparus ? De la guérison des cœurs avant la reconstruction des pierres ? De la vie avant la mise en scène ? De ces êtres humains dont les noms ne figurent dans aucun communiqué de presse ? Pourquoi le temps devient-il flexible lorsque cela concerne l’occupation, et pourquoi les décisions sont-elles immuables lorsqu’il s’agit des Palestiniens ? Pourquoi, pour le Palestinien, le temps devient-il dur et les décisions liquides ?
Quoi qu’elle fasse, quelles que soient les couches de maquillage politique que l’occupation tente d’étaler sur son visage, la vérité demeure claire : si Israël tient à récupérer ses prisonniers et ses morts, le Palestinien a des droits vivants qui continuent de saigner, des morts que les clauses ne couvrent pas, une souffrance ignorée par tous les articles, et le droit à une vie complète, non pas une demi-vie sous surveillance. Que l’occupation garde ses clauses et protège ses intérêts… mais qu’elle n’oublie pas que sur cette terre vit un peuple dont les droits ne peuvent être enterrés ni sous un accord incomplet ni sous les décombres. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance. Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Partie 541 : 6 octobre. Partie 542 : 7 octobre. Partie 543 : 7 octobre (1). Partie 544 : 8 octobre. Partie 545 : 9 -10 octobre. Partie 546 : 9-10-11 octobre. Partie 547 : 11-12 octobre. Partie 548 : 13 octobre. Partie 549 : 14 octobre. Partie 550 : 15 octobre. Partie 551 : 16 octobre. Partie 552 : 17 octobre. Partie 553 : 18-19 octobre. Partie 554 : 19-20 octobre. Partie 555 : 21 octobre. Partie 556 : 22 octobre. Partie 557 : 24 octobre. Partie 558 : 25-26 octobre. Partie 559 : 26 octobre.
* Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) * Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392) * Témoignages du 10 mai au 5 octobre 2025 (partie 393 à 540)
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com Les témoignages sont publiés sur UJFP / Altermidi / Le Poing