Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 423 / 4 juin – Quand la voix devient la dernière arme pour vivre"
Brigitte Challande, 5 juin 2025.- Le 4 juin, dans un texte essentiel mais prudent, Abu Amir raconte les cris, les soupirs des affligés, des affamés à Gaza : fondamental d’écrire qu’aucune voix ne surpasse celle du peuple.
« Dans la bande de Gaza, la tragédie ne se résume plus aux scènes de destruction et de bombardement, et la douleur ne se limite plus aux gémissements des blessés ou aux pleurs des endeuillés. Il y a une souffrance plus profonde, que les caméras ne capturent pas facilement, et que les gros titres ne décrivent pas : celle de l’homme brisé, meurtri, affamé, dépouillé de tout… à qui il ne reste plus que sa voix. Sa voix seule.
Les habitants de Gaza, épuisés par des années de blocus et des guerres successives qui s’abattent sur eux comme des vagues noires, ne sont plus les mêmes. La peur ne muselle plus leurs langues, et la mort n’est plus aussi terrifiante qu’avant. Dans un endroit où la mort devient un pain quotidien, le silence devient une trahison et la parole une nécessité. Ils ont rompu avec leur mutisme, leur résignation, leur crainte habituelle de parler. Aujourd’hui, ils ne craignent plus rien, car ils ont déjà tout perdu.
Celui qui a perdu sa maison, ses enfants, sa dignité, celui qui survit grâce à l’aide humanitaire, sous un toit qui ne le protège ni du froid hivernal ni de la chaleur accablante de l’été, ne croit plus aux calculs ni aux lignes rouges. La pauvreté, la faim et le déplacement ont forgé un peuple nouveau, qui ne cherche plus les miettes des promesses, mais la vie entière ou rien.
Et parce que toutes les portes se sont fermées devant eux, il ne leur reste qu’une seule fenêtre : celle des médias. La caméra est devenue leur unique ouverture sur le monde, la tribune à travers laquelle ils respirent. Devant les objectifs, les Gazaouis expriment ce qu’ils ne peuvent plus contenir : colère, douleur, oppression, trahison… Des cris enfouis depuis des années jaillissent d’un seul coup, à l’adresse de tous : l’occupant, le silencieux, et le complice.
Ils n’épargnent personne. Les masques sont tombés, les visages se sont découverts, les slogans se sont effondrés, et l’hypocrisie de certains acteurs politiques, locaux et étrangers, a été mise à nu. Il n’y a plus de place pour les mensonges ou les manipulations. Le peuple de Gaza sait désormais qui est avec lui et qui est contre lui. Il distingue ceux qui exploitent sa souffrance.
La confiance est rompue, non seulement avec l’occupant, mais aussi avec ceux censés les représenter ou les diriger. Les mères et les pères parlent devant les caméras comme s’ils témoignaient dans une salle de tribunal. Ils racontent l’humiliation, la privation, la faim, la perte de leurs enfants, l’exil, et l’absence des droits les plus élémentaires. Les hommes ne viennent pas réclamer des revendications politiques, mais crier pour du pain, des médicaments, et de la dignité.
Gaza, aujourd’hui, n’a plus besoin de déclarations et de slogans. Elle a besoin de ceux qui entendent cette voix populaire tonitruante, une voix qu’on ne peut plus ignorer ou étouffer. C’est la voix de ceux à qui l’on a volé la vie, sans même leur donner la chance de lutter pour elle. La voix de ceux qui n’ont plus rien à perdre.
Ces voix qui s’élèvent du cœur de la faim, de la peur et de l’explosion ne sont pas une rébellion, mais un droit humain d’exprimer la douleur. C’est un ultime avertissement : le silence est fini, et le peuple seul — avec ses mots, ses soupirs, ses larmes et son feu intérieur — portera la bannière de la vérité, dénoncera ceux qui ont trahi la confiance et abandonné leurs responsabilités.
À Gaza, aucune voix ne surpasse celle du peuple. Une voix qui ne cherche plus de slogans, mais un morceau de pain, une dignité perdue, et un avenir pour ses enfants. C’est la première et la dernière voix… celle des affligés, des affamés, et des démunis, qui ne veulent rien d’autre que vivre. »
Ecoutez la colère d’un Gazaoui sur cette VIDEO.
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.