Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 419 / 1er juin (1) – Une survivante du massacre de Rafah raconte (vidéo)"
Brigitte Challande, 2 juin 2025.– Dans la continuité de l’article du 1er juin, Abu Amir décrit, témoignage à l’appui, comment l’aide humanitaire devient, elle aussi, un piège mortel.
« Ce matin, les habitants de la bande de Gaza se sont réveillés au son de deux massacres atroces perpétrés en plein jour par l’armée d’occupation israélienne dans deux lieux qu’elle avait elle-même désignés pour la distribution de l’aide humanitaire : le premier à l’ouest de la ville de Rafah, et le second près de la zone de Netzarim, au sud-centre de la bande. Au lieu d’être un havre de secours pour les affamés et les déplacés, ces sites se sont transformés en théâtres de tueries de masse, où l’odeur de la farine s’est mêlée à celle du sang, et où la terre gémit sous les pas affolés de ceux qui se sont retrouvés subitement au milieu des tirs traîtres.
Dès les premières heures du matin, un grand nombre de blessés ont afflué vers l’hôpital Nasser dans la ville de Khan Younès. Des scènes horribles ont envahi les couloirs des urgences, où médecins et infirmiers se sont précipités avec toute l’énergie qu’il leur restait pour tenter de sauver les blessés, malgré une pénurie sévère de poches de sang, de médicaments et de matériel médical. L’administration de l’hôpital a lancé un appel urgent à tous les citoyens pour donner leur sang, espérant pouvoir faire face à cette catastrophe douloureuse. Toutefois, l’ampleur des blessures dépassait les capacités de l’établissement, et les signes d’épuisement et d’impuissance étaient visibles sur les visages des équipes médicales confrontées à une catastrophe humanitaire qui se répète chaque jour.
Aujourd’hui a été une journée sanglante par excellence. Les habitants de Gaza sont sortis de leurs maisons fissurées et de leurs rêves brisés, espérant obtenir une aide qui les protégerait de la faim et de la misère. Mais les balles de l’occupation les attendaient au tournant. Beaucoup sont partis avec des sacs vides dans l’espoir de les remplir de nourriture, mais sont revenus à leurs familles en corps sans vie, enfermés dans des sacs blancs. Une scène horrible, difficile à croire, mais qui est devenue une partie du quotidien à Gaza.
Des témoignages provenant du lieu du massacre ont confirmé que les soldats de l’occupation ne se sont pas contentés de tirer sur la foule, mais ont également insulté les civils en les traitant de mendiants, les humiliant avec une brutalité indescriptible avant d’ouvrir le feu sans discrimination, comme s’ils chassaient des proies, non des civils sans défense à la recherche d’un morceau de pain.
Selon les sources médicales, le nombre de blessés a dépassé les 200 personnes, dont 31 tués, avec des dizaines de personnes toujours dans un état critique.
Avec ce nouveau massacre, le bilan de l’agression israélienne contre Gaza depuis le 7 octobre 2023 s’élève à 54.418 morts et 124.190 blessés, en grande majorité des femmes et des enfants.
À l’intérieur de l’hôpital Nasser, où les corps des blessés s’entassaient, la chirurgienne britannique Victoria Rose a été témoin du massacre. Avec des mots tremblants et les larmes aux yeux, elle a décrit la scène comme « catastrophique à tous les niveaux« . Elle a déclaré : « Ce que j’ai vu aujourd’hui dépasse l’entendement… Des corps déchiquetés, des patients qui saignent sans bandages, pas de médicaments, pas d’équipements, même pas le temps de pleurer. » Et elle a ajouté avec amertume : « L’hôpital fonctionne dans des conditions indignes des êtres humains. » Le ministère de la Santé à Gaza a indiqué que l’occupation continue d’empêcher l’entrée de 3.000 camions chargés de matériel médical stationnés à El-Arish.
Vidéo de la conférence de presse de Victoria Rose
Les événements récents ont révélé sans l’ombre d’un doute que ce qu’on appelle les « centres de distribution d’aide » établis par l’armée d’occupation ne sont rien d’autre que des pièges à mort collective, utilisés comme outils systématiques de tuerie, de déplacement forcé et de brisure de la volonté du peuple palestinien. Ces centres sont devenus des symboles d’une trahison sans précédent, des pièges déguisés sous des bannières « humanitaires », où ceux qui s’en approchent sont exterminés par des tirs traîtres.
Israël, qui a pratiqué la violence pendant des décennies, a atteint aujourd’hui un niveau d’arrogance jamais vu dans l’histoire. Elle semble considérer le monde entier comme soumis à son pouvoir, agissant comme une entité au-dessus des lois, non comptable de ses actes, et jamais critiquée, quels que soient ses crimes. Quiconque ose la condamner est immédiatement accusé d’antisémitisme. Le monde entier paraît aujourd’hui silencieux, impuissant, complice, face à ce qui se passe à Gaza.
Et la question la plus importante reste : si un autre pays avait commis ce qu’Israël fait aujourd’hui, le monde se serait-il tu ? Les institutions internationales auraient-elles tardé à mettre en œuvre leurs décisions, ou traité les criminels avec autant de complaisance ? La réponse, sans aucun doute, est non. Mais lorsque le bourreau est Israël, les dossiers sont enterrés, les décisions vidées de leur sens, et les peuples opprimés laissés seuls face à la mort.
Des milliers de personnes à Gaza ne meurent pas seulement sous les bombardements, mais aussi du silence du monde. Elles meurent par manque de médicaments, de nourriture, d’électricité, d’eau, par le déplacement, par la perte des proches. Mais elles meurent aussi de trahison, de cette indifférence atroce qui rend la tragédie encore plus cruelle, encore plus douloureuse.
Ce qui se passe actuellement à Gaza n’est pas une simple guerre, mais un chapitre sombre de l’histoire de l’humanité, où les massacres s’écrivent sous les yeux du monde entier. Un peuple est égorgé devant les caméras sans que la conscience internationale ne s’éveille, sans que les institutions internationales ne bougent, sans que la justice ne triomphe.
Au milieu de cette dévastation totale, Gaza continue de résister. Elle résiste par les blessures, par la vie, par une mort noble, et par une dignité qui ne se brise pas. Et à chaque goutte de sang versée, une question morale retentit au visage du monde : combien d’innocents doivent encore être tués pour que l’on nomme enfin ce massacre un massacre ? Et combien de victimes doivent tomber pour que l’on dise enfin : « Ça suffit » ? »
Vidéo du témoignage d’une femme racontant la scène du matin…
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025 (partie 1 à 268) Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 5 janvier au 9 mai 2025 (partie 269 à 392)
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Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.