Dr. Ezzideen, Gaza, 27 janvier 2025. L’air est lourd du poids de leur retour, un silence plus bruyant que n’importe quelle explosion, plus lourd que la fumée qui asphyxiait autrefois leurs rues. Ces gens – ces âmes fracturées et résilientes – reviennent, même si on ne sait pas vraiment à quoi ils reviennent. Un foyer qui n’est plus un foyer, une terre qui porte les os de leurs proches et les cicatrices de leur souffrance.
Je les regarde. Chacun de leurs pas ressemble à un défi, une rébellion contre le désespoir lui-même. Mais leurs visages – oh, leurs visages – sont sculptés par le ciseau de la guerre. Les yeux qui dansaient autrefois avec la lumière ne reflètent plus que des ombres. Les épaules qui ne portaient autrefois rien de plus lourd qu’un enfant portent maintenant le fardeau invisible de tout ce qu’ils ont perdu.
Et pourtant, il y a quelque chose d’autre dans leur démarche, quelque chose de fou, d’inexplicable. Pas de l’espoir, pas encore. Mais peut-être son fantôme. Une sorte d’entêtement, comme s’ils mettaient le monde au défi de les briser encore plus.
Je sens mes larmes monter, brûlantes et inexorables, se déverser sur mon visage comme des rivières qui débordent de leur lit. Ce ne sont pas seulement mes larmes, elles appartiennent à chaque cri non entendu, à chaque vie prise trop tôt, à chaque maison réduite en ruines. Elles portent en elles une tristesse si profonde qu’elle me donne l’impression qu’elle pourrait me couper en deux. Mais au milieu de ce chagrin, je ressens quelque chose de scandaleux, de dangereux : la joie. Pas pour la guerre, pas pour la perte, mais pour leur simple volonté de vivre. Comment peuvent-ils rire en chuchotant ? Comment des enfants peuvent-ils jouer au milieu des ruines ?

Photo Hsein Gassan
Cette guerre leur a tout pris, mais elle ne peut pas leur prendre cela : leur capacité à créer une vie là où il ne devrait pas y en avoir. Je suis furieux de cette contradiction, furieux du monde qui les force à la supporter.
Ne méritent-ils pas davantage ? Ne méritent-ils pas la paix sans peur, l’amour sans l’ombre de la perte, des jours sans l’odeur de la mort qui flotte dans le vent ?
En me tenant ici, je comprends que la survie n’est pas seulement un acte instinctif, c’est un acte de défi, une guerre menée contre la cruauté du destin lui-même. Et même si mes larmes coulent, même si mon cœur se brise pour eux, je ne peux m’empêcher de croire que ces gens – cette belle humanité brisée – se relèveront. Non pas parce que le monde est juste, mais parce qu’ils refusent de le laisser rester injuste.
Ils reviennent maintenant dans un endroit qui ressemble plus à un cimetière qu’à une maison, mais leurs pas murmurent quelque chose de plus fort que n’importe quelle bombe, plus fort que n’importe quelle guerre. Ils disent : nous sommes toujours là. Et cela, d’une certaine manière, suffit à me fracasser.
Article original en anglais sur le compte X du docteur Ezzideen/ Traduction MR