Partager la publication "Les atrocités israéliennes ne sont pas une nouveauté. La seule nouveauté réside dans leur ampleur"
Joseph Massad, 28 octobre 2024. L’agression israélienne continue et simultanée à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Syrie, au Yémen et en Iran apparaît à beaucoup comme exceptionnelle et sans précédent.
Les attaques israéliennes visant des aéroports, des hôpitaux, des écoles et des abris civils sont vues comme l’œuvre d’un gouvernement d’extrême-droite dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu que le pays n’a jamais perpétrée auparavant.
De même, on considère la violence des colons en Cisjordanie et les invasions de la mosquée al-Aqsa par des colons comme des provocations et des violations inédites que les précédents gouvernements israéliens rationnels n’auraient jamais autorisées ou du moins cherché à limiter sérieusement.
Mais rien de tout cela n’est vrai.
Si l’ampleur du génocide à Gaza – qui a fait, selon des estimations récentes, environ 200.000 morts – est sans précédent, de telles atrocités sont monnaie courante dans tous les gouvernements israéliens.
Des précédents horribles
Les dirigeants du Parti travailliste israélien ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité similaires à ceux commis par Israël, dont les peuples du monde arabe sont victimes depuis la fondation même de la colonie de peuplement juive et suprématiste prédatrice.
Il existe plusieurs exemples de précédents horribles de ce type. Après la guerre de 1967, Israël a réprimé dans le sang les manifestations contre sa conquête de trois pays arabes. Les occupants israéliens ont attaqué quotidiennement les habitants de Gaza, de Cisjordanie, du plateau du Golan et du Sinaï – leur tirant dessus, les tuant, les frappant, les arrêtant et détruisant des milliers de leurs maisons.
Les Israéliens ont complètement démoli l’ancien quartier marocain de Jérusalem et ont continué à raser des villages palestiniens entiers, dont Shuyukh dans la région d’Hébron, et Nusayrat et Jiftlik, entre autres, dans la vallée du Jourdain.
Ils ont également attaqué les villages de Banyas, Jibata, Kafr Harib, Nakhilah et d’autres sur les hauteurs du Golan, qui ont tous été détruits au cours de la seule deuxième moitié de 1967.
En Cisjordanie occupée, ils ont continué à utiliser des défoliants chimiques en 1972 dans le village d’Aqraba près de Naplouse, où ils ont confisqué 100.000 dunums (100km²) de terre, ne laissant aux paysans palestiniens que 6.000 dunums (6km²).
Les Palestiniens refusant de vendre les terres restantes, un avion Piper israélien a pulvérisé leurs champs avec des défoliants, détruisant 200 hectares de terres plantées de blé pour « donner une leçon à ces villageois ».
En 1972, Israël a expulsé 10.000 Égyptiens du Sinaï occupé après avoir confisqué leurs terres en 1969. Les Israéliens ont continué à raser et à détruire leurs maisons, leurs récoltes, leurs mosquées et leurs écoles afin d’établir six kibboutzim, neuf colonies juives rurales et la ville-colonie juive de Yamit.
Massacre des Arabes
Pendant ce temps, les Israéliens bombardaient tous les pays arabes voisins et commettaient des massacres.
En novembre 1967, ils bombardèrent le camp de réfugiés palestiniens d’al-Karamah en Jordanie, y compris une école de filles. Ils tuèrent 14 personnes, dont trois écolières et une enseignante. En février 1968, ils bombardèrent à nouveau le camp, cette fois-ci l’école de garçons, tuant également 14 autres personnes.
Les avions israéliens lancèrent ensuite des bombes au napalm sur plus de 15 villages jordaniens et camps de réfugiés le long du Jourdain, tuant 56 personnes, dont 46 civils. Plus de 70.000 personnes se réfugièrent à Amman.
En juin 1968, Israël a lancé des roquettes sur la ville jordanienne d’Irbid, tuant 30 personnes et a bombardé au napalm la ville jordanienne de Salt, tuant 28 autres. Au cours des cinq derniers mois de 1969, Israël a tué plus de 69 Jordaniens lors de bombardements.
En février 1969, Israël a également bombardé la Syrie, tuant neuf civils. Ces bombardements ont ciblé des villages comme Majdal Sallum, Maysalun et Hasbaya et ont culminé avec le bombardement israélien de sept villages syriens, qui a tué 200 personnes rien qu’en septembre 1972.
Tout au long de cette période, Israël a également bombardé l’Égypte.
En septembre 1967, les bombardements israéliens ont tué 44 Égyptiens à Port Tawfiq et à Suez, et 36 autres à Ismailiyyah. En juillet 1968, l’artillerie israélienne a de nouveau ciblé Suez, tuant 43 Égyptiens. Rien qu’à Ismaïlia, entre 1967 et mars 1970, Israël a tué 600 personnes et créé près d’un million de réfugiés qui ont fui les villes du canal de Suez. Israël a ensuite bombardé la ville égyptienne de Mansourah, tuant 12 personnes en mars 1970.
Mais ce n’est pas tout. Toujours en Egypte, les Israéliens ont commis deux des pires massacres en février 1970, lorsqu’ils ont bombardé au napalm une usine de ferraille à Abu Za’bal, tuant 70 ouvriers, et en avril 1970, lorsqu’ils ont bombardé une école primaire à Bahr al-Baqar et tué 46 enfants.
Leurs raids sur les villages libanais ont augmenté en 1970, notamment sur Kafr Kela et Bint Jubayl, tuant des dizaines de civils. Les raids aériens israéliens ont augmenté en 1972, particulièrement en février et septembre de cette année-là, tuant 58 civils.
Et pour que l’on ne pense pas que le Yémen a échappé à l’agression israélienne, au début des années 1960, en particulier entre 1964 et 1966, les avions de l’armée de l’air israélienne étaient occupés à survoler le Yémen et à larguer des armes et des munitions aux forces royalistes soutenues par les Américains, les Britanniques et les Saoudiens contre les révolutionnaires républicains dans la guerre civile au Yémen.
Quant à l’Iran, dont le Shah tyrannique était un proche allié d’Israël, Israël l’avait aidé à réprimer le peuple iranien de toutes les manières possibles.
En août 1967, des documents officiels israéliens affirment qu’ « un partenariat étroit, amical et pratique a été établi entre l’armée israélienne et les services de sécurité et leurs homologues iraniens, avec l’exécution conjointe de programmes et de missions d’importance nationale, avec des visites mutuelles continues des chefs des forces armées et de leurs hauts fonctionnaires ».
En effet, les Israéliens allaient plus tard s’occuper de la formation de la police iranienne répressive en Israël et entretenir une relation très étroite avec les services secrets du Shah, notoirement cruels, la Savak, qui a persécuté tous les dissidents iraniens.
La belligérance israélienne
Comme aujourd’hui, les hôpitaux ont toujours été une cible militaire favorite d’Israël.
Lors de la conquête brutale de Jérusalem-Est en 1967, Israël a délibérément bombardé l’hôpital Augusta Victoria au napalm, en prétendant à tort qu’il était utilisé par l’armée jordanienne, l’une des nombreuses inventions d’Israël. En 1982, il a bombardé l’hôpital Gaza dans un camp de réfugiés de Beyrouth.
En ce qui concerne les aéroports, Israël a bombardé les principaux aéroports civils de Damas et d’Amman lors de sa conquête de 1967.
Si la dernière décennie a vu se répéter les attaques israéliennes contre les aéroports d’Alep et de Damas, la tactique n’est pas nouvelle.
En effet, Israël a bombardé l’aéroport international de Beyrouth en décembre 1968 et détruit 13 avions de ligne civils, d’une valeur de près de 44 millions de dollars à l’époque, en plus des hangars et d’autres installations aéroportuaires. En 1970, Israël a également bombardé les environs de l’aéroport international du Caire. En 1973, il a abattu un avion civil libyen, tuant 106 passagers à bord.
Cette exposition d’atrocités vise à démontrer que la malveillance et la violence qu’Israël a infligées aux Palestiniens, aux Libanais, aux Syriens et aux Yéménites au cours de l’année écoulée ne sont rien d’autre qu’une continuation de son agression de longue date contre les Palestiniens et les Arabes en général. Ces atrocités n’ont pas été commises par un parti d’extrême-droite, mais par le soi-disant Parti travailliste « progressiste » et ses Premiers ministres Levi Eshkol, Yigal Allon et Golda Meir. *
Ces éléments ne sont que quelques-unes des atrocités commises par Israël sur une courte période historique – bien avant sa guerre génocidaire actuelle. Bien sûr, la belligérance israélienne et les atrocités de ses colons sionistes remontent au début du colonialisme de peuplement sioniste à la fin du XIXe siècle. Ce que l’année dernière a démontré, cependant, c’est que c’est l’ampleur de la destruction israélienne, et non le type d’atrocités, qui ne cesse de croître et de s’accroître à pas de géant.
Si les sionistes ont assassiné 13.000 Palestiniens en 1948 et qu’Israël a tué 18.000 Palestiniens et Libanais en 1982, son génocide actuel a décuplé le nombre de Palestiniens et de Libanais anéantis. Il n’a cependant pas changé la nature de l’agressivité, de l’inhumanité ou des stratégies de la colonie de peuplement.
La seule différence observable est celle du degré, et non de la nature.
Ceux qui veulent imputer ces crimes à Netanyahou ou même à son parti Likoud devraient revoir une partie de cette histoire pour se défaire de telles illusions.
Ces crimes de guerre sont, en fait, une stratégie fondamentale du régime colonial de peuplement qui gouverne Israël depuis sa création. La seule nouveauté est l’ampleur des crimes, et non leur essence.
Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR
*Rappelons entre autres que pendant les 3 semaines de guerre israélienne contre Gaza – du 27.12.2008 au 21.01.2009, qui a fait environ 1.500 victimes palestiniennes, le Premier ministre de l’entité coloniale était Ehud Olmert, que l’on nous présentait en France (et au-delà) comme un « homme de gauche pacifiste », une colombe ! (NdT)