Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 168 / 13 septembre

Brigitte Challande, 14 septembre 2024. Hier 13 septembre, nous recevons aujourd’hui deux textes d’Abu Amir : nuit de terreur du 12 au 13 Septembre à Nuseirat et la catastrophe humanitaire au 341ème jour.

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« L’école visée par Israël mercredi à Al-Nuseirat était un centre de vaccination contre la polio. UNRWA. »

« Nuit de terreur :

« Chaque nouvelle rencontre avec la guerre laisse une blessure plus profonde dans l’âme ».

Au cours d’une nuit de terreur, la région de Nuseirat, en particulier dans ses zones occidentales, a connu des moments de peur et de tension qui ont fait vibrer nos cœurs aux sons de la guerre. À minuit pile, les tambours de la guerre ont commencé à battre sans relâche. Pendant deux heures et demie, la région a été le théâtre d’intenses échanges de tirs et d’obus lourds, tandis que les avions de reconnaissance et les drones quadcoptères n’arrêtaient pas de remplir le ciel et de tirer sur tout ce qui bougeait. Nous ne pouvions échapper au bruit des chars qui s’approchaient progressivement, avançant vers la zone d’une manière terrifiante. Nous ne savions pas exactement dans quelle direction ces chars se déplaçaient, mais leurs bruits étaient si proches que tous ceux qui les entendaient avaient l’impression qu’ils étaient sur le point d’envahir leur maison ou leur tente à tout moment. Plus les sons se rapprochaient, plus nos cœurs battaient en synchronisation avec le mouvement des chars.

Nous avons passé deux heures et demie dans une terreur constante, anticipant ce qui allait se passer, ne sachant pas si nous allions devoir fuir à tout moment. Il n’y avait aucun moyen de se reposer ou d’être en sécurité, la peur s’est emparée de tout le monde, en particulier des enfants, de ma fille et de ma petite-fille. Cette nuit a été plus longue pour tout le monde que toutes les autres nuits que nous avions vécues.

Le lendemain matin, les personnes déplacées et les habitants de Nuseirat parlaient de cette nuit terrifiante. Ils racontaient l’horreur qu’ils avaient vécue et les bruits d’obus, d’avions et de chars qui n’avaient pas cessé de la nuit. Nombre d’entre eux ont expliqué qu’ils étaient prêts à fuir si nécessaire, la plupart d’entre eux s’étant équipés de leurs légères possessions, prêts à quitter leurs maisons et leurs tentes si les tirs d’obus continuaient.

Il ne s’agissait pas d’une peur passagère, mais d’une peur bien concrète, due au fait que l’invasion pouvait approcher à tout moment. Bien que beaucoup d’entre nous aient déjà vécu des expériences similaires, chaque nouvelle rencontre avec la guerre laisse une blessure plus profonde dans l’âme.

Ces nuits ont un impact psychologique important sur tout le monde. Vivre sous la menace constante de la guerre entraîne des sentiments d’anxiété et de stress permanents, et accroît la pression psychologique sur les familles, en particulier sur les enfants. Ces expériences répétées font que chacun vit dans un état de préparation permanent aux situations d’urgence, ce qui affecte sa capacité à s’installer ou à se sentir en sécurité.

La nuit de terreur à Nuseirat n’était qu’une des nombreuses nuits similaires que les habitants de la bande de Gaza ont vécues pendant la guerre. La peur de l’invasion, du déplacement et du manque d’abris a maintenu tout le monde au bord du gouffre. Cette expérience reflète la dure réalité dans laquelle vivent les habitants et les personnes déplacées de Gaza, qui doivent s’adapter aux conditions d’une guerre permanente et d’une peur constante. »

Capture d’écran d’une vidéo où l’on voit les Palestiniens s’acharnaient à dégager les victimes et les blessés de la famille al-Shaheen, à Nuseirat, en pleine nuit, après la frappe de leur immeuble par les bombes de l’occupation.

« Catastrophe humanitaire au 341e jour de la guerre contre Gaza : siège, famine et lente annihilation

Alors que la guerre contre Gaza entre dans son 341e jour, la catastrophe humanitaire s’aggrave d’une manière sans précédent. Israël continue d’utiliser ses outils brutaux pour humilier la population de la bande de Gaza en imposant un blocus étouffant, en rationnant l’entrée des biens et de la nourriture et en empêchant l’entrée des médicaments, dans une démarche visant à affamer la population et à détruire sa capacité à résister. . Cette guerre en cours n’est pas seulement militaire, mais aussi économique et psychologique, visant à paralyser la vie quotidienne de la population de Gaza et à la faire souffrir autant que possible.

Les déclarations de nombreux ministres israéliens extrémistes, tels que Smotrich et Itamar Ben-Gvir, reflètent la brutalité de la politique israélienne envers Gaza. Alors que ces responsables appellent tantôt à bombarder Gaza avec des bombes nucléaires, tantôt à empêcher l’entrée de nourriture et à affamer la population de la bande, ces déclarations indiquent l’ampleur de la haine et de la violence dirigées contre les civils palestiniens. Bien qu’Israël ait la puissance militaire nécessaire pour anéantir Gaza en un clin d’œil, il suit une politique d’anéantissement lent. Il met progressivement en œuvre ses crimes afin de se conformer aux normes internationales et de ne pas attirer l’attention sur l’ampleur des atrocités qu’il commet.

Chaque jour, Israël extermine plusieurs familles à Gaza par des bombardements continus, au cours desquels des civils sont tués dans leurs maisons sans avertissement, mais cela se fait de manière « réglementée » afin que ces crimes ne provoquent pas un tollé international majeur. Gaza meurt lentement, sous les yeux du monde silencieux qui assiste à cette lente extermination sans rien faire.

Rien à Gaza aujourd’hui n’est plus pareil qu’avant. Les hôpitaux qui fournissaient autrefois des soins et des services de santé souffrent aujourd’hui d’une grave pénurie de médicaments et d’équipements médicaux en raison du blocus, et de nombreux hôpitaux ne sont plus en mesure de fournir les soins de santé nécessaires à des milliers de blessés et de malades. Les marchés, autrefois très animés par la vie et le commerce, sont presque vides en raison de la pénurie de produits alimentaires et de la hausse insensée des prix, au point qu’il est devenu difficile pour les familles de subvenir à leurs besoins essentiels.

Les maisons qui étaient autrefois des refuges pour les familles ne le sont plus. Beaucoup ont été détruites par les bombardements et les habitants sont sans abri ou vivent dans des conditions désastreuses dans des camps. Cette destruction généralisée d’habitations et d’institutions a fait de la vie à Gaza une bataille quotidienne pour la survie.

Il y a de la colère dans le cœur de chacun à Gaza. La colère ne s’adresse pas seulement à l’occupation israélienne, mais également à tous ceux qui portent la responsabilité de ce qui s’est passé et se passe dans la bande de Gaza. Israël, en tant que puissance occupante, porte la plus grande responsabilité, car c’est lui qui impose le blocus, mène la guerre et affame le peuple palestinien à Gaza.

Mais la colère n’est pas uniquement dirigée contre Israël. Il existe également un grand ressentiment à l’égard du Hamas, que certains considèrent comme responsable des décisions qui ont conduit à une détérioration sans précédent de la situation, qui a entraîné la destruction de la majeure partie de la bande de Gaza et la mort de dizaines de milliers d’habitants. Cette colère reflète la frustration et le désespoir ressentis par de nombreuses personnes victimes de cette guerre en cours.

La communauté internationale porte à son tour une grande responsabilité dans ce désastre humanitaire. Depuis le début de la guerre, le monde est resté silencieux sur les crimes commis par Israël contre les Palestiniens à Gaza. Les résolutions du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu et à des secours aux civils n’ont pas été mises en œuvre, et il n’y a pas eu de véritable pression internationale pour obliger Israël à mettre en œuvre ces résolutions. Ce silence international reflète une double norme, dans la mesure où les violations des droits humains commises par Israël contre les Palestiniens sont ignorées.

Le désastre humanitaire à Gaza est le résultat d’une guerre et d’un siège en cours, soutenus par la lente politique de génocide d’Israël visant à humilier et à affamer les habitants de la bande. La guerre n’est pas seulement une bataille militaire, mais aussi une bataille pour la vie quotidienne, car les habitants souffrent de pénuries alimentaires, de hausse des prix et d’un manque de soins de santé. Toutes les parties portent une part de responsabilité, mais la communauté internationale reste le principal partenaire de ce désastre, en raison de son silence persistant et de son incapacité à obliger Israël à mettre fin à ses crimes. Gaza meurt lentement, et le monde regarde sans bouger le petit doigt. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com

Les témoignages sont également publiés sur UJFP; Altermidi.org