Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 68 / 1-2 mai "
Brigitte Challande, 4 mai 2024. Sous la pluie constante, un cortège Palestine de soutien à Gaza était bien présent dans la manifestation du 1er Mai à Montpellier ; à l’envoi des photos Abu Amir écrit :
« Cette ville m’étonne constamment. J’espère rencontrer ces courageux un jour. Je les apprécie et les respecte. C’est d’eux que nous tirons notre force. »
A l’envoi des photos du rassemblement des étudiants devant l’administration de l’Université Paul Valéry de Montpellier pour demander la rupture des partenariats avec les universités israéliennes, Marsel répond :
« BDS ✊ Vive la solidarité ! Cette merveilleuse solidarité, ces mouvements et ces manifestations reflètent les valeurs de lutte et de fermeté contre les politiques d’injustice, de génocide et d’occupation. Merci pour tout ce que vous faites pour soutenir mon peuple palestinien dans son droit légitime à la vie, à la liberté et à la dignité. »
Il enchaîne :
« Pendant que les bénévoles travaillent, désolé, j’essaie de m’aider moi-même et ma famille. »
Le 2 mai Marsel, relaie une dépêche de l’AFP assortie d’un commentaire :
« L’UNESCO décerne le Prix du journalisme aux journalistes palestiniens à Gaza. Les journalistes palestiniens le méritent. Ils ont payé de leur vie le prix de la vérité, mais pourquoi le prix de la honte n’est-il pas annoncé, accompagné d’un mandat de prison que l’on peut attribuer aux assassins de journalistes ? L’occupation a ciblé le plus grand nombre de journalistes de l’histoire ! »
Le ministère palestinien de la Santé a rapporté que 496 travailleurs médicaux palestiniens ont été assassinés, 1.500 blessés et 309 autres détenus par les forces d’occupation israéliennes depuis le début de cette agression.
Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme : Décès parmi les Palestiniens dans la bande de Gaza dus à l’hépatite résultant de la pollution et du manque d’eau potable.
Marsel, plus tard dans la soirée du 2 mai, ne cessera d’envoyer de terribles nouvelles ainsi que la continuité des bombardements.
Sous une vidéo du célèbre chirurgien orthopédique Professeur Adnan Al-Bursh,
« Le professeur Adnan Al-Bursh, chef du service d’orthopédie de l’hôpital Al-Shifa, est mort dans les prisons israéliennes des suites des tortures brutales auxquelles il a été soumis. Al-Bursh a été évacué de force de l’hôpital Al-Shifa en novembre, mais il a refusé de fuir vers le sud et s’est dirigé vers l’hôpital indonésien où il a été kidnappé.
Ce n’était pas le premier. J’espère que ce sera le dernier. Cette occupation fait sortir de sa manche les crimes les plus horribles et les plus sales. »
« Les blessés sont arrivés à l’hôpital du Koweït après que l’occupation a bombardé des tentes à l’ouest de Rafah, au sud de la bande de Gaza. Des blessés dans un bombardement israélien qui a visé une maison abritant des personnes déplacées à l’ouest de Rafah, au sud de la bande de Gaza. »
A recent interview with the late Palestinian Orthopedic Professor Adnan Al-Birsh, who was killed by Israel inside its detention camps after being abducted from a hospital in Gaza. pic.twitter.com/LPaYkPolRD
— Quds News Network (@QudsNen) May 3, 2024
Toutes ces informations sont accompagnées de vidéos et photos insupportables
« Il appelle à l’aide à cause de la douleur dans ses mains. Ce sont les traces de torture laissées sur le corps du prisonnier palestinien Mohammed Turk, kidnappé dans la bande de Gaza. »
Le 1er mai au téléphone : un résumé de la situation dans une conversation entre Sarah et Abu Amir, puis Pierre et Abu Amir
« On veut croire qu’il y a encore une probabilité d’avoir une nouvelle pour le cessez-le-feu, mais on baigne dans des flots d’informations contradictoires. Les gens sont très en colère, attendant le cessez-le-feu. Ce qu’on sait, ce sont les attaques continues de l’Occupation, et son affirmation que, même s’ il y a un cessez-le-feu, de toutes façons ils attaqueront Rafah.
Les destructions sont énormes, mais il y a des mouvements de la population au nord de Nuseirat, le long du wadi Gaza, à l’ouest de Nusseirat, sur toutes les plages à partir de Nusseirat. Le camp de Mawasi va encore s’étendre.On trouve de nombreux camps montés par des donateurs, des tentes y sont préparées, actuellement vides. Ces camps sont destinés à une population cible exclusive : les employés de telle municipalité, les personnes qui travaillent dans tel ou tel hôpital… Pour les « gens ordinaires », il n’y a rien de prévu. Près de ma maison, il y a un grand camp de cette sorte. Il y a un poster à l’entrée, « Amitié des Émirats arabes unis ». J’ai demandé au gardien (gazaoui bien sûr) pour qui serait ce camp, il m’a répondu : pour les employés de la municipalité. Je lui ai demandé qu’il abrite une famille arrivée de Rafah n’ayant rien, il a dit : impossible. Alors que toutes les tentes sont vides.
Ce sont les institutions qui financent les camps qui les attribuent à tels ou tels bénéficiaires.
C’est le fonctionnement inverse du nôtre : dans notre camp, on a abrité tous ceux qui venaient de l’école dans laquelle s’était réfugié le grand groupe de familles d’agriculteurs Abu Taïma venant de Khuza’a, même ceux qui étaient là sans être paysans.
Il faut comprendre qu’il est très difficile de se déplacer, par exemple d’aller de Rafah à Deir al-Balah ou Nuseirat. Il faut compter 500 NIS pour emprunter un pick-up permettant de déménager les affaires d’une famille de Rafah à Nuseirat. Et cela se comprend de la part des chauffeurs, c’est dangereux et le gaz est très cher. La plupart des familles n’ont pas cet argent, elles ne peuvent pas bouger. Et avant de se mettre en mouvement, tous veulent savoir : au point d’arrivée, y a-t-il des sanitaires ? Y a-t-il de l’eau ?
En bref : qui a de l’argent pourra quitter la zone attaquée, mais la grande majorité des gens n’ont pas 1 shekel dans leur poche…
Je dirais 85 % n’ont pas 1 shekel ; 15 % ont un compte approvisionné, mais ne peuvent pas retirer de liquide ; les distributeurs de billets sont sous contrôle d’une mafia, qui exige 500 Nis pour te laisser introduire ta carte dans le distributeur ; quand aux commerçants, c’est 25 % de la somme qu’ils retiennent si tu passes par eux (et ils disent : ‘tu n’es pas content, mais tu devrais l’accepter quand même, car bientôt ce sera 50 % que je demanderais’). »
Question : Qui peut réguler la vie commune ?
« Pas les municipalités, tous les bâtiments ont été mis par terre. Pour Deir al-Balah, c’était il y a un mois. Les équipes municipales n’ont plus rien, elles ne peuvent pas travailler sur le terrain.
Dans cette jungle, la police du Hamas essaie de travailler sur le terrain, mais parmi eux on trouve ceux qui créent les problèmes, volent la nourriture de l’aide humanitaire et la revendent sur les marchés… Ils ont les armes, pas nous. »
Question : La Défense Civile est très active et courageuse, n’est-ce pas ?
« J’ai de très bons contacts avec eux ici, ils travaillent magnifiquement, très dur. Mais il leur manque tout le matériel nécessaire. »
Question : On ne pourrait pas envisager un corps comme cela pour organiser la vie quotidienne ?
« Pour lutter contre les mafias, il faut des armes. C’est tout-à-fait un autre métier.
Quand j’ai quitté ma maison pour me déplacer à Rafah, des jeunes gens sont restés pour la défendre. Ils ont réussi – mais ils avaient des armes.
Il faut prendre la mesure des destructions : je connais Khan Younis comme ma propre main, quand je l’ai parcourue, je ne reconnaissais rien, absolument tout est détruit ; nous avons vu la zone Abu Taima de Khuza’a, c’est entièrement détruit, etc… Il nous faudra 50 ans pour réparer toutes les infrastructures.
Il nous faudra 3 années pour redémarrer un système de scolarisation des enfants. Nos enfants vont perdre toutes ces années, ils seront comme des ânes… Nous avons tant de gens très formés, mais personne ne met en avant la question de la scolarisation. On arrive à parler de la santé, de l’alimentation, c’est urgent… Mais la scolarisation des enfants, c’est encore plus important pour l’avenir. »
Question : Tu penses organiser quelque chose pour la scolarisation dans le camp ?
« Alors je pense que c’est indispensable, mais il faut que vous regardiez les possibilités.
Pour l’instant, l’UJFP assure un repas trois jours par semaine, pour les 750 familles qui sont dans le camp ou juste alentour. C’est une énorme somme, quelque chose comme 6.600 NIS par semaine. Et c’est absolument nécessaire, donc j’ai craint, si je promeus un autre projet, que vous ne puissiez plus continuer avec les repas.
Si on regarde les besoins du camp, au-delà des repas qui doivent être assurés, la situation est claire :
– en premier lieu est le problème de l’eau. Pour le résoudre, on a besoin de 8 panneaux solaires.
– vient immédiatement ensuite la question de la scolarisation. On a les forces pour l’organiser, mais il faudra assurer le matériel et des salaires.
– et juste après, le soutien psychologique. On a une équipe formidable, il faudrait la faire vivre.
On peut d’ailleurs s’appuyer sur cette équipe pour encadrer en partie la scolarisation, cela permettrait de mutualiser les charges de salaire. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se concacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
1ère partie des témoignages : du 20.11 au 15.12. 2ème partie : du 18 au 27.12. 3ème partie : du 30.12.2023 au 01.01.2024. 4ème partie : les 3 et 4 janvier. 5ème partie : les 7 et 8.01. 6ème partie : les 9 et 10 janvier. 7ème partie : du 11 au 15 janvier. 8ème partie : du 16 au 18 janvier. 9ème partie : nouveaux récits, du 16 au 18 janvier. 10ème partie : les 18 et 19 janvier. 11ème partie : les 19 et 20 janvier. 12ème partie : les 21 et 22 janvier. 13ème partie : 22 janvier. 14ème partie : 23-24 janvier. 15ème partie : 25 et 26 janvier. 16ème partie : 25 au 27 janvier. 17ème partie : 28 janvier. 18ème partie : 29 et 30 janvier. 19ème partie : 30.1 et 2.2. 20ème partie : 3 au 6 février. 21ème partie : 7 et 8 février. 22ème partie : 8 février. 23ème partie : 10 au 12 février. 24ème partie : 13 et 14 février. 25ème partie : 16 février. 26ème partie : du 17 au 19 février. 27ème partie : 20-21 février. 28ème partie : 23 février. 29ème partie : 24-26 février. 30ème partie : 26-29 février. 31ème partie : 29 février/1er mars. 32ème partie : 1-2 mars. 33ème partie : 3-4 mars. 34ème partie : 4 mars. 35ème partie : 5 mars. 36ème partie : 6-7 mars. 37ème partie : 8-9 mars. 38ème partie : 10-11 mars 2024. 39ème partie : 13 mars. 40ème partie : 14 mars. 41ème partie : 14-15 mars. 42ème partie : La situation des pêcheur.e.s. 43ème partie : 17 mars. 44ème partie : 19 mars. 45ème partie : 22 mars. 46ème partie : 23 mars. 47ème partie : 23 mars (suite). 48ème partie : 25 mars. 49ème partie : 27-28 mars. 50ème partie : 29-30 mars. 51ème partie : 1-2 avril. 52ème partie : 3 avril. 53ème partie : 5 avril. 54ème partie : 3-6 avril. 55ème partie : 7 avril. 56ème partie : 10 avril. 57ème partie : 11-12 avril. 58ème partie : 14 avril. 59ème partie : 15-16 avril. 60ème partie : 16-17 avril. 61ème partie : 17/18 avril. 62ème partie : 19 avril. 63ème partie : 19 avril. 64ème partie : 23 avril. 65ème partie : 26 avril. 66ème partie : 28 avril – Réflexions d’Abu Amir. 67ème partie : 28 avril.
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP; Altermidi.org