Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 62 / 19 avril

Brigitte Challande, 19 avril 2024. Compte-rendu d’Abu Amir le 19 avril : l’organisation de l’urgence pour les paysans déplacés et la destruction massive du village des paysans où se trouvait le projet agricole

« Rapport sur le travail humanitaire dans le camp des agriculteurs déplacés de l’Est de Khan Yunis.

La crise humanitaire s’est considérablement aggravée dans la plupart des régions de Gaza, notamment en raison de la cessation des activités de la plus grande organisation humanitaire de la bande de Gaza, qui fournissait de la nourriture à une grande partie des personnes déplacées, ce qui a provoqué une famine dans diverses régions.

L’autre raison est le mouvement des personnes déplacées du nord de la bande de Gaza vers le sud, de la région de Nuseirat vers Deir al-Balah et Mawasi Khan Yunis, et enfin de Rafah vers le centre de la bande de Gaza. Les personnes déplacées bougent constamment d’une zone à l’autre en fonction des attaques lancées de temps à autre par l’occupant. Il y a deux semaines, les habitants du nord de Nuseirat ont été déplacés à Mawasi Khan Yunis en raison des bombardements intenses dans cette zone. Aujourd’hui, après le retrait de l’occupant du nord de Nuseirat, les habitants sont revenus dans leurs maisons détruites, préférant rester au milieu des décombres de leurs maisons.

D’autres sont sous des tentes, dans d’autres zones de la bande de Gaza.

Cette situation a considérablement épuisé les habitants de la bande de Gaza et leur a fait perdre une grande partie de leurs moyens de subsistance.

World Central Kitchen a fourni une aide estimée à environ 4 tonnes par le point de passage d’Erez dans le nord de la bande de Gaza et a l’intention de reprendre son travail dans le nord, mais jusqu’à présent son travail dans le sud a été suspendu jusqu’à nouvel ordre.

D’autre part, le nombre d’agriculteurs augmente à la lumière de la nouvelle annoncée par l’occupant de son intention d’entrer bientôt dans la ville de Rafah. Le nombre de familles dans le camp est jusqu’à présent de 738 familles.

Les personnes déplacées dans le camp dépendent de l’équipe de l’UJFP Gaza, qui est devenue un membre clé de l’administration du camp et qui est entièrement responsable pour répondre aux besoins du camp en matière de nourriture, d’eau, d’infrastructures et de toutes les fournitures du camp. Des réunions hebdomadaires sont organisées pour l’administration du camp, afin de résoudre les problèmes croissants du camp jour après jour.

Les équipes de l’UJFP à Gaza fournissent des déjeuners trois jours par semaine aux familles dans le camp, ainsi que des paniers de légumes et parfois des fournitures alimentaires. Nous communiquons également avec de nombreuses institutions et affaires sociales pour fournir de la nourriture à ces familles pour le reste de la semaine, mais cela se fait avec beaucoup de difficulté et un travail intense, avec notre insistance constante pour que ces institutions couvrent le reste de la semaine. Mais la question devient plus difficile car l’occupation rationne l’entrée de l’aide. Plusieurs personnes travaillent dans l’administration du camp pour surveiller les prix de la viande, de la volaille et des légumineuses afin de saisir toute opportunité de baisse des prix pour acheter les besoins du camp, pour faire une variété de repas en proportion du budget alimentaire fourni par l’UJFP.

https://drive.google.com/drive/folders/1soVrx5Uf82W0Vo2AEpR2u3NbZBSXCOkq

La diversité des aliments destinés aux familles, et plus particulièrement aux enfants des camps que nous ciblons directement, est très importante. Nous veillons à ce que les repas soient complets, en essayant d’éviter le plus possible les conserves, dont l’utilisation excessive nuit à leur santé. »

La situation à Khuza’a qui est la région où le projet agro-écologique existait

« L’équipe de l’UJFP Gaza a visité le siège de l’UJFP dans la région de Khuza’a. Après le retrait des forces d’occupation de la ville de Khan Yunis vers les zones occupées en 1948 (comprendre Israël), nous nous sommes rendus au siège de l’UJFP dans la zone de Khuza’a pour constater la laideur des destructions commises par l’occupant dans ces zones en général et ce que l’occupation a détruit des projets agricoles que nous avons mis en place au fil des ans pour aider les agriculteurs dans les zones situées à l’est de Khan Yunis.

Nous avons d’abord traversé la zone d’Abu Taima pour voir l’horreur : la destruction totale causée par l’occupant, car il n’y a plus aucune maison habitable. La plupart des maisons sont en ruines. Nous avons trouvé des fermiers venus inspecter leurs maisons, et la tristesse les tue, car ils sont devenus des sans-abri. Dès qu’ils nous ont vus, ils se sont rassemblés autour de nous et ont commencé à se plaindre et à expliquer ce qui leur était arrivé, mais ce dont ils parlaient crevait les yeux : la situation parle d’elle-même. Nous avons essayé autant que possible de les réconforter avec quelques mots et de leur dire que leur existence est la plus importante et que tout peut être reconstruit, mais c’était très difficile pour eux, car ils ont tout perdu, leurs maisons, leurs récoltes, et beaucoup de leurs parents et de leurs proches.

Nous les avons quittés après leur avoir dit que nous étions avec eux et que nous allions recommencer, dans l’espoir que leur état psychologique s’améliore. Nous nous sommes ensuite rendus dans le village de Khuza’a. Dès que nous y sommes entrés, nous avons été choqués par le spectacle de la destruction. Des quartiers résidentiels entiers ont été rasés au point que l’on peut voir la clôture frontalière depuis le centre du village. Il n’y a pas de mots pour décrire l’ampleur des destructions subies par ce village.

Nous nous sommes ensuite rendus au siège de l’UJFP, qui comprend le château d’eau, la salle de réunion, l’usine de dessalement de l’eau, les deux puits qui alimentent le réservoir d’eau, ainsi que les panneaux solaires qui alimentent chaque puits en énergie électrique. Tous ces éléments ont été brutalement et délibérément détruits pour humilier les agriculteurs et les forcer à quitter leurs terres. L’occupant s’efforce depuis de nombreuses années de détruire tout ce qui sert aux agriculteurs dans les zones frontalières afin de les forcer à partir.

De plus, il a détruit la seule pépinière de toute la région orientale, qui dessert des centaines d’agriculteurs qui dépendent entièrement de la pépinière pour leur fournir gratuitement des plants. Nous n’avons pas pu atteindre la zone de la pépinière parce que l’occupant a rasé la plupart des terres situées entre l’arboretum et la clôture frontalière, derrière laquelle se trouvaient de nombreux chars d’assaut. Par conséquent, ces zones sont devenues exposées et il n’a pas été possible de s’y rendre pour documenter la destruction de cet édifice agricole. »

19 avril – destruction des infrastructures agricoles et villages – Khuza’a – Google Drive


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se concacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

1ère partie des témoignages : du 20.11 au 15.12. 2ème partie : du 18 au 27.12. 3ème partie : du 30.12.2023 au 01.01.2024. 4ème partie : les 3 et 4 janvier. 5ème partie : les 7 et 8.01. 6ème partie : les 9 et 10 janvier. 7ème partie : du 11 au 15 janvier. 8ème partie : du 16 au 18 janvier. 9ème partie : nouveaux récits, du 16 au 18 janvier. 10ème partie : les 18 et 19 janvier. 11ème partie : les 19 et 20 janvier. 12ème partie : les 21 et 22 janvier. 13ème partie : 22 janvier. 14ème partie : 23-24 janvier. 15ème partie : 25 et 26 janvier. 16ème partie : 25 au 27 janvier. 17ème partie : 28 janvier. 18ème partie : 29 et 30 janvier. 19ème partie : 30.1 et 2.2. 20ème partie : 3 au 6 février. 21ème partie : 7 et 8 février. 22ème partie : 8 février. 23ème partie : 10 au 12 février. 24ème partie : 13 et 14 février. 25ème partie : 16 février. 26ème partie : du 17 au 19 février. 27ème partie : 20-21 février. 28ème partie : 23 février. 29ème partie : 24-26 février. 30ème partie : 26-29 février. 31ème partie : 29 février/1er mars. 32ème partie : 1-2 mars. 33ème partie : 3-4 mars. 34ème partie : 4 mars. 35ème partie : 5 mars. 36ème partie : 6-7 mars. 37ème partie : 8-9 mars. 38ème partie : 10-11 mars 2024. 39ème partie : 13 mars. 40ème partie : 14 mars. 41ème partie : 14-15 mars. 42ème partie : La situation des pêcheur.e.s. 43ème partie : 17 mars. 44ème partie : 19 mars. 45ème partie : 22 mars. 46ème partie : 23 mars. 47ème partie : 23 mars (suite). 48ème partie : 25 mars. 49ème partie : 27-28 mars. 50ème partie : 29-30 mars. 51ème partie : 1-2 avril. 52ème partie : 3 avril. 53ème partie : 5 avril. 54ème partie : 3-6 avril. 55ème partie : 7 avril. 56ème partie : 10 avril. 57ème partie : 11-12 avril. 58ème partie : 14 avril. 59ème partie : 15-16 avril. 60ème partie : 16-17 avril. 61ème partie : 17/18 avril.


Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com

Les témoignages sont également publiés sur UJFP; Altermidi.org