Partager la publication "Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 42 / LA SITUATION DES PECHEUR.E.S"
Brigitte Challande, 17 mars 2024. Pêcheur.e.s de Gaza
Le massacre et le sociocide qui se déroule à Gaza en ce moment – et qui a commencé il y a 18 ans – concerne toutes les parties de la population qui font société à Gaza ; les pêcheurs en sont une et à l’occasion du festival du film « Pêcheurs du monde » du 15 au 24 Mars à Lorient, deux films documentaires réalisés sur les pêcheurs à Gaza seront présentés :
« Aimer la mer à Gaza », réalisé par Sarah Katz, et
« Donne un poisson à un homme », réalisé par Iyad Alasttal.
Cette initiative est l’occasion de relayer le témoignage de l’effroyable massacre actuel avec deux vidéos diffusées au Festival : deux personnages emblématiques que sont le responsable du syndicat des pêcheurs UAWC, Zakaria Baker, et une personnalité formidable Madleen Kulab, première – seule à ce jour- femme pêcheure de Gaza. Ci-dessous la traduction de leur intervention.
Intervention de Zakaria Baker :
« À mes Frères et Amis Pêcheurs, aux Femmes et Hommes Solidaires et Libres, aux Syndicalistes et Représentants des Pêcheurs, et à toute personne qui m’écoute, bonjour.
Je vous adresse la parole depuis le port du Rafah, là où j’ai cru trouver refuge, pensant qu’il était un lieu sûr. Malheureusement, j’ai dû constater qu’il n’y a aucun endroit sûr à Gaza.
Je vous parle donc à proximité des bateaux de pêche qui ont été détruits et bombardés par les avions militaires de l’occupation.
Je souhaite vous parler de la douleur, de la souffrance et de l’humiliation que les pêcheurs palestiniens ont endurées pendant 18 ans, alors que l’occupation commettait plusieurs types de crimes :
*Le premier crime est celui d’interdire aux pêcheurs d’aller en mer pour pêcher ou de leur assigner des zones de pêche limitées.
*Un autre crime est celui d’interdire l’importation d’équipements de pêche.
Nous parlons ici du plus long blocus terrestre et maritime au monde concernant le secteur de la pêche.
Il y a aussi toutes les opérations de traque et de poursuite par la marine militaire de l’occupation contre les pêcheurs, utilisant tout type d’armement imaginable, transformant ainsi le pêcheur palestinien en un laboratoire d’expérimentation pour de nouvelles armes israéliennes pendant toute cette période de blocus.
[En 18 années de blocus,] nous avons perdu 19 pêcheurs et 1.000 autres ont été arrêtés, 400 blessés. L’occupation a confisqué 400 bateaux de pêche et détruit des milliers de filets de pêche. Cette traque des bateaux de pêche s’est étendue à toute la mer. L’armée a ainsi occupé toute la mer de Gaza de manière planifiée et ciblée.
Ô esprits libres de ce monde,
La guerre génocidaire actuelle sur Gaza ne fera que terminer ce qui a été planifié pendant le blocus. L’occupation a totalement détruit le port de Gaza. La bande de Gaza est actuellement coupée en deux, tous les bateaux de pêche au nord de Gaza ont été détruits, ainsi que plus de la moitié à Khan Younes et Rafah au sud.
Ainsi, le pêcheur palestinien a été contraint de se déplacer vers des abris sous tentes Il a perdu sa source de revenus, son bateau de pêche ayant été détruit, ainsi que sa maison. Plus de 80% des pêcheurs de Gaza sont actuellement déplacés. Nous avons perdu plus de 120 pêcheurs pendant cette guerre (à ce jour) et des centaines ont été blessés.
Ô esprits libres de ce monde et représentants des pêcheurs et syndicalistes, je lance cet appel au nom de l’humanité, au nom de toutes les religions, au nom des livres sacrés et des prophètes, pour être la conscience qui envoie ces messages au monde entier.
Nous sollicitons votre aide et faisons appel à vos consciences vivantes pour rester à nos côtés et dénoncer ce qui est pratiqué contre les pêcheurs de Gaza. Nous vous demandons de les aider à relancer leurs activités et métiers qu’ils ont toujours chéris. Ils ont toujours aimé la mer. Nous sommes à la croisée des chemins : revivre ou mourir. Nous sollicitons votre aide et faisons appel à vos consciences vivantes pour être à nos côtés.
Merci. »
Je suis la pêcheure Madleen KULAB
« Je vous parle depuis la mer -la plage- à Rafah
Nous, en tant pêcheurs, l’occupation israélienne a détruit nos bateaux de pêche et nos maisons.
Nous avons fui (déplacement forcé), nous sommes devenus réfugiés dans la bande de Gaza même, mais dans une autre région.
Nous vivons dans des tentes, moi, mon mari et mes quatre enfants, ainsi que les parents de mon mari, ses sœurs et leurs enfants, plus d’une trentaine de personnes, nous vivons tous dans une tente où il n’y a aucun moyen de subsistance.
Quand il pleut, nous sommes inondés par la pluie et quand il y a du soleil, la tente est infernale. Il n’y a pas de sanitaires, il n’y a pas le moindre moyen de subsistance.
Ici à Rafah, on ne peut pas marcher dans la rue tellement il y a de gens. Pour aller au marché, on met au moins deux ou trois heures.
En tant que pêcheure et au nom de plus de 350 pêcheurs déplacés à l’ouest de Rafah : nous n’avons aucun moyen de subsistance. Nous ne pouvons plus survivre. Cela suffit ! Nous avons perdu tout ce que nous possédions, notre argent, nos bateaux. Comme tous les autres pêcheurs, j’ai perdu tout ce que j’ai construit. On a perdu nos maisons, on a tout perdu !
Avec tout ce que nous passons, nous vivons dans la peur. Il y a tout le temps des bombardements et des destructions. Même là où je suis, le risque est présent, plusieurs navires militaires israéliens sont en face de moi. À tout moment, il se peut qu’ils ouvrent le feu et visent les gens ici.
Les gens sont fatigués. Les gent savent que où que l’on aille, le danger est présent. Pour cela, les gents se sont réfugiés à la mer – la plage – à tout endroit où il y restait de la place. Il n’y a plus maintenant assez de place dresser une tente.
A tous les hommes libres du monde, à tout être libre au monde : je souhaite que vous continuiez d’être solidaires avec nous et d’appeler pour un cessez-le-feu et pour une Palestine libre où nous pouvons être libres et vivre avec dignité. »
Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se concacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.
Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.
1ère partie des témoignages : du 20.11 au 15.12. 2ème partie : du 18 au 27.12. 3ème partie : du 30.12.2023 au 01.01.2024. 4ème partie : les 3 et 4 janvier. 5ème partie : les 7 et 8.01. 6ème partie : les 9 et 10 janvier. 7ème partie : du 11 au 15 janvier. 8ème partie : du 16 au 18 janvier. 9ème partie : nouveaux récits, du 16 au 18 janvier. 10ème partie : les 18 et 19 janvier. 11ème partie : les 19 et 20 janvier. 12ème partie : les 21 et 22 janvier. 13ème partie : 22 janvier. 14ème partie : 23-24 janvier. 15ème partie : 25 et 26 janvier. 16ème partie : 25 au 27 janvier. 17ème partie : 28 janvier. 18ème partie : 29 et 30 janvier. 19ème partie : 30.1 et 2.2. 20ème partie : 3 au 6 février. 21ème partie : 7 et 8 février. 22ème partie : 8 février. 23ème partie : 10 au 12 février. 24ème partie : 13 et 14 février. 25ème partie : 16 février. 26ème partie : du 17 au 19 février. 27ème partie : 20-21 février. 28ème partie : 23 février. 29ème partie : 24-26 février. 30ème partie : 26-29 février. 31ème partie : 29 février/1er mars. 32ème partie : 1-2 mars. 33ème partie : 3-4 mars. 34ème partie : 4 mars. 35ème partie : 5 mars. 36ème partie : 6-7 mars. 37ème partie : 8-9 mars. 38ème partie : 10-11 mars 2024. 39ème partie : 13 mars. 40ème partie : 14 mars. 41ème partie : 14-15 mars.
Pour participer à la collecte "Urgence Guerre à Gaza" : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP; Altermidi.org