Génocide à Gaza : des civils tués et déplacés en masse, des maladies infectieuses – « Nous approchons du point de non-retour »

ISM-Palestine, 10 décembre 2023. Ce sont les mots prononcés par le néphrologue Ben Thomson lors de sa conférence de presse d’hier sur la « catastrophe sanitaire urgente à Gaza » et le désastre de santé publique qui entre dans son 63e jour dans la bande de Gaza assiégée et bombardée.

10.12 – Les FOI ciblent les personnes déplacées réfugiées à l’intérieur d’une école de l’UNRWA dans le camp de Jabalia, au nord de la bande de Gaza. (source Quds News Network)

Par ces mots d’introduction, le Dr Thomson a annoncé l’ampleur de la situation : « Sur les 35 hôpitaux de Gaza, 26 ne sont pas fonctionnels. 9 ne restent que partiellement fonctionnels mais fonctionnent à plus du double de leur capacité avec des pénuries critiques et fournissent un abri à des milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays. »

Les civils du nord sont désormais privés d’accès aux transports médicaux d’urgence en raison de la destruction ciblée de 100 ambulances du Croissant-Rouge, du bombardement de convois d’ambulances et de la pénurie brutale de carburant. Au moins 364 attaques contre des services de santé ont été enregistrées dans le territoire palestinien occupé depuis le 7 octobre 2023.

Avec des dizaines de milliers de Palestiniens blessés et des milliers d’autres disparus et présumés enterrés vivants dans la couche arable des décombres qui marquent désormais le paysage de Gaza, nombreux sont ceux qui meurent, appelant peut-être au secours. Les infrastructures à Gaza ne sont pas « en panne ». Elles ont été volontairement détruites. Des ambulances aux écoles de médecine, en passant par le seul hôpital psychiatrique de la région, jusqu’aux arrestations de dizaines de médecins et de cadres médicaux emmenés de force dans des lieux inconnus, les cibles ont été exécutées avec précision par les forces d’occupation qui se livrent, comme indiqué lors de la conférence, à « des atrocités criminelles » en violation de diverses lois humanitaires et des crimes de guerre.

Parmi le personnel médical porté disparu figure le directeur de l’hôpital Al Shifa, le Dr Muhammad Abu Salmiya, qui a été enlevé le 23 novembre alors qu’il facilitait l’évacuation forcée de l’hôpital. Diverses agences de défense des droits ont exprimé leur inquiétude quant au bien-être du médecin qui, jusqu’à son enlèvement par les forces d’occupation, informait régulièrement le monde de la situation à l’intérieur et autour de l’hôpital, sur les blessés, sur les morts.

Muhammad Abu Salmiya, directeur de l’hôpital Al Shifa Hospital, kidnappé et emmené dans un lieu inconnu. Photo Credit: AFP Archive

Le ministère de la Santé de Gaza a noté samedi 9 décembre que 17.487 Palestiniens avaient été massacrés, dont plus de 70 % étaient des femmes et des enfants. Mais ce nombre de morts augmente de minute en minute et, avec des milliers de disparus et les forces d’occupation ciblant et criminalisant les processus civiques les plus élémentaires qui se déroulent dans les cinq districts de Gaza, il est devenu impossible de tenir le décompte des morts. Et ce que l’armée d’occupation n’a pas détruit avec des bombes et des armes à feu, elle s’efforce d’y parvenir en faisant circuler de faux récits repris par les médias du monde entier qui mettent en doute les rapports sur la santé de Gaza publiés par les fonctionnaires palestiniens qui informent le monde sur le génocide en cours de plus de 2,2 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza.

Le 8 décembre, des images choquantes provenant du quartier de Beit Lahia, au nord de Gaza, ont montré la scène de déshabillage et l’enlèvement de civils palestiniens déplacés d’une école des Nations Unies attaquée, parmi lesquels figuraient un étudiant, un commerçant local et un journaliste bien connu. Alors que le monde réagissait avec une colère légitime aux actes horribles de l’armée d’occupation, un porte-parole des forces d’occupation israéliennes a rejeté les enquêtes en assimilant les civils à des membres du Hamas, une tactique persistante reflétant leur point de vue : tous les corps palestiniens sont intrinsèquement « terroristes ».

L’école des Nations Unies abritant les déplacés n’était que l’une des nombreuses installations dans la bande terrorisée abritant plus de 1,7 million de personnes déplacées à cause des bombardements incessants. Selon les derniers chiffres sur le terrain, les forces d’occupation ont décimé les infrastructures résidentielles de Gaza, dont 300.000 logements, soit plus de la moitié des foyers de Gaza, comme le montre le graphique suivant :

Les forces d’occupation exigent que les déplacés en masse s’entassent dans une zone constituée de dunes de sable, dépourvue de la moindre infrastructure humanitaire, dans la région sud-ouest d’Al-Mawasi. Les informations qui parviennent de cette « zone de sécurité » révèlent les horreurs de la région, une nourriture insuffisante, des abris insuffisants et une source d’eau non fiable, ce qui équivaut à l’armée d’occupation offrant aux Palestiniens une mort plus lente qui se produira par la famine, la soif et les maladies infectieuses. Les conditions actuelles à Gaza sont dépourvues de mesures sanitaires alors que les maladies infectieuses commencent à s’installer dans des conditions de surpopulation avec les corps de civils assassinés gisant dans les rues. Comme le rapporte le Programme alimentaire mondial, la situation est désastreuse dans l’ensemble de la bande de Gaza, avec une insécurité alimentaire et hydrique généralisée, notamment des déficits de consommation « extrêmement alarmants » que connaissent des proportions croissantes de la population dans les gouvernorats du Nord et du Sud.

 

Des dizaines de milliers de cas de maladies diarrhéiques ont été signalés à travers Gaza, les enfants palestiniens représentant plus de la moitié de ce chiffre. Il y a quelques jours, OCHA a publié une déclaration annonçant une épidémie d’hépatite dans les abris de l’UNRWA qui fonctionnent à plusieurs fois leur capacité. Au fil des jours, on craint que les maladies et les décès dus à des maladies infectieuses augmentent considérablement. Cela témoigne d’un échec multisystémique des principes les plus fondamentaux de la réponse humanitaire aux civils et aux enfants pris dans un conflit : la fourniture de nourriture, d’eau potable, de médicaments et la protection contre les hostilités.

Parallèlement aux largages de bombes s’ajoutent des informations déchirantes faisant état d’enfants écrasés sous les décombres, de familles entières disparues et, il y a quelques jours à peine, du meurtre d’un professeur palestinien bien-aimé. En un éclair instantané et explosif, la vie de Refaat Alareer, co-fondateur de We Are Not Numbers, poète et universitaire, a été violemment interrompue par une frappe aérienne de l’occupation qui a tué de nombreux membres de sa famille, dont quatre de ses nièces. Dans le chaos des bombardements des forces d’occupation et de la reprise du « cessez-le-feu temporaire », Alareer s’était élevé contre les hostilités et le massacre insensé de civils.

Ce qui reste de la Mosquée Al-Mari après les bombardements de l’armée d’occupation. (source Gaza News+)

Au milieu des décombres inextricalbes de la bande de Gaza se trouvent les restes de 104 mosquées et de nombreuses églises qui ont été ciblées par les frappes aériennes de l’occupation, alors même que des vidéos prises par les FOI circulent sur les réseaux sociaux, montrant l’entrée d’une synagogue à l’intérieur d’un immeuble volé à Gaza. La Grande Mosquée médiévale d’Omari à Gaza, à couper le souffle, était devenue emblématique et se trouve désormais tragiquement parmi les décombres, avec son minaret survivant debout devant elle. Et la majestueuse église grecque orthodoxe Saint-Porphyre, construite vers 1150, était notamment la plus ancienne église encore en activité à Gaza et celle qui abritait des musulmans et des chrétiens palestiniens déplacés pendant le bombardement, dont 16 ont perdu la vie à l’intérieur de ses murs détruits.

Cette guerre a volé leur vie à 63 journalistes, à 133 travailleurs humanitaires de l’ONU, à plus de 250 personnels de santé. Les chiffres augmentent de jour en jour. Et alors que les autorités israéliennes promettent de poursuivre cette horrible agression pendant encore deux mois, les rapports continueront de défiler sous les yeux du monde témoin du cauchemar vivant dans lequel la population de Gaza est piégée. Avec les victimes, les morts et les destructions, la justice aussi est ensevelie sous les décombres.

Article original en anglais sur Palsolidarity.org / Traduction MR