L’AP a abandonné la Palestine pour coller au récit international

Ramona Wadi, 8 juin 2023. Si l’ONU excelle en quoi que ce soit outre la création des conditions propices aux violations des droits de l’homme, elle suit les violations des droits de l’homme et diffuse les données statistiques. Il ne fait donc aucun doute que les diplomates ont accès aux détails de ce qui se passe en Palestine ; sensibiliser sans action politique a, après tout, été la voie choisie pendant des décennies. Le récit du « conflit » israélo-palestinien n’aurait pas pu opter pour une meilleure stratégie.

Malgré cela, l’Autorité palestinienne s’appuie toujours sur la tactique de l’ONU lorsqu’elle rencontre des diplomates, régurgitant les déclarations les plus évidentes et les questions rhétoriques qui conduisent à davantage d’impunité pour Israël.

« Combien de temps le silence international continuera-t-il sur ce qui se passe ici en Palestine en termes de violations et de mesures de l’occupation ? » a demandé le Premier ministre de l’AP Mohammad Shtayyeh au représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme, Eamonn Gilmour, lors d’une réunion à Ramallah hier. Shtayyeh a également cité des statistiques relatives aux violations israéliennes et a appelé à la cessation de « la politique du double standard à l’égard de la cause palestinienne ».

Pourtant, l’AP elle-même pratique le « deux poids deux mesures » au détriment de la Palestine et du peuple palestinien. La coordination sécuritaire avec l’État d’occupation reste une préoccupation majeure pour les Palestiniens. De plus, l’AP continue d’accepter de maigres concessions : exprimer sa répugnance envers la résistance anticoloniale légitime par tous les moyens, persécuter les Palestiniens dont les opinions politiques ne sont pas alignées sur Ramallah et marginaliser la bande de Gaza et les réfugiés palestiniens. Il est pertinent de demander à l’AP pourquoi elle insiste pour dépeindre la Palestine à travers le prisme de la communauté internationale, qui est de nature coloniale en raison de sa complicité avec Israël, au lieu de se tourner vers les Palestiniens pour dépeindre la réalité à travers l’expérience palestinienne vécue.

Mentionner les violations d’Israël est un positionnement faible pour l’autorité de Ramallah. La communauté internationale a déjà normalisé l’éventail des violations et des crimes de guerre qu’Israël commet contre le peuple palestinien, et cela ne changera pas à cause des officiels de l’Autorité Palestinienne qui répètent les statistiques à l’envi. Des décennies de colonialisme israélien ont effacé le concept de justice pour les Palestiniens, parce que la communauté internationale s’est lancée dans différentes mesures de normalisation pour protéger l’entreprise coloniale. L’adhésion de l’AP à la communauté internationale face aux revendications politiques légitimes des Palestiniens garantit également l’impunité à Israël.

La sensibilisation aux violations israéliennes devient un spectacle farfelu en termes de diplomatie, et mortel pour les Palestiniens. Alors que l’AP et les diplomates internationaux considèrent que leurs réalisations coûtent au peuple de la Palestine occupée des pertes irremplaçables, notamment parce que personne ne se soucie, de toute façon, des statistiques, nous ne pouvons pas oublier les vies palestiniennes qui sont cachées derrière les données. Compter les violations tout en négligeant de demander des comptes à l’État d’apartheid est une réussite de la communauté internationale. Sans trajectoire politique propre, le maintien par l’AP du récit international guide Israël pour élargir les paramètres de ses violations des droits de l’homme et de ses crimes de guerre contre le peuple palestinien. Pendant ce temps, l’exploitation de la souffrance palestinienne augmente, car les histoires individuelles qui font la une des journaux sont sensationnalisées sans référence à l’entreprise coloniale et à la complicité internationale qui permettent aux crimes d’Israël d’être commis.

L’AP a abandonné la Palestine pour s’en tenir au récit international. Il faut que cela change, de l’intérieur.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR

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