Rhétorique dénuée de sens de l’AP et de la communauté internationale sur Ein Samiyah

Ramona Wadi, 30 mai 2023. Alors que la violence coloniale israélienne a entraîné le déplacement forcé des 200 habitants d’Ein Samiyah dans la zone C de la Cisjordanie occupée, la gamme de réactions, du silence aux commentaires pathétiques, n’a fait qu’accroître l’impunité de l’entreprise coloniale. Un jour après qu’Al Jazeera ait rapporté le récent déplacement palestinien, les diplomates de l’UE ont émis un autre reproche futile demandant à Israël d’arrêter l’expansion des colonies, avertissant que « l’expansion des colonies a entraîné une augmentation de la violence des colons ». Les Palestiniens ont-ils vraiment besoin que les diplomates de l’UE leur rappellent ce qu’ils vivent quotidiennement depuis des décennies ?Les résidents déplacés d’Ein Samiyah ont maintenant déménagé à Al-Mughayyir et Al-Nuwaimah, toujours à la portée de la violence des colons, une illustration de la façon dont l’Etat israélien a perfectionné la Nakba en cours pour qu’elle soit normalisée par la communauté internationale.

Comme prévu, l’Autorité palestinienne n’a excellé que dans la complaisance. Les commentaires à Al Jazeera du porte-parole de la présidence de l’Autorité palestinienne, Ibrahim Melhem, ont non seulement mis en lumière le silence complice de Ramallah, mais aussi l’impunité soigneusement conçue dont il bénéficie en raison de sa collaboration avec Israël.

« L’AP n’a pas la capacité d’empêcher de tels crimes », a déclaré Melhem. « Elle est victime de ces crimes, puisque la communauté internationale n’applique pas les décisions convenues dans ses relations avec Israël. »

La déclaration est en partie vraie – la communauté internationale apprécie les résolutions non contraignantes en ce qui concerne les crimes de guerre et les violations du droit international d’Israël. Cependant, l’AP est à blâmer pour son approbation aveugle du paradigme à deux États, qui a donné à Israël la possibilité de s’étendre sur le territoire palestinien, tout comme le plan de partage de 1947 a ouvert la voie à l’entreprise coloniale.

Quand Israël crée des réfugiés, l’AP reste silencieuse, non pas parce qu’elle est une victime, mais parce qu’elle ne veut pas s’écarter du rôle que la communauté internationale et Israël entendent lui faire jouer. Le mandat actuel des Palestiniens déplacés de force nuit commodément au cycle perpétuel de réfugiés qu’Israël a créé depuis la Nakba de 1948. Pourtant, pour l’AP, s’arrêter au déplacement forcé est une forme de violence politique dont les Palestiniens ne devraient pas souffrir de la part de leurs dirigeants illégitimes et périmés.

Même si l’Autorité Palestinienne n’a pas la capacité d’empêcher l’expansion des colonies – son autorité illégitime s’ajoute aux restrictions déjà imposées par la communauté internationale – elle pourrait faire beaucoup si la Palestine et les Palestiniens étaient vraiment sa préoccupation politique. L’Autorité Palestinienne fait obstacle au changement politique en refusant d’organiser des élections démocratiques, en ne donnant pas aux réfugiés l’espace politique nécessaire, en détenant et en torturant ses opposants, en exploitant le cycle de réfugiés qu’Israël crée, par souci d’enjolivement rhétorique provisoire et de gestes de solidarité internationale dénués de sens.

« Notre objectif principal est de faire pression pour qu’ils reviennent sur leurs terres, et non qu’ils se soumettent à un déplacement », a déclaré Melhem à propos des habitants d’Ein Samiyah. La question est, comment ? Comment l’AP peut-elle appeler au retour alors qu’elle persiste à ignorer les réfugiés palestiniens ? À un moment donné, les réfugiés palestiniens dans leur ensemble, qui sont maintenant devenus une multitude sans nom, furent un souci actuel. Combien de temps avant que le peuple d’Ein Samiyah ne subisse le même sort, et que l’AP ne tombe dans le même silence sur les droits politiques des réfugiés palestiniens ?

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR

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