Le gouvernement israélien organise une tournée de propagande pour 150 journalistes chrétiens

Noelle Marfajeh, 15 décembre 2022. Une délégation de quelque 150 journalistes étrangers a rencontré hier des membres de la Knesset lors de la dernière étape d’une tournée hasbara organisée par le gouvernement israélien.

Une journaliste à la sortie d’un tunnel de la base d’entraînement militaire de Tze’elim, le 13 décembre 2022. [Source : Bureau de presse du gouvernement israélien]

Les participants, originaires de 28 pays et employés par des publications chrétiennes du monde entier, se sont enregistrés dimanche à l’hôtel Dan Jerusalem, dans le quartier palestinien de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est occupée, pour la sixième édition du sommet annuel des médias chrétiens d’Israël.

Le sommet est organisé par le Bureau de presse du gouvernement israélien (GPO), le ministère des Affaires étrangères et le ministère de Jérusalem et du patrimoine.

« Un canal d’information essentiel »

La section “À propos” du site web du Christian Media Summit est transparente quant à la nature de sa mission gouvernementale : « Le gouvernement d’Israël considère les médias chrétiens comme un canal d’information vital et professionnel pour les téléspectateurs, lecteurs et internautes chrétiens du monde entier. »

Le programme du sommet 2022 présente une flopée de personnalités politiques et médiatiques israéliennes, ainsi que des militaires, qui s’exprimeront sur des sujets tels que « l’Iran » et la « Hasbara ».

Le porte-parole international de l’armée israélienne, le lieutenant-colonel Richard Hecht, et le général Bentzi Gruber, vice-commandant de la division 252, une division blindée de 20.000 soldats, ont tous deux pris la parole lors de l’événement.

Ils ont été rejoints par des personnalités associées au centre de lutte contre la criminalité Shurat HaDin et à UN Watch, une organisation de lobbying pro-israélienne ayant des liens étroits avec le gouvernement et qui surveille les actions des Nations Unies qu’elle perçoit comme « biaisées » contre Israël, ainsi que plusieurs organisations internationales connues pour colporter de la propagande pro-israélienne et coordonner des campagnes de harcèlement et de diffamation contre des militants, des journalistes et des organisations pro-palestiniens dans le monde entier, notamment HonestReporting, , NGO Monitor et Palestinian Media Watch.CAMERA UK

Hananya Naftali, un influenceur de médias sociaux connu des Palestiniens pour ses remarques racistes et qui se targue d’avoir 189.000 followers sur Instagram, ainsi qu’une offre d’emploi de l’ancien Premier ministre Netanyahu, a également fait une apparition.

De manière ostensible, le programme annonce une intervention du « Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu” – un poste que Netanyahu n’a pas encore assumé au sein du gouvernement entrant.

« C’est ainsi que se fait la propagande israélienne »

Alors que les deux premiers jours du sommet étaient consacrés aux interventions des conférenciers et à des rencontres, le groupe a effectué une excursion mardi sur la base d’entraînement militaire de Tze’elim, un « centre de guerre urbaine » situé dans le désert du Naqab, dans le sud d’Israël.

Un communiqué de presse du GPO, qui a depuis été supprimé du site Internet du gouvernement israélien, montrait des photos des journalistes entrant et sortant de structures souterraines imitant les tunnels creusés par le Hamas autour de Gaza.

Un communiqué de presse antérieur, qui couvre également la visite de la base, affirme que les journalistes ont été « exposés à la lutte d’Israël » et « ont fait l’expérience directe de la menace que les organisations terroristes font peser sur les communautés en Israël ».

« C’est ainsi que se fait la hasbara israélienne », conclut le communiqué de presse.

Le groupe a terminé sa tournée de quatre jours hier après-midi à la Knesset, où il devait entamer un « dialogue interactif » avec des députés israéliens.

Une journaliste entre dans un tunnel de la base d’entraînement militaire de Tze’elim, le 13 décembre 2022. [Source : Bureau de presse du gouvernement israélien]

Le soutien évangélique en chute libre

Les chrétiens évangéliques sont traditionnellement de solides alliés d’Israël. L’ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Ron Dermer, les a qualifiés de « colonne vertébrale du soutien d’Israël aux États-Unis », en raison de « leur soutien passionné et sans équivoque à Israël ».

Les évangéliques estiment qu’ils ont le devoir de soutenir Israël parce que les Juifs doivent être physiquement présents à Jérusalem pour que le second avènement [du Christ, ndt] ait lieu.

Mais une étude publiée en juin par l’Université de Caroline du Nord à Pembroke a révélé que le soutien à Israël parmi les évangéliques âgés de 18 à 29 ans est en chute libre, passant de 69% en 2018 à seulement 33,6% en 2021.

Selon le Dr Motti Inbari, qui a mené la recherche, « nous pensons que la raison de cette chute est liée à la façon dont les jeunes évangéliques perçoivent le concept de justice. Les jeunes évangéliques pensent que d’un point de vue juste ou d’un point de vue chrétien, ils devraient développer plus de compassion envers les Palestiniens. »

Inbari a ajouté que les jeunes évangéliques ont tendance à être plus instruits que leurs parents et grands-parents, « il se pourrait donc que l’exposition à un climat de campus [pro-palestinien] ait créé ces changements. »

Inbari s’aventure également à penser que la présidence de Donald Trump a fait basculer les jeunes générations vers le parti démocrate – et loin des mesures sans précédent de Trump en faveur d’Israël, comme la reconnaissance de l’annexion illégale du plateau du Golan par Israël et le déménagement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.

Le Dr Yoav Fromer, directeur du Centre d’étude des États-Unis à l’Université de Tel-Aviv, a déclaré au Jerusalem Post en juin 2021 qu’Israël était en train de perdre son « pilier stratégique le plus important » du fait que le soutien à Israël n’était pas transmis aux jeunes générations chrétiennes. « Depuis plus d’une décennie, le gouvernement israélien a mis tous ses œufs, en ce qui concerne la politique américaine, dans le même panier – celui des électeurs évangéliques du Parti républicain. »

Le Christian Media Summit n’est qu’un des moyens par lesquels Israël cherche à maintenir ce pilier stratégique.

L’évangélique rencontre l’extrême-droite

Si l’un des objectifs généraux du Christian Media Summit est de renouveler le soutien à Israël de la part des jeunes évangéliques, le sommet attire chaque année des grands noms de la communauté évangélique américaine, qui gèrent leurs propres entreprises pour obtenir un soutien à Israël.

Le Dr Ruth Pauline Plummer avec le directeur du bureau de presse du gouvernement israélien, Nitzan Chen, à Jérusalem, le 11 décembre 2022. [Source : Bureau de presse du gouvernement israélien]

Le Dr Ruth Pauline Plummer, que l’on voit sur une photo en train de serrer la main du directeur israélien du GPO, Nitzan Chen, et qui était elle-même une des oratrices de l’événement, est la présidente et la directrice générale du réseau de télévision Covenant Daughters aux États-Unis. La biographie de Mme Plummer sur le site Web du réseau présente un drapeau israélien et une vue du Dôme du Rocher à Jérusalem-Est occupée. Mme Plummer se qualifie elle-même de « Première dame d’Israël ».

L’évêque Robert Stearns, partisan de longue date d’Israël et orateur vedette du sommet, dirige un programme appelé « Eagles Wings » qui identifie « les jeunes leaders évangéliques émergents dont la sphère d’influence s’accroît et leur offre un voyage en Israël ».

Ces grands noms, ainsi que les nouveaux participants au sommet, ont terminé leur tournée hier par une rencontre à la Knesset avec les membres du nouveau gouvernement d’extrême-droite israélien.

L’extrémiste d’extrême-droite et futur ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, s’est adressé aux participants lors de leur visite à la Knesset mercredi après-midi, pour la première fois en public devant des journalistes étrangers.

« Je veux prendre soin de tous les habitants de notre pays, religieux et laïcs, juifs et arabes, afin que nos enfants puissent marcher dans la rue en toute sécurité », a déclaré Ben-Gvir à la foule.

Ben-Gvir a ouvertement appelé à tirer sur les Palestiniens, est considéré comme l’un des plus grands admirateurs du rabbin ouvertement raciste Meir Kahana qui a encouragé la déportation des Palestiniens, et a accumulé plus de 50 accusations pour incitation au racisme.

Article original en anglais sur Jerusalem24 / Traduction MR