Qui sont les terroristes ? Comment une nouvelle génération palestinienne combat l’occupation

David Hearst, 10 octobre 2022. Des fermiers des collines du sud d’Hébron attaqués par les colons aux groupes armés du camp de Jénine confrontés à des raids nocturnes, une nouvelle vague de résistance en Cisjordanie se développe.Le village de Letwani est la fin de la route. Littéralement. Derrière lui s’étire une route de colons qui commence à Jérusalem et se termine dans les collines du sud d’Hébron.

Devant lui se trouve Masafer Yatta, une zone de 30 kilomètres carrés qu’Israël a déclarée zone de tir militaire dans les années 1980.

Les 2.500 habitants de Masafer Atta sont entraînés dans des batailles rangées quotidiennes avec les colons et les soldats.

Le matin de mon arrivée à Letwani, Asharaf Mahmoud Amour, 40 ans, regardait sereinement un tas de parpaings. C’était les restes de sa maison. Un bulldozer l’avait démolie quelques heures auparavant. À sa grande surprise, les soldats avaient laissé debout le hangar à gauche et le poulailler à droite, tous deux soumis à un ordre de démolition.

« Je vais vous dire où nous dormons ce soir – avec les poules et les chèvres” » a déclaré Amour.

« Tout ce qu’ils veulent, c’est nous faire partir. Détruire les maisons, nous empêcher d’accéder aux champs, nous terrifier tout le temps avec les soldats et les colons autour, envahir les maisons, nous arrêter. Et nous savons que ce qu’ils cherchent avec tout ça, c’est nous pousser dehors. C’est le défi que nous acceptons », a déclaré ce père de cinq enfants.

« Ils essaient de nous présenter au monde comme des terroristes. Qui sont les terroristes ? Nous essayons de rester dans nos maisons. Ce sont eux qui nous terrorisent. Je resterai ici même si je dois dormir sous une pierre ».

Asharaf Mahmoud Amour inspecte les ruines de sa maison démolie dans le village de Letwani, en Cisjordanie. (David Hearst/MEE)

Deux pancartes se trouvent à quelques mètres en amont du chemin de terre. La première est une pancarte sur laquelle on peut lire “Soutien humanitaire aux Palestiniens risquant d’être transférés de force en Cisjordanie”, avec les logos de 11 agences d’aide gouvernementales de l’Union européenne.

Cette expression du soutien international n’a guère eu de valeur dissuasive pour les colons, car au-dessus d’elle est affiché le portrait de Harum Abu Aram, âgé de 26 ans.

Aujourd’hui, Abu Aram est paralysé à l’hôpital après avoir tenté de défendre sa parcelle rocailleuse.

Un autre agriculteur, Hafez Huraini, a eu la chance de s’en sortir avec deux bras cassés.

Cinq colons masqués, armés de tuyaux métalliques et accompagnés d’un soldat qui n’était pas en service et qui tirait en l’air, ont attaqué Huraini alors qu’il travailler sur ses terres. Huraini s’est défendu avec une houe.

Sami, son fils, a déclaré : « Ils étaient cinq contre un homme de 52 ans. Quand je suis arrivé vers lui, mon père saignait de la main droite et se tenait la gauche. D’autres villageois sont arrivés derrière moi, et d’autres colons et policiers sont arrivés. »

La police a alors déclaré qu’elle allait arrêter l’homme blessé.

« Cela nous a mis très en colère. Des colons se sont placés devant l’ambulance. Nous avons mis mon père dans l’ambulance. Les colons ont commencé à crever les pneus de l’ambulance du Croissant-Rouge et elle ne pouvait plus bouger », se souvient Sami.

Hafez Huraini au tribunal.

«Les soldats sont devenus très agressifs et nous ont attaqués. Nous avons été chassés de la scène et ils ont continué après cela. Puis ils ont transféré mon père à l’intérieur d’une ambulance militaire. »

Ainsi ont commencé 10 jours de détention pour Huraini, la victime de l’attaque des colons.

Il a été transféré à la prison d’Ofer. Arrêté parce qu’il était soupçonné d’avoir causé des lésions corporelles graves au colon qui l’avait attaqué, un tribunal militaire était prêt à le condamner à plus de 12 ans de prison. Miraculeusement, le dossier du procureur s’est effondré.

Une vidéo montrant l’ensemble de l’incident a été produite au tribunal. Le juge a critiqué la police pour avoir reporté de plus d’une semaine l’interrogatoire des colons.

L’avocat de Huraini, Riham Nasra, a suggéré que cela avait été fait pour rendre les preuves inutilisables au tribunal. Il a déclaré : « Le complot ourdi contre Hafez Huraini a été démenti dès que la police et le public ont reçu une vidéo montrant son agression par des colons armés et masqués.

« Les dix jours de détention n’avaient pour but que de masquer la vérité et de préserver le faux récit créé par ses accusateurs. C’est pourquoi la police s’est abstenue d’enquêter sur ses agresseurs avec un préavis de neuf jours, contaminant ainsi l’enquête dont elle est responsable. »

Les juges militaires n’ont tout de même pas voulu être en reste. En libérant Huraini, ils lui ont ordonné de payer une caution de 10.000 shekels (2.800 dollars) et de ne pas quitter ses terres pendant 30 jours, en attendant une enquête plus approfondie sur l’incident. Les colons qui ont mené l’attaque et le soldat hors service qui a tiré six coups de feu en l’air sont libres.

Sami fait partie d’une nouvelle génération d’agriculteurs et de militants déterminés à résister aux prédations de l’État israélien d’où qu’elles viennent – colons, soldats, policiers et tribunaux.

Sami a créé un groupe appelé la Jeunesse de Sumud. On entend souvent ce mot dans le sud des collines d’Hébron. Il signifie «détermination ».

« Nous vivions dans une grotte lorsque nous avons été expulsés de notre village. Nous avons réparé notre grotte, monté des murs, l’avons reliée à l’eau de notre village. L’occupant nous a fait payer un prix élevé. J’ai eu des os cassés. La violence des colons est à un niveau élevé ». dit Sami.

Cette génération est différente : confiante, déterminée, connectée à internet et parlant couramment l’anglais.

« Israël s’attend à ce que les vieux meurent et que les jeunes s’arrêtent, mais c’est le contraire qui se produit », a déclaré Sami.

« Nous n’avons reçu aucun ordre pour commencer la lutte. Nous n’avons pas de leaders et nous n’appartenons à aucune faction. C’est nous qui décidons quand nous luttons. »

Sami est optimiste : « N’importe qui dans cette situation penserait à partir, mais nous continuons à exister, à sourire, à montrer que nous vivons, que nous n’abandonnons pas. C’est ce qui fait la particularité de notre peuple, de montrer que nous sommes étonnants. »

Jamal Juma’a, activiste politique palestinien réputé, l’est moins : « Les Israéliens sont littéralement en train de transformer la Cisjordanie en un réseau de réserves indigènes. Ils sont en train de concevoir la géographie et la démographie de la Cisjordanie pour s’assurer d’une domination et d’un contrôle durables de celle-ci. »

Les colons ont désormais la mainmise sur la topographie de la Cisjordanie. Avant Oslo, les colons devaient franchir la ligne verte vers Israël en 1948 pour trouver du travail. Aujourd’hui, ils disposent de 19 zones industrielles, et d’autres sont en cours de construction, ainsi que de zones agricoles.

Avec des noms séduisants comme Porte du Désert ou Cerisaie, ils cultivent et élèvent tout, du raisin au bétail.

Pour les agriculteurs indigènes de ces terres, la vie est très différente. Les chemins de terre sont devenus impraticables à cause des patrouilles militaires israéliennes. 

Juma’a dit : « Ce sera le retour aux grottes et aux ânes. »

Paralysie à Ramallah

Hani al-Masri est l’un des principaux journalistes et commentateurs politiques de Palestine. 

Directeur général de Masarat, le centre palestinien de recherche politique et d’études stratégiques, Masri se considérait autrefois comme un initié du Fatah et un confident du président Mahmoud Abbas.

Ce n’est plus le cas. « La dernière fois qu’il m’a vu, il s’est mis en colère avant même que j’aie pu dire un mot », a déclaré Masri.

La raison de la disgrâce de Masri est claire. Masri est maintenant l’un des critiques les plus acerbes, mais aussi les mieux informés, d’Abbas.

« Il n’y a plus de leadership à Ramallah depuis longtemps. Au début, Abou Mazen [Abbas] se vantait qu’Israël lui donnerait plus qu’à Yasser Arafat, parce qu’il [Abbas] était modéré, anti-violence. Mais en réalité, il a échoué plus qu’Arafat », a déclaré Masri.

« Sa réponse à chaque échec était ‘plus de négociation’, mais son problème est qu’Israël n’est pas intéressé par la négociation. Sans négociation, sa légitimité s’effondre, non seulement parce qu’il n’a pas de programme national mais aussi parce que toutes les sources de sa légitimité se sont taries. »

Près de trois décennies après la signature des accords d’Oslo, le président de 87 ans préside aux décombres du proto-État palestinien.

« Il n’y a pas de Fatah, pas d’OLP, pas d’élections, pas d’autorité, pas de société civile et pas de médias indépendants », a déclaré M. Masri.

Il n’est pas non plus surpris qu’Abbas ait choisi Hussein al-Sheikh comme successeur. Sheikh a été catapulté au poste clé de secrétaire général du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en mai. 

Masri a révélé pourquoi Abbas a choisi Sheikh. « On lui a demandé pourquoi il avait choisi Sheikh et il [Abbas] a répondu : ‘Parce qu’il est intelligent’. J’ai demandé au comité central de choisir et ils n’ont pas pu se mettre d’accord. J’ai donc choisi le plus intelligent d’entre eux ».

Mais, a-t-on répondu, Sheikh n’est pas populaire. « Je ne suis pas populaire », a répondu Abbas, d’après Masri.

Masri est d’accofd avec cette réflexion candide. Selon les sondages d’opinion effectués depuis plusieurs années, entre 60 et 80 % des personnes interrogées souhaitent la démission d’Abbas.

Abbas n’a pas tout à fait tort en ce qui concerne le comité central. Les poids lourds du Fatah – Nasser al-Qudwa (en exil), Jibril Rajoub, Mahmoud al-Aloul, Mohammed Dahlan (en exil) – mènent leurs propres batailles.

Le Hamas, dont le leadership en Cisjordanie a été décimé par des arrestations nocturnes, refuse de prendre part à la bataille pour la succession, tout comme les autres factions palestiniennes. Ils considèrent que cette question ne concerne que le Fatah.

Masri a déclaré : « Je leur ai conseillé de travailler ensemble. Mais ils ne le font pas. Abou Mazen est intelligent sur un point. Il sait comment les diviser. Il a dit à un membre du comité central : ‘Tu es mon successeur’. Chacun d’entre eux pense qu’il peut être celui qui le sera. Il y a une expression en arabe : ‘Quand tu n’as pas de cheval, tu dois seller un âne’. »

On ne sait pas encore si Sheikh correspond à la description de l’âne. Sheikh pense qu’il a gagné sa place au soleil, ayant lui-même fait un séjour dans une prison israélienne. D’autres sont moins convaincus.

Responsable des relations entre l’Autorité palestinienne et Israël, Sheikh a déjà gagné l’honneur douteux d’être le « porte-parole de l’occupation ». La collaboration est un autre mot de plus en plus utilisé pour décrire la coopération en matière de sécurité entre l’AP et les forces de sécurité israéliennes.

Il existe un accord non écrit entre lui et Majed Faraj, chef de la sécurité de l’AP, le seul autre responsable palestinien susceptible d’être considéré comme acceptable par Israël et à Washington.

Malgré tout son pouvoir en tant que chef du service de sécurité préventive de l’AP, Faraj n’a pas pu être élu au comité central de l’OLP.

Un sondage d’opinion réalisé en juin par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes a estimé la cote de popularité de Cheikh à trois pour cent – avec une marge d’erreur de plus ou moins trois pour cent.

Masri a déclaré : « Ils ont besoin l’un de l’autre. L’un est un canal vers Israël, l’autre un canal vers les Etats-Unis. Israël n’est pas encore prêt à mettre tous ses œufs dans le même panier ».

Pourtant, Sheikh veut être dans les bonnes grâces de Washington. Il brandit déjà le spectre de l’éclatement de l’AP et la possibilité d’affrontements entre les clans armés rivaux du Fatah comme un argument en faveur du maintien de l’AP.

« Si je devais démanteler l’Autorité palestinienne, quelle serait l’alternative ? » a déclaré Sheikh au New York Times en juillet.

« L’alternative, c’est la violence, le chaos et le bain de sang », a-t-il ajouté. « Je connais les conséquences de cette décision. Je sais que les Palestiniens en paieraient le prix. »

Mais si Oslo est mort et l’AP moribonde, il est certain que la pratique consistant à n’élire que des candidats dont la fonction première est de rendre l’occupation israélienne aussi aisée que possible est également défunte.

Mustafa Barghouti, leader et fondateur de l’Initiative nationale palestinienne, l’homme qui est arrivé deuxième derrière Abbas en 2005, le pense.

« C’est un moment très dangereux et ceux qui pensent pouvoir imposer certaines personnes aux Palestiniens devront faire très attention, car ce qui reste de légitimité et de respect disparaîtra si nous n’avons pas un processus démocratique en bonne et due forme et un consensus parmi les Palestiniens », a déclaré Barghouti.

L’AP est paralysée par trois crises : l’échec de son programme de construction de l’État, l’incapacité à présenter une stratégie alternative, la création de divisions internes et la mise à mort des élections.

Barghouti a déclaré : « En annulant les élections, ils ont tué le tout petit processus démocratique que nous avions. Et en faisant cela, ils ont éliminé le processus de participation, ils ont éliminé le droit du peuple à choisir ses dirigeants et ils ont complètement bloqué la route à la jeune génération. Comment un jeune en Palestine peut-il être influent en politique ? Comment ? »

La veille de notre rencontre avec Masri, Naplouse s’était enflammée. Des affrontements armés ont éclaté entre des manifestants – dont beaucoup appartenaient au Fatah – et les forces de sécurité de l’AP après l’arrestation d’un haut responsable du Hamas, Musab Shtayyeh, recherché par Israël.

Dans la fusillade, un Palestinien de 53 ans, Firas Yaish, a été tué et un autre grièvement blessé. 

Des hommes armés ont tiré sur le siège du district de l’AP en signe de protestation contre la politique de l’autorité. Pour calmer la ville, l’AP a déclaré qu’elle détenait Shtayyeh pour sa propre protection. Il a depuis entamé une grève de la faim et l’AP lui a refusé à deux reprises l’accès à son avocat.

« Sans le soutien d’Israël, l’AP s’effondrerait en quelques mois. Vous voyez ce qui s’est passé à Naplouse, toutes les zones de Naplouse se sont embrasées, pas seulement la vieille ville mais tous les quartiers », a déclaré Masri.

« Cela signifie que la majorité soutient les combattants qui sont contre l’AP. Si l’AP revient sur ses promesses de libérer Shtayyeh, et le traite comme une affaire nationale et non comme un criminel (1), je pense que le mouvement va grossir. »

Masri a ajouté : « Notre problème est le suivant. Nous avons besoin de changement, mais les conditions du changement ne sont pas encore propices. J’ai peur du scénario du chaos, pas du scénario du changement ».

Résistance dans le camp de Jénine

Les raids nocturnes israéliens s’intensifient à travers la Cisjordanie, comme tous les indices d’occupation sous la coalition de Naftali Bennett et Yair Lapid.

La Paix maintenant, le groupe de pression israélien qui plaide pour une solution à deux États, a comparé l’occupation sous cette coalition à celle de l’administration de Benjamin Netanyahu en termes de planification des colonies, d’appels d’offres, de mises en chantier, de nouveaux avant-postes, de démolitions, d’attaques de colons et de morts de Palestiniens.

Toutes les catégories sont en hausse. Il y a eu une augmentation de 35 % des démolitions de maisons, un bond de 62 % des mises en chantier, une augmentation de 26 % des projets d’unités de logement. La violence des colons a augmenté de 45 %.

Selon les données des Nations unies, au moins 85 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie entre le début de l’année et le 11 septembre, contre une moyenne annuelle de 41 sous le régime de Netanyahou – et ce chiffre a déjà triplé depuis un mois environ, faisant de 2022 l’année la plus meurtrière en matière de violence en Cisjordanie depuis plus de dix ans.

L’image de modéré de Lapid sur la scène internationale camoufle une vague incessante de violence d’État contre les civils palestiniens.

Beaucoup meurent dans des fusillades dont les détails exacts ne sont pas clairs et ne sont jamais examinés de manière indépendante.

Lors d’un incident récent, lundi 3, deux jeunes Palestiniens ont été abattus et un autre blessé après que les forces israéliennes ont ouvert le feu sur un véhicule près du camp de réfugiés de Jalazone, au nord de Ramallah.

L’armée israélienne a déclaré avoir « neutralisé » deux « suspects », affirmant qu’ils avaient « tenté de perpétrer une attaque à la voiture-bélier contre des soldats des FDI ». L’armée a déclaré en avoir tué deux et blessé un troisième. 

Les morts ont été identifiés, il s’agit de Basel Basbous et Khaled al-Dabbas, tous deux du camp de Jalazone. Mais le comité des prisonniers de l’AP a déclaré avoir visité un hôpital à Jérusalem où il a vu Basel Basbous qui était blessé et recevait des soins.

Les autorités israéliennes ont depuis longtemps cessé de confirmer qui est mort, qui est vivant, et encore moins de rendre les corps des morts à leurs familles pour qu’elles les enterrent.

Yehia Zubaidi a appris par les médias israéliens que son frère Daoud avait succombé à ses blessures à l’hôpital de Haïfa. Mais l’hôpital a refusé de rendre le corps.

Zubaidi a combattu lors de la deuxième Intifada, qui a débuté en 2000, et a passé 16 ans en prison entre 2002 et 2018. Son frère Zakaria était l’un des six prisonniers qui se sont échappés de la prison de Gilboa en septembre 2021, tous repris par la suite.

Yehia Zubaidi a passé 16 ans en prison en Israël après avoir combattu dans la deuxième Intifada (MEE)

Zubaidi a déclaré : « Mes années en prison ne m’ont pas changé, mais je comprends bien mon ennemi. La prison ne nous a jamais arrêtés. J’ai appelé mon fils Osama, qui était le nom d’un de mes amis qui a été assassiné. Un autre garçon s’appelle Mohammed, et le troisième Daoud, comme mon frère. »

La résistance se transmet en effet d’une génération à l’autre.

Shtayyeh, l’homme du Hamas arrêté à Naplouse, était proche d’Ibrahim Nabulsi, un membre éminent de la branche armée du Fatah, les Brigades des martyrs al-Aqsa, qui a été abattu par les forces israéliennes en août.

Nabulsi, qui n’était encore qu’à la fin de son adolescence, était le fils d’un haut responsable des services de renseignement de l’Autorité palestinienne.

Le père de Nabulsi, l’officier de renseignement, a déclaré : « C’est Ibrahim qui les chassait [les soldats israéliens], et non l’inverse. Chaque fois qu’il entendait parler d’un raid de l’armée israélienne, il était le premier à sortir et à les affronter. C’était son destin. Nous louons Dieu ».

Le fils de 18 ans a laissé une note indiquant qu’il voulait que son corps soit recouvert du drapeau palestinien, plutôt que du drapeau de sa faction.

Barghouti a déclaré : « C’est en soi une indication très importante d’une nouvelle conscience qui se développe parmi les jeunes Palestiniens ».

Lubna al-Amouri a transformé sa maison en un sanctuaire pour son fils défunt Jamil, un jeune commandant du Jihad islamique dans le camp, qui a été pris au piège dans une embuscade alors qu’il se rendait au mariage d’un ami il y a un an.

Lorsqu’il a tenté de s’échapper, il a reçu une balle dans le dos. Deux agents de sécurité palestiniens ont été tués dans la fusillade. Elle éprouve de la fierté pour son fils, qui a été salué comme un héros local, et le chagrin d’une mère.

« À l’école, Jamil aspirait à faire partie de la résistance, mais je ne l’ai pas laissé faire. Je lui ai acheté une voiture et l’ai fait travailler. Je voulais qu’il devienne chauffeur de taxi, mais il a vendu la voiture pour acheter une arme, et a commencé tout seul, sans groupe derrière lui. Il n’avait pas fait le jihad pendant six mois avant d’être tué », dit-elle. 

Les larmes coulent des yeux d’Amouri pendant qu’elle parle.

« C’était un bon garçon. Il donnait l’argent ou la nourriture qu’il avait aux familles les plus pauvres. Il était furieux des événements de Jérusalem, de la prise d’Al-Aqsa. Il a vu ce qui se passait en Cisjordanie et il n’a pas pu s’empêcher de s’impliquer.

« Nous ne nous reposons jamais dans le camp. Nous sommes toujours en train de veiller les uns sur les autres. Personne dans le camp ne pense à l’avenir. J’ai deux autres garçons et ils ont vu ce qui est arrivé à leur frère, j’ai peur pour eux. Quand on entend des coups de feu, tout le monde sort », dit Amouri.

Je demande à Zubaidi s’il pense qu’il verra la fin de l’occupation de son vivant.

« Oui », répond-il sans hésiter.

« L’occupation se délite. D’année en année, ils échouent. Nous sommes des combattants vertueux. Ils essaient de changer le pays parce qu’ils comprennent que nous avons des droits sur cette terre et qu’elle nous appartient. »

Zubaidi montre les bâtiments du camp de Jénine qui sont peints en jaune. Ils ont été reconstruits à partir des ruines laissées par la bataille de Jénine en 2002, au cours de laquelle les forces israéliennes ont traversé le camp au bulldozer. Entre 52 et 54 Palestiniens, et 23 soldats israéliens ont été tués dans les combats.

Pendant que nous parlons, nous sommes rejoints par un homme nommé Mohamed qui se décrit comme un survivant de la bataille.

Mohamed était alors un garçon et il était à la maison ce jour-là avec sa mère et son père. Sa mère cuisait du pain pour les combattants dans les rues à l’extérieur, se souvient-il. Il se souvient d’une explosion, puis d’un « brouillard » dans la pièce. Sa mère était affalée sur le pain, en sang. Elle a perdu et recouvré connaissance plusieurs fois.

Mohamed raconte : « Je me suis endormi à côté d’elle. Nous avons appelé l’ambulance mais les Israéliens les ont empêchés de passer. Le matin, je me suis réveillé et j’ai trouvé mon père en train de mettre un voile sur ma mère. Il m’a dit : “Elle dort et maintenant tu es avec moi”. »

Mohammed a donné à sa fille le nom de sa mère, Maryam.

Le camp de Jénine est libre à la fois de l’AP, qui n’ose pas y entrer, et de l’occupation israélienne. Il n’y a pas de colonies autour de Jénine, donc toutes les factions palestiniennes armées ont le pouvoir.

Abu Ayman, un pseudonyme, est le commandant du Jihad islamique dans le camp.

Il a déclaré : « Toutes les factions de Jénine sont les mêmes. Aucun d’entre nous n’accepte ce que fait Abbas, mais nous n’accepterons pas non plus un homme comme Sheikh. Nous ne reconnaissons pas les élections, ni le parlement. »

« Nous sommes unis. Si nous sommes confrontés à un problème, nous ne demandons pas à l’AP de venir nous aider. Nous avons tout ce dont nous avons besoin, même de l’argent.

« À l’intérieur du camp, nous nous respectons les uns les autres, même les différents partis. Les gens ne peuvent pas vivre comme ça [sous l’occupation] pour toujours. La résistance restera. Nous vivons en liberté ici. C’est le sentiment que tout le monde veut en Palestine. »

Sauf que le camp de Jénine paie un prix élevé pour sa liberté relative. Chaque mois, il y a des raids sanglants. Quelques jours après notre rencontre, Abu Ayman a échappé de justesse à une embuscade des forces de sécurité israéliennes dans une petite forêt près du camp.

« Je suis maintenant sur la liste des personnes les plus recherchées par Israël », a-t-il déclaré.

Zubaidi dit : « Croire en notre dignité, c’est comme croire en Dieu. De quoi ai-je besoin dans la vie ? Je veux que mon fils se sente en sécurité. Qu’attendez-vous de ce peuple ? Nous sommes confrontés à l’oppression et ils veulent que nous restions tranquillement dans nos maisons. Vous vous attendez à quoi ? »

(1) L’AP accuse Shtayyeh de détention d’armes (ndt).

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR

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