Israël révoque les licences permanentes de six écoles palestiniennes à Jérusalem

Aseel Jundi, 29 juillet 2022. Les autorités israéliennes ont résilié jeudi les licences permanentes précédemment accordées à six écoles palestiniennes de Jérusalem-Est occupée, au motif que leurs manuels scolaires « incitent à la haine de l’État d’Israël et de l’armée israélienne ».

Collège Ibrahimieh, à Jérusalem occupée.

La décision, annoncée par le ministre israélien de l’Education, Shasha Biton, a déclaré que les écoles visées se verraient accorder des licences temporaires qui leur permettraient de continuer à fonctionner pendant un an, à condition que le nécessaire soit fait pour modifier les programmes scolaires.

Commentant ces mesures sans précédent, la directrice du service des affaires de Jérusalem au ministère palestinien de l’Education, Dima al-Samman, a déclaré qu’elles s’inscrivaient dans le cadre d’une campagne visant à contraindre les étudiants palestiniens de Jérusalem à s’installer dans des écoles qui enseignent le programme israélien, dont beaucoup ont été construites par le gouvernement israélien ces dernières années.

Elle a déclaré qu’elle n’était pas surprise par cette initiative, car les tentatives d’isoler l’éducation à Jérusalem « battent leur plein » depuis l’occupation israélienne de la ville en 1967.

« Le danger du programme scolaire israélien ou ‘palestinien déformé’ réside dans sa falsification de l’histoire », a-t-elle déclaré à Middle East Eye. « Il tente d’éliminer la conscience nationale des enfants de Jérusalem et de créer en eux un sentiment d’infériorité. »

Les écoles concernées sont la section secondaire du collège Ibrahimieh dans le quartier d’Al-Sawwana à Jérusalem, qui compte 288 élèves, garçons et filles, et cinq branches du cycle primaire des écoles Al-Eman, qui comptent au total 1.755 garçons et filles.

Le ministère de l’Education a affirmé avoir saisi dans les écoles susmentionnées des livres dont le contenu « glorifiait les prisonniers et leur lutte armée contre l’État d’Israël », accusait Israël d’être responsable de la crise de l’eau dans les zones gérées par l’Autorité palestinienne et contenait « des allégations graves sur les meurtres, les déportations et les massacres militaires ».

M. Samman a souligné que 35 % des étudiants de Jérusalem reçoivent leur éducation dans des écoles privées de Jérusalem, qui ont été récemment visées par cette mesure.

Ce n’est qu’un début

Afin d’empêcher la « migration forcée » de l’enseignement palestinien vers l’enseignement israélien, Mme Samman a souligné que son ministère travaille en collaboration avec le syndicat des parents d’élèves de Jérusalem pour informer la communauté des inconvénients de l’inscription de leurs enfants dans des écoles qui appliquent le programme israélien, et de leurs conséquences sur leur identité nationale, leur avenir et leur conscience historique.

Le responsable du syndicat, Ziad al-Shamali, a déclaré à MEE que 42 % des écoles de Jérusalem seront soumises à cette mesure arbitraire, une condition imposée en raison du financement que ces écoles reçoivent du ministère israélien de l’Éducation et de la municipalité. 

Parmi ces conditions figure l’application de la version censurée du programme scolaire palestinien, qui supprime certains contenus avant sa distribution aux élèves.

Le contenu censuré, selon Shamali, comprend le logo de l’Autorité palestinienne, le drapeau palestinien, les leçons qui traitent de la lutte palestinienne contre l’occupation, de l’adhésion à la terre, du droit au retour et des prisonniers, des colonies, de l’immigration des colons en Palestine, des postes de contrôle militaires, de l’Intifada, des villages déplacés et de la considération du sionisme comme un mouvement politique raciste.

Shamali a déclaré que la restriction des licences de ces six écoles n’est qu’un prélude à l’application des mêmes mesures au reste des écoles palestiniennes de Jérusalem.

Il y a environ un mois, le ministère de l’Education a convoqué les directeurs des six écoles et a écouté leurs déclarations concernant le programme scolaire, selon l’un des directeurs de ces écoles, qui a parlé à MEE sous couvert d’anonymat.

Le directeur a déclaré que les écoles n’avaient pas été officiellement informées de la décision du ministère et qu’elles en avaient entendu parler par les médias.

Les six écoles sont toutes privées. Il existe quatre autres catégories d’écoles à Jérusalem : les écoles gérées par des dotations, la municipalité, l’UNRWA (l’agence humanitaire des Nations unies) et les entrepreneurs privés.

Les écoles privées sont administrativement affiliées à des églises, des organisations caritatives et des particuliers, et enseignent le programme palestinien original.

Les écoles des dotations, au nombre de 52, sont administrativement affiliées à l’Autorité palestinienne et fonctionnent sous l’égide des dotations jordaniennes. Elles enseignent également le programme palestinien authentique.

Il y a six écoles UNRWA à Jérusalem et elles sont affiliées à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés. Elles comptent environ 1.800 élèves et enseignent également le programme palestinien authentique.

Les écoles municipales sont celles gérées par le gouvernement israélien. Leur programme est soit une version modifiée du programme palestinien, soit un programme israélien.

La cinquième catégorie est appelée « écoles des entrepreneurs ». Elles sont gérées par des particuliers pour le compte du ministère israélien de l’Education.

Il y a environ 98.428 étudiants jérusalémites dans les cycles primaire, préparatoire et secondaire, selon les statistiques publiées en juillet par la Fondation Faisal Husseini.

Environ 45.500 d’entre eux vont dans 146 écoles affiliées à l’enseignement palestinien (dotations, écoles privées, écoles de l’UNRWA), tandis que le reste va dans des écoles affiliées à l’administration du ministère israélien de l’Education.

Le ministère cherche à contrôler le système scolaire à Jérusalem, et l’un des mécanismes pour atteindre cet objectif est d’augmenter le nombre de salles de classe dans les écoles existantes et de construire de nouvelles écoles pour attirer plus d’étudiants.

Dans ce contexte, le gouvernement israélien a ouvert 32 nouvelles écoles entre 2014 et 2020 à Jérusalem-Est, selon les données de la municipalité.

Plan quinquennal

L’attaque contre l’enseignement s’est intensifiée avec l’annonce de la mise en œuvre d’un plan quinquennal dans la ville de Jérusalem, qui s’étend d’octobre 2018 à octobre 2023.

Ce plan, intitulé « plan quinquennal : Réduction des écarts sociaux et économiques et développement économique à Jérusalem-Est, 2018-2023 », est doté d’un budget estimé à 657 millions de dollars.

Il couvre six secteurs : l’éducation et l’enseignement supérieur, l’économie et le commerce, l’emploi et le bien-être, les transports, l’amélioration de la qualité de vie et des services fournis à la population, et la planification et l’enregistrement des terres.

La plus grande part du budget du plan a été allouée à l’éducation, soit 445 millions de shekels (127 millions de dollars).

Sur ce montant, environ 59 millions de dollars sont destinés à encourager la participation à l’enseignement israélien en augmentant le nombre d’élèves étudiant le programme israélien à Jérusalem-Est.

L’article 50 de la Quatrième Convention de Genève et l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme garantissent le droit des peuples sous occupation à recevoir une éducation conforme à leurs croyances et à protéger leur culture et leur patrimoine contre tout changement ou déformation.

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR

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