Israël craint un scénario cauchemardesque au fur et à mesure que la crise avec la Russie s’aggrave

Adnan Abu Amer, 27 juillet 2022. Israël est convaincu que la menace de Moscou de fermer l’Agence juive en Russie est une mesure de représailles pour les positions de l’État sioniste sur la guerre en Ukraine. En fait, Israël craint désormais que la crise avec la Russie ne s’aggrave encore, ce qui a incité les responsables des ministères des Affaires étrangères et de la Justice, ainsi que le Conseil de sécurité nationale, à tenir des discussions urgentes pour évaluer la situation.Le sentiment est qu’Israël manque de temps pour gérer la crise avec la Russie, car les Juifs russes dans l’État d’occupation maintiennent des liens étroits avec leur patrie. Les diplomates israéliens s’efforcent de garantir la poursuite des activités et des services « vitaux » fournis par l’Agence juive.

En fermant les bureaux de l’agence, la Russie a porté un coup sévère à la migration juive du pays vers Israël, d’où l’inquiétude de l’État d’occupation. La tension entre Moscou et Tel Aviv est aujourd’hui encore plus forte.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le Premier ministre israélien par intérim et ancien ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, a adopté une ligne dure contre les Russes. Il a été le premier à se joindre à l’Occident pour condamner fermement le président Vladimir Poutine et accuser Moscou de « crimes de guerre ». Il a également été à l’origine de la décision d’Israël de soutenir la condamnation de la Russie à l’ONU. Il n’a pas parlé à Poutine depuis qu’il a pris ses fonctions de premier ministre, et le dirigeant russe ne l’a pas appelé pour le féliciter de son nouveau rôle. Cela suggère que la fermeture de l’Agence juive par la Russie est purement politique, un acte de vengeance, bien qu’il soit allégué que l’agence a enfreint la loi russe.

Les immigrants juifs de Russie en Israël sont de plus en plus nombreux, 19.168 personnes ont fait le déplacement depuis le début de l’année. Sur l’ensemble de l’année 2021, seuls 7.824 juifs ont fait leur « aliyah ». Les chiffres montrent que, depuis le début de l’année, 48 % de tous les juifs qui émigrent en Israël viennent de Russie.

La position d’Israël sur la guerre en Ukraine n’est pas la seule raison de la crise avec la Russie. Une autre raison dont on parle en Israël est l’agression continue de l’État d’occupation en Syrie, en particulier la récente attaque qui a entraîné la fermeture de l’aéroport international de Damas et l’attaque du port de Tartous, où se trouve une base navale russe.

Une troisième raison est liée à la demande russe de propriété de la Mission Saint-Alexandre dans la vieille ville de Jérusalem occupée, qui a été bloquée par un tribunal israélien. Poutine a envoyé un message personnel à l’ancien Premier ministre Naftali Bennett à ce sujet, mais rien ne s’est produit, et les choses en sont arrivées au point où le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a parlé des prétendues « racines juives » d’Adolf Hitler.

Il est compréhensible de s’étonner des relations entre Israël et la Russie en ce moment. Elles ont autrefois connu une ère d’intérêts mutuels et d’harmonie qui a conduit à une grande réussite pour les capitalistes juifs de Moscou, où certains occupaient des postes influents au Kremlin et d’autres étaient propriétaires de grands médias. Cela a également conduit à la plus grande migration de Juifs russes, près d’un million de personnes, vers Israël entre 1990 et 2006. C’est la plus grande migration de ce type depuis le bouleversement de l’occupation de la Palestine en 1948.

Les dirigeants israéliens effectuent régulièrement des visites officielles à Moscou. De tous les dirigeants mondiaux, l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu a visité le Kremlin plus que tout autre entre 2016 et 2020. En outre, l’environnement régional stratégique a vu Israël stimuler son désir de jeter des ponts avec la Russie, le Moyen-Orient étant devenu une arène très compétitive.

Les cercles décisionnels de Tel-Aviv ont intensifié leur communication avec leurs homologues de Moscou, après avoir pris conscience de l’affaiblissement de la position américaine dans la région, notamment depuis l’entrée en fonction du président Joe Biden et le retrait américain d’Afghanistan et d’Irak. Les responsables israéliens ont peu à peu compris que Washington laissait derrière lui un grand vide.

Rien de tout cela n’a empêché Israël de suivre l’Occident dans sa position sur l’Ukraine, conformément à la position internationale et au retour d’une atmosphère de guerre froide. Israël a essayé de s’attirer les faveurs des deux parties en guerre, comme il le fait habituellement, mais il n’a pas réussi cette fois-ci. D’où la détérioration des relations avec Moscou. Plus la guerre se prolonge, plus le prix qu’Israël devra payer sera élevé.

Les Israéliens sont généralement d’accord pour dire qu’ils ne veulent pas que la tension actuelle avec Moscou devienne irréversible au point que la Russie interdise aux avions de l’armée de l’air israélienne d’utiliser l’espace aérien syrien ; ce serait un scénario cauchemardesque pour Tel Aviv. À l’heure où nous écrivons ces lignes, Israël n’a pas d’idée précise de sa réaction si les choses en arrivent à ce stade, mais cela le pousserait dans ses retranchements et limiterait les options sur son front nord.

De nombreux Israéliens pensent qu’il faudra un miracle pour que la Russie revienne sur sa décision de fermer l’Agence juive. Moscou semble se diriger vers la fin de la migration juive depuis la Russie, et des ordres émanant des plus hauts niveaux ont été émis à cet égard. Il ne s’agit pas d’un caprice, mais d’une initiative sérieuse qui découle de la vision du Kremlin en matière de leadership mondial.

D’où l’inquiétude des Israéliens qui craignent que les choses ne s’arrêtent pas à la fermeture de l’Agence juive. D’autres institutions juives qui diffusent des informations sur Israël et enseignent la langue hébraïque pourraient également être fermées. Poutine semble avoir décidé d’intensifier la crise avec Israël, et les efforts et les réalisations de l’État d’occupation au cours des trente dernières années pourraient bien être réduits à néant en conséquence.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR

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