Abdelhamid Sid Ali, un militant historique du mouvement nationaliste algérien

Youssef Girard, 10 mars 2022. Militant nationaliste algérien historique, Abdelhamid Sid Ali a quitté ce monde le 6 mars 2022 au terme d’une vie exceptionnellement longue puisqu’il était plus que centenaire.

Abdelhamid Sid Ali est né le 26 décembre 1921 à Alger. Il passa son enfance dans le quartier de la Casbah d’Alger et fut scolarisé à l’école française jusqu’en 1935 date de l’obtention de son Certificat d’études primaires (CEP) qui était un diplôme relativement important dans une Algérie où la grande majorité de la population avait été condamnée à l’analphabétisme par la colonisation. Dans sa jeunesse, Abdelhamid Sid Ali pratiqua le basket-ball et la gymnastique, ce qui l’amena à voyager au Maroc dans le cadre de compétitions sportives.

Parallèlement, le jeune algérois fréquenta la medersa Chabiba les jeudis et les dimanches entre 1931 et 1935. La medersa était tenue par le cheikh Mohamed Laïd al-Khalifa qui était membre-fondateur de l’Association des ouléma musulmans algériens depuis sa création en 1931. Homme de lettres et poète arabe, le cheikh Mohamed Laïd al-Khalifa transmettait au travers de son enseignement de l’arabe et de l’islam un patriotisme culturel arabo-musulman dont s’abreuva le nationalisme révolutionnaire algérien.

Ayant terminé sa scolarité, en avril 1937, Abdelhamid Sid Ali entra à la Poste comme facteur distributeur de télégrammes. Durant cette période, afin d’acquérir des connaissances plus profondes et par curiosité intellectuelle, Abdelhamid Sid Ali fréquentait régulièrement la bibliothèque nationale d’Alger1. Il lut notamment La civilisation des Arabes de Gustave Le Bon comme de nombreux jeunes militants nationalistes.

Son emploi de facteur distributeur de télégrammes, le mit en contact avec le mouvement nationaliste révolutionnaire car il apportait des télégrammes au local du Parti du peuple algérien (PPA) rue de la Marine à Alger. Ainsi, entre 1937 et 1939, date d’interdiction du PPA, Abdelhamid Sid Ali eut l’occasion d’assister à des réunions du PPA, ce qui fut une première prise de contact avec l’organisation nationaliste.

Habitant la Casbah d’Alger, Abdelhamid Sid Ali s’engagea dans les rangs du Comité d’action révolutionnaire nord-africain (CARNA) en 1940. Le CARNA était un groupe de jeunes militants nationalistes révolutionnaires implanté dans la Casbah qui était dirigé par Mohamed Taleb. Le groupe avait été exclu du PPA car il ne partageait pas les orientations stratégiques de Messali Hadj. Parallèlement, en 1941, Abdelhamid Sid Ali fut un membre-fondateur de la medersa Er-Rachad qui devint un « vivier de militants »2.

Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord le 8 novembre 1942, les militants nationalistes révolutionnaires organisèrent une mobilisation pour inciter les jeunes algériens à ne pas s’engager dans l’armée française. Pour eux, il n’était pas concevable de s’engager pour la libération de la puissance coloniale qui occupait l’Algérie par le fer et par le feu depuis 1830. Dans ce cadre, recherché par la gendarmerie depuis fin 1942, Abdelhamid Sid Ali dut démissionner de son poste de facteur en avril 1943 afin de ne pas être enrôlé dans l’armée de la puissance coloniale.

Suite au débarquement des Alliés, Abdelhamid Sid Ali participa à la réunion à la medersa Er-Rachad qui déboucha sur la création de l’Organisation politique qui s’activait en marge du PPA. Dirigée par Mohamed Taleb, l’Organisation était formée par un groupe de militants de la Casbah issu du CARNA.

Militant dans la clandestinité, à partir de février 1944, Abdelhamid Sid Ali participa à l’impression et à la diffusion de L’Action Algérienne, journal édité par l’Organisation. Le journal était tiré chaque mois à 5 000 exemplaires. Il fut distribué jusqu’en avril 1945. En octobre 1944, à la suite de la découverte de documents se rapportant à L’Action Algérienne, Abdelhamid Sid Ali fut recherché par la police judiciaire et la PRG jusqu’en mars 1946, date de l’amnistie des militants politiques algériens prononcée par le gouvernement français.

Durant cette période, les militants du groupe de la Casbah furent réintégrés au sein du PPA qui était alors clandestin depuis son interdiction en 1939. Ainsi, Abdelhamid Sid Ali incorpora officiellement les rangs du PPA dont il partageait déjà les orientations fondamentales depuis plusieurs années. Au sein du PPA, il assuma rapidement des responsabilités. En 1946, il fut désigné responsable du Grand-Alger. Puis, il fut désigné membre du Bureau Politique et trésorier général du PPA-MTLD à partir de novembre 1947. Il devint membre du Comité Central lors du Congrès de Zeddine en décembre 1948. En 1950, Abdelhamid Sid Ali devint responsable de l’organisation politique. Il occupa cette fonction jusqu’en avril 1953. Parallèlement, il fut adjoint au maire d’Alger du 4 avril 1953 à la date de son arrestation, le 22 décembre 1955.

Abdelhamid Sid Ali fut arrêté le 8 avril 1950 dans le cadre du démantèlement de l’Organisation Spéciale (OS) par la police coloniale3. S’il n’était pas membre de l’OS, il resta en prison jusqu’en octobre 1950.

Dans le conflit opposant Messali Hadj au Comité Central, Abdelhamid Sid Ali prit activement position en faveur de ce dernier. Après le Congrès de 1953, il fut chargé des organisations de masse du Parti. En mars 1954, il participa à la fondation du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) lors d’une réunion tenue à la medersa Er-Rachad. Le CRUA réunissait d’anciens membres de l’OS et des membres du Comité Central dans le but de préparer l’insurrection armée contre la domination coloniale française. Dans ce cadre, Abdelhamid Sid Ali participa à l’impression et à la distribution du bulletin clandestin du CRUA nommé Le Patriote4.

Suite au déclenchement de la Révolution algérienne, le 1ier novembre 1954, Sid Ali Abdelhamid fut arrêté le 22 décembre 1954. Il resta en prison jusqu’au 15 avril 1955. Après sa libération, il intégra les rangs du Front de libération nationale (FLN) comme les anciens centralistes. Au sein du FLN, il fut chargé par Benyoucef Ben Khedda de trouver des refuges et des armes pour le compte de la Révolution algérienne.

Abdelhamid Sid Ali fut arrêté une nouvelle fois le 24 mai 1956. Il demeura en prison jusqu’au 26 octobre 1960. Durant cette période, il connut les camps de Berrouaghia, Saint Leu, Bossuet, Arcole, Douéra et Paul Cazelles.

Après sa libération, son appartement de Diar-el-Mahçoul fut plastifié en avril 1962. Finalement, Abdelhamid Sid Ali se retira de la vie politique après l’accession à l’indépendance en 1962 pour se consacrer à ses activités professionnelles.

Suite à l’avènement du multipartisme en 1988, Abdelhamid Sid Ali participa à la fondation d’El Oumma, dirigé par Benyoucef Ben Khedda, qui réunissait d’anciens cadres du mouvement national algérien. El Oumma se fixait comme objectif de mettre en œuvre la Proclamation du 1er novembre 1954, c’est-à-dire d’établir un « État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». El Oumma finit par s’auto-dissoudre pour protester contre la loi interdisant aux partis politiques de faire référence à l’islam.

A la fin de sa vie, Abdelhamid Sid Ali consacra une partie de son activité à transmettre l’histoire du mouvement national au travers de l’Association historique et culturelle du 11 décembre 1960 dont il fut un animateur.

Sur un plan purement personnel, Abdelhamid Sid Ali m’a beaucoup aidé à réaliser ma thèse de doctorat sur le PPA-MTLD. Il m’a accueilli avec hospitalité et bienveillance. Il m’a accordé des entretiens durant lesquels il me fit part de ses nombreux souvenirs. Plus que cela, il appelait personnellement d’autres anciens militants pour me recommander auprès d’eux. Je garde en mémoire son français très littéraire, sa bonhommie et une vivacité d’esprit remarquable malgré son âge déjà avancé.

Youssef Girard

1 Cf. Youssef Girard, Études sur l’Islam et le nationalisme en Algérie, Alger, Ed. Alem El Afkar, 2021, pages 175-176

2 Témoignage d’Abdelhamid Sid Ali.

3 L’OS était l’organisation paramilitaire du PPA en charge de préparer l’insurrection armée.

4 Cf. Youssef Girard, Études sur l’Islam et le nationalisme en Algérie, op. cit., pages 254-272