Partager la publication "Tuer les leaders de la résistance ne tuera pas la volonté ou le droit de résister à l’occupation israélienne"
Omar Ahmed, 9 mai 2022. À la suite de l’attaque à la hache et au couteau perpétrée jeudi dans la colonie israélienne illégale d’Elad, qui a tué trois colons, les services de sécurité et les médias israéliens ont lancé des appels en faveur d’un retour aux assassinats ciblés de chefs de la résistance palestinienne. Des avertissements en ce sens auraient été transmis au chef de l’aile politique du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar.
La branche armée du mouvement de résistance a revendiqué, fait rare, une attaque perpétrée le 29 avril dans la colonie illégale d’Ariel, en Cisjordanie. Il s’agissait, dit le communiqué, d’une réponse à l’intensification des « agressions israéliennes contre la mosquée d’Al-Aqsa », notamment pendant le mois sacré islamique du ramadan et la fête juive de la Pâque en avril.
À la fin du mois dernier, dans son premier discours depuis près d’un an, Sinwar a mis en garde contre de nouvelles opérations si les colons et les forces de sécurité israéliennes continuaient à violer le Noble Sanctuaire d’Al-Aqsa. Il a appelé les Palestiniens à utiliser tout ce qu’ils ont à leur disposition dans leur résistance à l’occupation : « Que tous ceux qui ont un fusil le préparent. Et si vous n’avez pas de fusil, préparez votre couperet, votre hache ou votre couteau ».
Ces commentaires ont été interprétés comme ayant au moins inspiré les attaques d’Elad, qui sont tombées le jour du 74e anniversaire de la Nakba et du ‘jour de l’indépendance’ d’Israël. Bien que l’un des suspects, qui a été arrêté depuis (les deux résistants, photos ci-dessous, ont été arrêtés, ndt) soit soupçonné d’être un membre du Jihad islamique palestinien (JIP) à Jénine, le mouvement n’a pas revendiqué officiellement sa responsabilité, pas plus qu’aucun autre groupe au moment de la rédaction du présent rapport.
L’assassinat ciblé du chef du Hamas semble bénéficier d’un soutien populaire au sein de la classe politique israélienne, aussi bien à droite qu’à gauche dans cet État de plus en plus extrémiste.
« Sinwar est un homme mort et il doit être assassiné immédiatement », a déclaré Yoav Gallant, MK du Likoud, au journal télévisé israélien Channel 13. « Si cela ne tenait qu’à moi, il serait mort demain. Assassinez-le, quelles qu’en soient les conséquences. »
Selon l’analyste de Ynet Ron Ben Yishai, « Sinwar veut déclencher une guerre de religion, il est temps de le sortir de la scène. »
Le journaliste politique Attila Somfalvi a fait remarquer sur Twitter : « Sinwar doit être visé très bientôt, c’est clair. Mais il est déprimant de penser qu’il aurait pu finir sa vie dans une prison israélienne. »
D’autres observateurs, cependant, reconnaissent que l’assassinat de Sinwar ne sera pas une solution miracle pour mettre fin aux problèmes de sécurité d’Israël ; il ne ferait qu’étancher la soif de vengeance de l’opinion publique.
Dans le Jerusalem Post d’hier, Herb Keinon a averti que les factions de la résistance palestinienne doivent être prises au sérieux dans leur intention déclarée de lancer des roquettes contre Tel Aviv et, selon des sources d’Al-Mayadeen, d’un éventuel retour aux « opérations explosives » – attentats-suicides – dans les villes israéliennes.
« Les lâches menaces de l’occupation israélienne concernant l’assassinat éventuel de Yahya Sinwar ou de tout autre dirigeant de la résistance sont le signe d’un séisme dans la région et d’une réponse sans précédent », a déclaré samedi le porte-parole de l’aile militaire du Hamas, les Brigades Al-Qassam. « Nous allons provoquer un nouveau chapitre catastrophique dans l’histoire du régime sioniste ».
Cela pourrait impliquer une utilisation de plus en plus sophistiquée des drones par les factions de la résistance. Le PIJ a annoncé les détails d’un nouveau drone lors de la Journée internationale de Quds de cette année, le « Jenin« , de fabrication locale.
Israël a l’habitude de tuer ses opposants, en Palestine occupée et à l’étranger. Les assassinats sont devenus courants après le déclenchement de la deuxième Intifada en 2000 et ont été sanctionnés par la Cour suprême israélienne à la suite de l’arrêt de 2006 dans l’affaire des assassinats ciblés, qui a annulé une décision de 2002 qui avait initialement jugé cette politique « non justiciable ».
Toutefois, si Israël a les moyens de tuer les chefs de la résistance palestinienne, il n’en a peut-être pas la volonté politique. Il sait que de tels assassinats ont un effet limité sur la fin de la violence politique. L’assassinat en 2004 du fondateur et chef spirituel du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, alors qu’il quittait une mosquée locale dans son fauteuil roulant, par exemple, n’a certainement pas mis fin aux préoccupations d’Israël en matière de sécurité.
Au Liban voisin, l’assassinat par Israël du secrétaire général du Hezbollah, Sayyid Abbas Al-Musawi, a été contre-productif, car son protégé « plus charismatique et plus compétent », Sayyid Hassan Nasrallah, lui a succédé. Les répercussions ont été ressenties au-delà d’Israël avec l’attaque de l’ambassade d’Israël en Argentine en 1992, tandis que le mouvement sous la direction de Nasrallah est devenu plus puissant que jamais ; il est connu comme l’acteur non étatique le plus lourdement armé au monde, et reste donc une menace sérieuse pour Israël.
Au cours des deux derniers mois, 19 Israéliens sont morts dans des opérations de faible envergure menées par des Palestiniens, dont certains citoyens d’Israël. L’incapacité de l’État à dissuader et à prévenir ces attaques a expliqué le désespoir et la frustration ressentis par Tel Aviv dans la gestion de cette question de sécurité. Rien d’autre n’explique que l’on envisage sérieusement de revenir à la politique d’assassinat tout en ignorant les fréquentes exécutions extrajudiciaires de Palestiniens par les colons et les forces de sécurité israéliennes, ainsi que l’agression et la provocation contre la mosquée Al-Aqsa ces dernières semaines.
Israël doit se préparer à une réponse armée sans précédent à tout assassinat ciblé de dirigeants palestiniens. Une telle réponse ne se limitera pas à la bande de Gaza ou à certaines parties de la Cisjordanie occupée.
« Sinwar n’est pas le pire des ennemis », a fait remarquer Gideon Levy dans Haaretz. « Son successeur sera pire. Sinwar ne sera pas non plus le premier Yahya du Hamas qu’Israël élimine en vain. L’élimination de Yahya Ayyash, son prédécesseur, n’a rien donné à Israël si ce n’est une vague d’attentats-suicides dans laquelle 60 Israéliens ont été tués. »
Les assassinats ciblés peuvent offrir un résultat tactique à court terme, mais ne résoudront pas les défis sécuritaires évolutifs d’Israël, qui doivent être contextualisés face à l’expansion continue des colonies illégales et à l’occupation. Israël sait que tuer les leaders de la résistance ne tuera pas la volonté ou le droit légitime de résister à son occupation militaire.
Article original en anglais sur MEMO / Traduction MR
Vidéo « Le commandant régional du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, fait une apparition publique en défiant les menaces des politiciens et des responsables gouvernementaux israéliens qui appellent à son assassinat par des avions de guerre. »
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