Hamas, démocratie et droit à la résistance : plaidoyer pour l’autodétermination palestinienne

Ranjan Solomon, 15 octobre 2025. Dans les débats sur la Palestine, un refrain occidental récurrent est que le « terrorisme » et la « violence militante » disqualifient automatiquement tout acteur de toute légitimité. Une telle position est intellectuellement malhonnête et juridiquement infondée. Elle efface les principes fondamentaux du droit international, de la souveraineté et de la démocratie, qui s’appliquent de manière égale à tous les peuples. Le cas du Hamas, sous cet angle, n’est pas une aberration, mais le reflet du droit des Palestiniens à résister à l’occupation et à revendiquer leur autodétermination. Aucune puissance étrangère n’a le droit moral ou légal d’opposer son veto à la volonté des Palestiniens, et encore moins ceux dont les gouvernements ont soutenu et armé l’occupation même qui nécessite la résistance.

Au cœur de la revendication palestinienne se trouve le principe d’autodétermination. Français L’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels affirme que « tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes », leur permettant de déterminer librement leur statut politique et de poursuivre leur développement. Il ne s’agit pas d’un privilège conféré par l’Occident, mais d’un droit reconnu par les Nations Unies comme une pierre angulaire de l’ordre international. La résolution 3236 de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1974 a formellement reconnu le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, à l’indépendance nationale et à la souveraineté. Des résolutions ultérieures, telles que la résolution A/RES/79/163, ont réitéré la même vérité : le peuple palestinien a le droit inaliénable de déterminer son destin, y compris la création de son État indépendant. La résolution 58/292 de 2004 est allée plus loin, réaffirmant que les territoires palestiniens occupés restent sous occupation belligérante et que la souveraineté appartient au seul peuple palestinien. Il ne s’agit pas d’appels moraux ; Il s’agit de déclarations contraignantes qui imposent des obligations à l’occupant et des responsabilités à la communauté internationale de s’abstenir de toute ingérence.

Si le droit à l’autodétermination a un sens, il implique nécessairement un droit de résistance lorsque ce droit est nié. La Déclaration sur les relations amicales adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1970 affirme que les peuples ont le droit de résister à « l’assujettissement, à la domination et à l’exploitation étrangers ». Durant la période de décolonisation, une série de résolutions de l’ONU ont explicitement reconnu la légitimité des mouvements de libération « par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ». La résolution 37/43 de 1982 a affirmé ce principe sans ambiguïté. Les juristes ont depuis soutenu que le droit de résister est un droit réparateur, invoqué lorsque les moyens pacifiques ont été épuisés et lorsqu’un peuple est confronté à un assujettissement systémique.

La résistance, cependant, est soumise à des limites juridiques et morales. Le droit international humanitaire exige que tout recours à la force respecte les principes de distinction, de proportionnalité et de nécessité. Les civils ne peuvent jamais être des cibles légitimes. Pourtant, l’existence de ces limites n’invalide pas le droit lui-même. De même que le droit international tient les États responsables de leurs actes illégaux sans pour autant nier leur droit à la légitime défense, le droit d’un peuple à résister peut coexister avec l’obligation de respecter les normes humanitaires. La lutte palestinienne n’est donc pas illégitime parce qu’elle a été armée ; la légitimité de ses méthodes doit être jugée selon les mêmes critères qui régissent tous les conflits. C’est ici que les gouvernements occidentaux révèlent leur duplicité : ils condamnent la violence palestinienne de manière isolée tout en édulcorant ou en excusant la violence bien plus grande de l’occupation.

En termes démocratiques, la légitimité du Hamas repose sur les élections de 2006, universellement reconnues comme libres et équitables. L’Occident s’est félicité de ces élections, jusqu’à ce qu’il en désapprouve le résultat. Ce résultat n’était pas une distorsion de la démocratie, mais sa concrétisation : un mandat populaire accordé par les Palestiniens par le biais des urnes, et non des balles. Lorsque les puissances occidentales ont refusé de reconnaître ce verdict et imposé des sanctions, elles ont révélé l’hypocrisie de leur prétendue foi dans le choix démocratique. Pour les Palestiniens, la démocratie ne dépend pas de l’approbation occidentale. Elle est une expression de la souveraineté, et nier cette souveraineté revient à nier la démocratie elle-même.

L’identité du Hamas, mouvement à la fois social et politique, complexifie encore davantage la caricature qui le présente comme une simple entité « terroriste ». Il gère des écoles, des hôpitaux, des réseaux sociaux et des œuvres caritatives qui comblent le vide laissé par une économie étranglée par le siège et l’occupation. Ce sont là les artères sociales par lesquelles la vie civile palestinienne continue de respirer.Appeler à l’anéantissement du Hamas ne revient pas à cibler quelques militants, mais à attaquer le tissu social palestinien et à affirmer que seule une population soumise et pacifiée mérite une légitimité internationale. Cette notion viole tout principe d’autodétermination consacré par le droit international.

Les critiques affirment que les acteurs non étatiques ne peuvent invoquer le droit de légitime défense en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, réservé aux États. Or, c’est passer à côté de l’essentiel. Le droit palestinien à la résistance ne découle pas de la création d’un État, mais de la doctrine plus large de l’autodétermination et de la lutte anticoloniale. La reconnaissance répétée par l’ONU des mouvements de libération d’Afrique et d’Asie comme représentants légitimes des peuples colonisés démontre que ce droit va au-delà de la définition westphalienne de l’État. Sous occupation, les Palestiniens ont le droit de résister à la domination en quête de liberté, tout comme les Algériens, les Namibiens et les Sud-Africains l’ont fait autrefois.

Les gouvernements occidentaux, cependant, continuent d’infantiliser le corps politique palestinien, en décidant quels partis sont acceptables et lesquels ne le sont pas. Ils financent et arment Israël tout en criminalisant la solidarité palestinienne. Ils parlent de paix, mais entretiennent les conditions qui la rendent impossible. Leur ingérence dans la démocratie palestinienne constitue en soi une violation du droit international, car le droit à l’autodétermination inclut la liberté de ne pas subir de coercition extérieure. En refusant de reconnaître le mandat électoral du Hamas ou de s’y engager politiquement, ils sapent les normes démocratiques mêmes qu’ils prétendent défendre.

La voie à suivre ne peut consister à exclure le Hamas ou à dicter qui représente la Palestine. La véritable paix n’émergera que lorsque l’ensemble des voix palestiniennes – le Fatah, le Hamas et la société civile – participeront librement à la construction de leur avenir. Le rôle de l’Occident, s’il en a un, doit être de soutenir les principes de souveraineté et d’égalité, et non de les manipuler. Continuer à définir la résistance palestinienne à travers le prisme de la supériorité morale occidentale revient à perpétuer la logique coloniale qui a engendré la crise.

Le droit du Hamas à rester à la fois un mouvement social et une organisation de résistance découle du droit du peuple palestinien à résister à l’occupation et à accéder à l’autodétermination. Il n’appartient pas aux « nations blanches », comme le disait Frantz Fanon, de décider de la légitimité des colonisés. Tant que cette réalité ne sera pas reconnue, le langage de la démocratie et de la paix restera creux. L’impératif moral aujourd’hui n’est pas d’exiger la reddition palestinienne, mais de mettre fin à l’occupation qui engendre la résistance. Le droit, l’histoire et la justice soutiennent ceux qui luttent pour la liberté.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR