Partager la publication "Le « tsunami silencieux » : la Cisjordanie se dirige vers un lent effondrement"
Ma’an News, 25 août 2025.- La Cisjordanie se désagrège silencieusement. Sous la surface du quotidien, une crise lente se dessine : l’immobilisme politique, l’asphyxie économique et la désillusion croissante de l’opinion publique convergent vers ce qui, selon les experts, pourrait devenir un effondrement explosif.
Sans horizon politique en vue et avec une confiance en l’Autorité palestinienne érodée, la région se rapproche d’un point de bascule.
La pression israélienne s’intensifie et les dirigeants palestiniens peinent à réagir. L’expression « tsunami silencieux », inventée par le directeur du Forum d’études palestiniennes de l’Université de Tel-Aviv, illustre l’ampleur de la transformation en cours.
Il a averti que l’expansion colonialiste accélérée d’Israël vise à enfermer la réalité d’un seul État – irréversible et non négociable.
Pourtant, face à ce bouleversement, les Palestiniens restent largement silencieux. Ce silence, affirme-t-il, n’est pas de l’apathie, mais de l’épuisement.
Nombreux sont ceux, notamment les jeunes, qui perdent confiance dans les solutions politiques et le leadership. Certains parlent désormais ouvertement d’un avenir à un seul État, à une condition : l’égalité des droits et la pleine citoyenneté.
Un gouvernement au bord de la faillite
L’Autorité palestinienne est confrontée à un effondrement financier. Israël continue de retenir les recettes douanières – environ 800 millions de shekels par mois (203 millions d’€) privant ainsi le gouvernement de plus de 65 % de ses revenus.
Avec l’assèchement de l’aide internationale, l’AP ne peut plus verser l’intégralité des salaires. L’activité économique a ralenti de manière généralisée et le commerce extérieur s’essouffle.
Le chômage en Cisjordanie a atteint 25 %. La pauvreté touche désormais plus de 30 % de la population.
Même ceux qui ont un emploi – en particulier les fonctionnaires – sombrent dans une pauvreté temporaire en raison de salaires irréguliers.
Hébron, autrefois cœur industriel de l’économie palestinienne, est aujourd’hui étouffée par des barrages routiers militaires et des barrières métalliques qui isolent des quartiers entiers et entravent la circulation.
Kamel Husseini, membre du conseil d’administration de la Chambre de commerce d’Hébron, affirme que les fermetures étranglent le commerce.
« Les portes et les barrières font grimper les coûts de transport, freinant les exportations et les importations. Les entreprises réduisent leurs activités ou ferment. L’impact sur l’économie nationale est dévastateur.»
La production industrielle a chuté de 15 % en deux ans. L’activité des marchés a diminué de 10 %. Les agriculteurs et les commerçants sont les plus touchés par ce déclin. M. Husseini qualifie la crise de conséquence du siège israélien, de la faiblesse du soutien financier et de la disparition des opportunités d’investissement. « Nous avons besoin d’une intervention urgente », déclare-t-il.
La confiance se brise et la transparence fait défaut
La confiance du public envers le gouvernement s’est usée. Selon les analystes, le problème n’est pas seulement économique, mais aussi informationnel. Les citoyens se sentent laissés pour compte. Les données financières sont rares. Les plans de gestion de crise sont vagues. Il en résulte confusion, anxiété et ressentiment croissants.
Le professeur Abdul-Halim Shawar Tamimi, ancien directeur adjoint de la Chambre de commerce d’Hébron, affirme que le gouvernement doit adopter une approche claire et transparente.
« Les gens sont obsédés par les pourcentages de salaires et les dates de versement. Cette vision étroite crée une panique généralisée. Nous avons besoin d’une feuille de route, d’un plan concret qui rétablisse la confiance.»
Tamimi, un expert du secteur des affaires, affirme que la communauté économique suit la situation de près. « Le gouvernement a annoncé des mesures d’austérité. Il faut maintenant les voir mises en œuvre. Des mesures mesurables. Des résultats concrets. C’est ainsi que l’on rétablit la confiance. »
L’occupation resserre son emprise
Pendant ce temps, Israël renforce son contrôle sur les villes palestiniennes. Des barrières en fer aux entrées des villes isolent des communautés entières.
À Hébron et Bethléem, la circulation est restreinte. Dans le sud d’Hébron, les « postes coloniaux de pâturage » s’étendent, les colons s’attaquent aux maisons et aux terres agricoles, tentant de forcer les familles à partir.
Les experts mettent en garde : un effondrement pourrait survenir soudainement
Les économistes et les analystes politiques préviennent que le tissu social et économique de la Cisjordanie s’érode. La pression s’accentue : fragmentation politique, blocus financier, baisse des revenus et espoir déclinant forment un mélange instable.
L’explosion, disent-ils, pourrait ne pas être uniquement politique. Elle pourrait être sociale. Elle pourrait être liée à la sécurité. Et elle pourrait survenir sans prévenir.
La Cisjordanie est confrontée à une crise à plusieurs niveaux. La stabilisation de la situation nécessitera des réformes internes urgentes et un soutien extérieur.
Il faut relancer l’aide internationale et arabe, rétablir la transparence. Ce ne sont pas seulement des objectifs politiques, ce sont des bouées de sauvetage. Sans cela, le lent effondrement pourrait devenir brusque.
Article en anglais sur IMEMC / Traduction MR
Article original en arabe sur M’an News Agency, le 24/08/2025.