Partager la publication "Les Palestiniens de Gaza ont moins d’espace que les détenus de Guantanamo"
EuroMed Monitor, 8 juillet 2025. – Après 21 mois d’agression israélienne continue, les Palestiniens de la bande de Gaza sont confinés sur moins de 15 % de l’enclave, soit pas plus de 55 km². Environ 2,3 millions de personnes sont entassées dans des conditions suffocantes, chacune disposant d’un espace inférieur à celui alloué aux détenus de Guantanamo.
La population est piégée dans cet espace exigu, sous des bombardements et un blocus constants, privée d’eau, de nourriture, d’abris et de soins de santé, et se voit de fait empêchée de revenir dans ses zones d’origine détruites ou interdites. Cette situation s’inscrit dans une politique délibérée qui reflète le processus génocidaire mené par Israël pour déraciner les populations et effacer leur présence physique et démographique par des massacres, des déplacements forcés, la famine et la destruction systématique de la vie. Alors que le génocide israélien entre dans son vingt-deuxième mois, la réalité sur le terrain n’est plus celle de simples bombardements et massacres, mais celle d’un processus global d’effacement de la bande de Gaza. Les habitants sont désormais traités comme des détenus dans un centre de détention de masse, confinés dans une zone étouffante de 55 km² maximum, sous stricte surveillance militaire et ciblage direct. Cette situation fait suite à la conversion par Israël d’environ 85 % de l’enclave en zones réglementées par le biais d’ordres d’évacuation ou d’un contrôle militaire illégal.
De telles mesures constituent une politique délibérée visant à effacer la population palestinienne de la bande de Gaza en déracinant les habitants, en portant atteinte à la vie humaine et en démantelant la structure sociale et géographique de la bande, selon un schéma systématique de crimes qui, pris ensemble, constituent un acte de génocide au regard du droit international.
Les habitants vivent dans une zone confinée et dévastée, ciblés 24 heures sur 24 et privés des services les plus élémentaires, dans des conditions de surpopulation extrême. La densité de population moyenne est d’environ 40.000 habitants par km², tandis que la zone d’al-Mawasi dépasse les 47.000 habitants par km², une densité inégalée dans toute autre zone peuplée de la planète.
Ce ne sont pas des chiffres abstraits, mais les contours d’un crime israélien permanent, commis au grand jour et au vu et au su du monde. Les habitants sont isolés de force et expulsés à plusieurs reprises de leurs zones d’origine, puis de leurs zones de déplacement vers ce que la puissance occupante appelle des « zones humanitaires et sûres », pour découvrir à chaque fois que ces zones ne sont que de nouveaux pièges mortels.
Toutes les familles de la bande de Gaza ont été contraintes de déménager, nombre d’entre elles étant déplacées cinq, six, voire dix fois, voire plus, dans un contexte qui reflète une politique systématique et continue de traque d’une collectivité à la recherche d’une sécurité inexistante.
Aucune zone de la bande de Gaza n’est sûre. Aujourd’hui, aucun lieu ne peut servir de refuge, ni même d’abri temporaire. L’électricité, l’eau potable, les soins de santé et la nourriture sont indisponibles. Les eaux usées inondent les ruelles, tandis que maladies, épidémies, rongeurs, insectes et faim se propagent, et tous les aspects de la vie s’effondrent. En réalité, les gens n’ont d’autre choix que la terrifiante et coercitive option d’un déplacement sans fin, au milieu de souffrances psychologiques et physiques incessantes et d’un profond désespoir quotidien.
Confiner la population entre les bombardements, la faim et la maladie d’une part, et l’empêcher de retourner dans ses maisons détruites, voire d’y rester, d’autre part, montre clairement que les mesures imposées dans la bande de Gaza ne constituent pas un déplacement d’urgence temporaire, mais s’inscrivent dans une politique permanente et préméditée de déplacement forcé.
Le but de cette politique est de provoquer une transformation démographique globale de l’enclave en la dépeuplant, en la plaçant sous contrôle militaire total et en l’encerclant d’un blocus sans précédent. Dans ce contexte, le déplacement n’est pas une conséquence de la guerre, mais un objectif stratégique. Les données documentées par Euro-Med Monitor jusqu’au début du mois de juillet indiquent qu’Israël a détruit plus de 92 pour cent des maisons, démoli totalement ou partiellement plus de 80 pour cent des écoles et 90 pour cent des hôpitaux, et complètement détruit toutes les universités de la bande de Gaza.
Des quartiers, des villes, des villages et des camps entiers ont été rayés de la carte, avec leurs maisons, leurs rues, leurs institutions, leurs marchés, leurs mosquées et même leurs souvenirs. Ils ont été physiquement arrachés à la vie, de manière à éliminer toute perspective de retour. Les forces israéliennes ont même déblayé les décombres et les ont transférés en Israël afin de garantir que les Palestiniens ne puissent y retourner par aucun moyen.
L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève interdit les transferts forcés, individuels ou massifs, de civils des territoires occupés, sauf si « la sécurité de la population ou des raisons militaires impérieuses l’exigent ». Cet article stipule également que la population ainsi transférée doit être « ramenée dans ses foyers dès que les hostilités dans la zone concernée auront cessé ».
L’article stipule en outre que « la puissance occupante qui procède à de tels transferts ou évacuations veillera, dans toute la mesure du possible, à ce que des logements convenables soient fournis aux personnes protégées, à ce que les transferts soient effectués dans des conditions satisfaisantes d’hygiène, de santé, de sécurité et de nutrition, et à ce que les membres d’une même famille ne soient pas séparés ».
Dans le cas de la bande de Gaza, cependant, les opérations de déplacement à grande échelle sont menées systématiquement, sans nécessité militaire urgente et sans fournir protection, abri ou possibilité de retour. Cela constitue une grave violation de la Convention et constitue un crime de guerre au regard du droit international humanitaire et pénal.
Lorsqu’il s’inscrit dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, un tel déplacement atteint le seuil de crime contre l’humanité au sens du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Plus grave encore, lorsque le déplacement massif s’accompagne de massacres, de privation délibérée de nourriture, d’eau, d’abris, de soins médicaux et d’autorisation de retour, et d’appels publics à éradiquer Gaza et à déraciner sa population, il ne fait aucun doute qu’Israël impose délibérément des conditions destructrices de vies humaines dans l’intention de détruire un groupe protégé en tant que tel. Cela correspond à la définition du génocide au regard du droit international.
Les ordres d’évacuation forcée, les massacres généralisés, les destructions et le recours délibéré à la famine font partie intégrante d’un plan israélien qui progresse clairement vers son objectif final : l’expulsion massive des Palestiniens de leurs terres, notamment au-delà de la bande de Gaza.
Cela fait suite à plus de 20 mois de crimes génocidaires, incluant le meurtre et les blessures de plus de 200.000 civils, la destruction de villes entières, l’effondrement quasi total des infrastructures de Gaza, l’éradication des conditions de vie élémentaires et les déplacements internes systématiques. Tout cela s’inscrit dans une tentative plus large d’éliminer la communauté palestinienne en tant qu’entité et en tant qu’existence.
Le déplacement forcé des Palestiniens est le prolongement direct du projet colonial de peuplement mené par Israël depuis des décennies, ancré dans l’effacement de l’existence palestinienne et la confiscation de leurs terres. Cette phase se distingue par son ampleur et sa gravité sans précédent, démontrées par le ciblage systématique des 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, par un génocide et le déni des droits humains les plus fondamentaux. Les conditions de coercition et de privation extrêmes imposées au peuple palestinien constituent une tentative délibérée de le chasser de sa terre natale, non par choix, mais comme condition de sa survie. Il s’agit de l’un des cas les plus flagrants de déplacement massif planifié de l’histoire moderne.
Euro-Med Monitor exhorte tous les États à reconnaître que ce à quoi la population de la bande de Gaza est confrontée n’est pas une évacuation, mais l’effacement systématique d’un peuple tout entier. Il ne suffit pas de reconnaître ou de condamner ces crimes ; les États doivent se tenir fermement à l’écart du peuple de Gaza et empêcher l’achèvement du génocide, afin de le protéger de l’anéantissement et de garantir son droit à rester sur sa terre dans la dignité.
Tous les États, individuellement et collectivement, doivent assumer leurs responsabilités juridiques en prenant des mesures urgentes pour mettre fin au génocide dans la bande de Gaza, en mettant en œuvre des mesures efficaces pour protéger les civils palestiniens ; en garantissant le respect par Israël du droit international et des décisions de la Cour internationale de Justice ; en tenant Israël responsable de tous les crimes commis contre les Palestiniens dans la bande de Gaza ; et en accordant réparation aux victimes conformément au droit international.
La communauté internationale doit également imposer des sanctions économiques, diplomatiques et militaires à Israël pour ses violations systématiques et graves du droit international. Ces sanctions devraient inclure un embargo sur les armes ; la fin de tout soutien politique, financier et militaire ; le gel des avoirs des responsables impliqués dans des crimes contre les Palestiniens ; l’interdiction de voyager imposée à ces responsables ; la suspension des activités des entreprises israéliennes des secteurs militaire et de la sécurité sur les marchés internationaux ; l’interdiction d’accès aux services bancaires pour les entreprises concernées ; et la suspension des privilèges commerciaux et des accords bilatéraux qui procurent à Israël des avantages économiques permettant la poursuite de ses crimes.
Euro-Med Monitor appelle à un processus de reconstruction immédiat et global dans la bande de Gaza, la priorité étant donnée à la reconstruction des logements, des infrastructures et des établissements de santé et d’éducation, ainsi qu’au rétablissement des fondements de la vie communautaire et économique. Ceci est essentiel pour rétablir un niveau de vie digne pour la population, compenser les pertes immenses subies et remédier aux conséquences des destructions systématiques infligées par les attaques israéliennes continues.
Les États doivent de toute urgence réclamer le rétablissement de l’accès humanitaire et la levée du blocus illégal, car c’est le seul moyen d’enrayer la détérioration rapide de la situation humanitaire et de garantir l’acheminement de l’aide, compte tenu de la menace imminente de famine.
La mise en place de couloirs humanitaires sûrs, sous la supervision de l’ONU, est essentielle pour garantir l’acheminement de nourriture, de médicaments et de carburant dans toutes les zones de la bande de Gaza, avec le déploiement d’observateurs internationaux indépendants pour en vérifier le respect.
Les pays dotés de tribunaux à compétence universelle doivent émettre des mandats d’arrêt à l’encontre des dirigeants politiques et militaires israéliens impliqués dans le génocide en cours et engager des poursuites judiciaires afin de remplir leur obligation juridique internationale de poursuivre les crimes graves et de lutter contre l’impunité. Ils doivent également demander des comptes à leurs citoyens reconnus coupables de violations contre les Palestiniens, conformément à leurs obligations juridiques nationales et internationales et dans le cadre de leur juridiction territoriale ou personnelle.
En outre, la Cour pénale internationale (CPI) doit accélérer ses enquêtes et délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre de tout responsable israélien impliqué dans des crimes internationaux commis dans la bande de Gaza. Ces crimes doivent être formellement reconnus et traités comme des actes de génocide. Il est rappelé aux États parties au Statut de Rome leur obligation légale de coopérer pleinement avec la Cour, de garantir l’exécution des mandats d’arrêt et de traduire les auteurs en justice.
Article original en anglais sur EuroMed Monitor / Traduction MR