Censure d’une exposition sur Gaza à Toulouse : la mairie persiste et signe

Collectif Palestine Vaincra, 13 janvier 2025. Le 6 janvier dernier, nous apprenons dans une lettre ouverte de la présidente de Médecins Sans Frontières que le maire de Toulouse, Mr Jean-Luc Moudenc, a décidé de censurer une exposition de photos sur la situation à Gaza. Celle-ci devait avoir lieu dans une salle municipale, l’Espace Diversités Laïcité, dans le cadre du festival « Cinéma et droits de l’homme ». Cette décision a provoqué un légitime tollé à Toulouse, mais aussi partout en France avec d’innombrables articles de presse, déclarations de condamnations et interpellations de la majorité municipale leur demandant de revenir sur ce choix inique. Acculée par le scandale qu’elle a provoqué, la mairie de Toulouse vient de publier les « explications » de cette interdiction dans un communiqué publié sur toulouse.fr le 10 janvier 2025. Force est de constater que celles-ci sont éloignées de la réalité factuelle et du bilan de la majorité municipale au sujet de la situation en Palestine.

Un jeune patient à l’hôpital Al Shifa dans la ville de Gaza. © Mohammad Masri/site MSF

Tout d’abord, elle commence ses justifications par dire qu’elle « soutient régulièrement des manifestations faisant la promotion de la culture palestinienne » afin de souligner le caractère « exceptionnel » de l’interdiction de l’exposition. En réalité, elle mentionne uniquement son partenariat avec le Festival Ciné-Palestine, mais est incapable de citer une autre initiative. A contrario, la mairie de Toulouse a participé à de nombreuses opérations de promotion de la « culture israélienne », comme plusieurs événements de la Saison France Israël en 2018 en partenariat avec le gouvernement Netanyahu ou le « printemps du cinéma israélien » qui a lieu chaque année avec sa dégustation de vins produits dans des colonies illégales de Cisjordanie et du Golan.

Par ailleurs, la mairie utilise de terribles euphémismes pour parler de la situation dans la région. Ainsi, l’occupation, l’apartheid, la colonisation et maintenant le génocide en Palestine sont décrit comme une « situation conflictuelle ». De la même manière, les crimes de guerre et les innombrables violations du droit international par Israël sont appelés « la critique du respect du droit international par Israël ». Pire encore, elle s’improvise commissaire politique en affirmant que « la présentation du contexte dans lequel s’inscrit le drame vécu par les civils gazaouis apparaît comme lacunaire ou insuffisante » en regrettant qu’il ne soit pas fait mention de la « nature terroriste du Hamas » ou de son « projet politico-religieux ». Pourtant, comme le rappelle l’ONG humanitaire« MSF propose une exposition multimédia pour raconter le siège, les bombardements, les attaques et l’horreur du quotidien à Gaza à travers l’expérience de ses soignants, en première ligne dans ce conflit ». Ce n’est pas une exposition sur le 7 octobre 2023, l’histoire du Hamas ou même les origines de la colonisation en Palestine à l’origine de la situation actuelle.

De tels prétextes masquent mal les véritables choix politiques de la majorité municipale à ce sujet qui expriment en réalité un soutien sans faille à Israël. À titre d’exemple, le maire de la ville a fait le choix d’illuminer le Capitole aux couleurs du drapeau israélien le 14 octobre pour exprimer « sa solidarité et son amitié avec le peuple israélien victime d’attaques terroristes d’une ampleur sans précédent. » Plus d’un an après, la mairie a systématiquement refusé d’en faire de même pour le peuple palestinien, malgré la demande de plusieurs parlementaires et élus locaux, alors que de nombreuses institutions et ONG internationales soulignent qu’une opération génocidaire est en cours. Celle-ci a fait au moins 70 000 victimes palestiniennes selon l’étude de la revue scientifique The Lancet. De la même manière, la ville de Toulouse a exposé des stèles en soutien aux israéliens détenus par le Hamas, mais n’a jamais dit un mot sur les 10 400 prisonniers politiques palestiniens actuellement détenus par Israël (dont environ 3 375 sont en détention administrative, c’est-à-dire sans charge ni procès) et qui sont massivement soumis à la torture comme le soulignent des rapporteurs des Nations Unies en aout 2024. Ainsi, alors que la mairie prétend avoir une position « équilibrée » d’une situation asymétrique entre un peuple colonisé victime d’un génocide et une colonisation de peuplement qui le commet, la réalité des faits est toute autre. Elle démontre un double standard qui traduit un soutien sans faille à Israël et à sa politique ainsi qu’une silenciation permanente de la réalité vécue par le peuple palestinien.

Plus abject encore, la mairie de Toulouse justifie sa décision d’interdire une exposition de photos en invoquant le « contexte politique toulousain qui ne peut être comparé à d’autres lieux où l’exposition a pu se tenir, eu égard aux attentats criminels antisémites vécus ici en 2012 ». Comme elle en est coutumière, la majorité municipale instrumentalise les terribles attentats antisémites de Mohammed Merah qui ont endeuillé la ville pour justifier la censure d’une exposition qui rend compte du génocide en cours à Gaza. Cette lamentable instrumentalisation politicienne ne fait que nourrir la confusion actuelle et l’antisémitisme, alors que la situation en Palestine est étrangère au fait évoqué et relève d’une situation coloniale.

Alors que le génocide en Palestine doit nous inviter au sérieux, à la responsabilité et à la solidarité, la mairie de Toulouse poursuit sa politique de pompier pyromane en continuant d’afficher un soutien indéfectible au gouvernement d’extrême droite israélien, dont elle a même accueilli une représentante en août 2024. Pour notre part, nous pensons qu’il est plus que jamais nécessaire de poursuivre notre soutien avec le peuple palestinien autour d’une orientation antiraciste et anticolonialiste qui combat pied à pied ces amalgames, cette complicité et cette censure.

Source : Palestine Vaincra.