In memoriam, Gilles Devers

Cristina Martínez Benítez de Lugo, 28 novembre 2024. Le 21 novembre, la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre les dirigeants israéliens Benjamin Netanyahu, Yoav Gallant et le chef du Hamas Mohammed Deif. Selon la Cour, les crimes de Netanyahu et de Gallant sont, entre autres, « le crime de guerre de mourir de faim comme méthode de guerre », « le fait de diriger intentionnellement une attaque contre la population civile » et « les crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains ».

Derrière cette décision capitale se cache l’œuvre de Gilles Devers, un avocat français lyonnais qui, le 9 novembre 2023, a déposé une plainte pour génocide auprès de la Cour pénale internationale. Initialement signé par 117 associations, syndicats et ONG représentés par 298 avocats, en quelques jours de plus en plus d’avocats se sont joints à la plainte jusqu’à 650. Des associations de barreaux de divers pays se sont jointes à l’association, portant le nombre d’abonnés à des centaines de milliers, a-t-il déclaré. Ce n’était pas le cas des barreaux occidentaux, seuls des avocats individuels s’y sont joints. Devers en a déduit que ce sont les autres pays et non les pays européens qui sont dépositaires de la Loi. L’Occident a toujours été timide à propos du génocide.

Devers et son équipe ont dû se battre très fort. La Cour, d’abord réticente, a été lente. Le Royaume-Uni a voulu bloquer la procédure en affirmant que la Palestine n’avait pas la juridiction d’un État, alors que la Cour avait déjà tranché la question en 2021. Devers a déposé sa première plainte contre Israël en janvier 2009, et depuis lors, il a continué à persévérer dans sa lutte contre les crimes commis en Palestine.

Ici, en Espagne, Gilles Devers est connu pour être l’avocat du Front Polisario, qui poursuit depuis 2012 l’Union européenne et le Maroc pour des accords illégaux qui ont encouragé le pillage des ressources naturelles du territoire sahraoui occupé. Les tribunaux européens, dans un jugement final du 4 octobre, ont annulé ces accords, consolidé les jugements précédents en ce sens que le Sahara occidental est un territoire séparé et distinct du Maroc, que l’Union européenne ne reconnaît pas la souveraineté présumée du Maroc sur ce territoire, et que tout accord applicable au Sahara occidental nécessite le consentement du peuple sahraoui. Tout cela est basé sur le droit à l’autodétermination en tant que droit qui peut être invoqué devant les tribunaux.

C’est la première fois qu’un mouvement de libération nationale gagne devant un tribunal. C’est la première fois que la justice européenne annule des accords internationaux. Ces succès professionnels ont été obtenus par Gilles Devers et son équipe. Cet homme extraordinaire a pu savourer ces deux énormes victoires quelques jours avant sa mort.

Il était docteur en droit, enseignant et chercheur, auteur de nombreuses publications. Il défendait les libertés des peuples opprimés. Il parlait avec une clarté et une bravoure fascinantes : le puissant usurpateur pouvait être vaincu. C’était un homme fort et brillant. Il appelait les choses par leur nom, démantelant la supercherie et l’hypocrisie. Il était enthousiaste et honnête. Il avait un sens inébranlable de la justice et de la lutte. « Ces adversaires sans scrupules, qui ne détiennent leur pouvoir qu’en volant les richesses d’un peuple. » C’était sa pensée.

Nous avons son fils, Manuel Devers, avec qui il a partagé tant d’années de travail. Peut-être pouvons-nous faire nôtres ses paroles sur la mort de Mohamed Khadad, son collègue du Front Polisario dans cette longue bataille juridique : « au lieu de nous effondrer, redoublons de détermination ».

Article original en espagnol sur Rebelion / Traduction Bernard Genet