Les 49 fois où les États-Unis ont utilisé leur droit de veto contre des résolutions de l’ONU sur Israël

Middle East Eye, 20 novembre 2024. Les États-Unis ont opposé mercredi [20/11] leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu à Gaza ; c’est la 49e fois que les États-Unis ont utilisé leur droit de veto contre des projets de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU liés à Israël.

Ce dernier projet de résolution a été présenté par les 10 membres élus du Conseil de sécurité, et tous les membres, à l’exception des États-Unis, ont voté en faveur de la mesure.

Le veto a signé plus d’un an de couverture diplomatique US fournie à Israël alors qu’il continue de mener sa guerre contre Gaza, élargie le mois dernier à l’invasion guerrière du Liban.

Cependant, ce soutien diplomatique de Washington à Israël n’a rien de nouveau et se déroule sur une base bipartite depuis des décennies.

En plus de donner à Israël environ 3 milliards de dollars d’aide militaire chaque année, les États-Unis sont également le plus grand allié d’Israël au sein de l’organisation internationale et ont souvent utilisé leur droit de veto au Conseil de sécurité pour bloquer les mesures diplomatiques visant Israël pour sa façon de traiter les Palestiniens.

Veto numéro un

D’après la Jewish Virtual Library, les États-Unis ont utilisé leur droit de veto 48 fois contre des projets de résolution du Conseil de sécurité concernant Israël depuis qu’ils ont commencé à l’utiliser en 1970.

La première, la résolution S/10784, exprimait une profonde inquiétude « face à la détérioration de la situation au Moyen-Orient » et visait une agression israélienne à la frontière libanaise.

Rédigée par la Guinée, l’ancienne Yougoslavie et la Somalie, les États-Unis ont été le seul pays à opposer leur veto à la résolution. Le Panama s’est abstenu lors du vote.

Plusieurs résolutions similaires ont également été rejetées par les États-Unis au cours des années suivantes. En 1975, l’année où la guerre civile a éclaté au Liban, la résolution S/11898 demandait à « Israël de cesser immédiatement toute attaque militaire contre le Liban ». Là encore, les États-Unis ont été le seul pays à opposer leur veto.

En 1982, l’année où Israël a mené certaines des attaques les plus violentes contre le Liban, l’Espagne a présenté un projet de résolution exigeant qu’Israël « retire toutes ses forces militaires immédiatement et sans condition jusqu’aux frontières internationalement reconnues du Liban » dans un délai de six heures. Les États-Unis ont opposé leur veto à ce projet.

Les États-Unis ont opposé leur veto à des résolutions similaires en 1985, 1986 et 1988. La guerre civile libanaise a pris fin en 1990, mais Israël ne s’est retiré du sud du pays qu’en 2000.

Jérusalem

La question du statut final de Jérusalem, dont les accords d’Oslo stipulaient qu’elle ne serait abordée que dans les dernières étapes de tout accord de paix entre Israël et la Palestine, est depuis longtemps la cible du veto américain à l’ONU.

Le projet de résolution S/12022, présenté en 1976, exigeait qu’Israël protège les « Lieux saints qui sont sous son occupation ».

Il se disait « profondément préoccupé par les mesures prises par les autorités israéliennes conduisant à la grave situation actuelle, y compris les mesures visant à modifier le caractère physique, culturel, démographique et religieux des territoires occupés ».

Les États-Unis ont été le seul pays à voter contre le projet de texte.

En 1982, le Maroc, l’Iran, la Jordanie et l’Ouganda ont présenté un projet de résolution après qu’un soldat israélien a tiré sur des fidèles, tuant au moins deux personnes, dans le complexe de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem.

Le texte appelle « la puissance occupante (Israël) à respecter et à appliquer scrupuleusement les dispositions de la quatrième Convention de Genève et les principes du droit international réglementant l’occupation militaire et à s’abstenir de toute entrave à l’exercice des fonctions établies du Conseil supérieur islamique à Jérusalem ».

Évoquant le complexe de la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem, le texte fait référence au site comme étant « l’un des lieux les plus saints de l’humanité ».

Il décrit le « statut unique de Jérusalem et, en particulier, la nécessité de protéger et de préserver la dimension spirituelle et religieuse des lieux saints de la ville ».

Un autre projet de texte appelant Israël respectant les lieux saints musulmans a été rejeté par les États-Unis en 1986.

Palestine

En 1976, les États-Unis ont opposé leur veto à une résolution demandant à Israël de se retirer de tous les territoires palestiniens. Dans ce cas, le Royaume-Uni, la Suède et l’Italie se sont abstenus.

Le projet de texte de la Tunisie, présenté en 1980, soulignait les « droits inaliénables du peuple palestinien ». Les États-Unis ont voté contre, et le Royaume-Uni, la France, la Norvège et le Portugal se sont abstenus.

Les résolutions condamnant les colonies israéliennes, considérées comme illégales au regard du droit international, n’ont été bloquées que par les États-Unis en 1983, 1997 et 2011.

En 2004 et 2006, les États-Unis ont refusé d’appeler Israël à cesser les guerres contre Gaza, qui ont fait des centaines de morts parmi les civils.

La dernière position d’Obama

Fin 2016, après l’élection de Donald Trump mais avant son entrée en fonction, l’administration américaine de l’ancien président Barack Obama s’est abstenue lors d’un vote sur les colonies israéliennes.

C’était la première fois en quatre décennies qu’une résolution de l’ONU condamnant Israël était adoptée.

Les Etats-Unis avaient pourtant déjà opposé leur veto à un vote similaire en 2011, la seule fois où l’administration Obama avait fait usage de son veto au cours de sa présidence.

Evoquant l’absence de progrès visibles dans le processus de paix, l’ambassadrice US à l’ONU, Samantha Power, a déclaré : « On ne peut pas à la fois défendre l’expansion des colonies israéliennes et défendre une solution viable à deux Etats qui mettrait fin au conflit. Il faut choisir entre les colonies et la séparation. »

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a qualifié cette décision de « honteuse » de la part des Etats-Unis.

Trump attaque l’ONU

L’administration Trump précédente a inauguré une nouvelle ère de diplomatie pro-israélienne à l’ONU.

En juin 2018, les États-Unis se sont retirés du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’accusant d’avoir un « parti pris chronique » contre Israël.

L’administration Trump a également opposé son veto à plusieurs résolutions de l’ONU concernant Israël.

Le 19 décembre 2017, les États-Unis ont opposé leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui rejetait la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.

Plusieurs mois plus tard, en juin 2018, les États-Unis ont opposé leur veto à une mesure élaborée par le Koweït qui condamnait l’usage de la force par Israël contre les civils palestiniens. Les forces israéliennes avaient tué des dizaines de manifestants pacifiques à Gaza lors des manifestations de la Marche du retour.

Comme dans de nombreux autres cas, les États-Unis étaient les seuls à s’opposer à cette mesure.

La guerre d’Israël contre Gaza

Le 7 octobre 2023, le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens de Gaza ont lancé une attaque surprise contre le sud d’Israël, tuant environ 1.140 personnes et prenant 240 autres en otage.

Israël a répondu par une guerre à grande échelle et a lancé une campagne de bombardements aériens dévastatrice, suivie d’une invasion terrestre complète de Gaza. Jusqu’à présent, les forces israéliennes ont tué plus de 44.000 Palestiniens, selon le bilan officiel des morts rapporté par le ministère palestinien de la Santé.

Cependant, d’autres estimations prudentes placent le nombre de morts bien plus élevé, une étude publiée dans la revue Lancet estimant que le nombre de morts pourrait être supérieur à 186.000 personnes.

Depuis le début de la guerre, les membres du Conseil de sécurité ont tenté d’introduire des résolutions appelant à un cessez-le-feu et à la fin des combats à Gaza.

Cependant, ces initiatives ont été bloquées à de nombreuses reprises par les États-Unis. Depuis le début de la guerre, Washington a bloqué quatre résolutions différentes appelant à un cessez-le-feu à Gaza.

En outre, les États-Unis ont bloqué une résolution visant à reconnaître la Palestine comme membre à part entière des Nations Unies.

De nombreux dirigeants mondiaux ont dénoncé les manoeuvres des États-Unis pour bloquer un appel à un cessez-le-feu au sein de l’organisation internationale, et les alliés occidentaux de Washington ont également exprimé leurs regrets quant à l’échec de l’adoption de ces mesures.

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR