Yahya Sinwar : cet ancien détenu, craint par Israël, devient le chef du Hamas

QNN, 6 août 2024. C’est à 16h35 que le soldat Israélien, Gilad Shalit, quelque peu fatigué, s’est trouvé dans une situation périlleuse. Malgré les avertissements clairs des services de renseignement sur une potentielle infiltration des combattants du Hamas, Shalit, pris au dépourvu lors d’une courte sieste, a fait face à une redoutable attaque à la roquette. D’autres soldats ont péri dans l’embuscade, mais Shalit, malgré sa panique, a été capturé par des combattants du Hamas. Cette capture, qui a conduit à la longue captivité de Shalit, a constitué un événement critique révélant l’influence croissante de Yahya Sinwar.

Né le 7 octobre 1962, dans le camp de réfugiés de Khan Younès, dans la bande de Gaza, les premières années de la vie de Sinwar ont été difficiles. En 1948, l’armée israélienne avait chassé sa famille de leur ville, Majdal (rebaptisée Ashkelon par les sionistes). Grandissant au milieu des dures réalités des camps de réfugiés, Sinwar a été profondément affecté par les agressions répétées de l’occupation israélienne.

Le parcours universitaire de Sinwar à l’université islamique de Gaza, où il a obtenu un diplôme d’études arabes, a été marqué par son engagement actif dans les mouvements politiques étudiants. En tant que leader du Bloc islamique, branche étudiante des Frères musulmans en Palestine, Sinwar a développé ses qualités de dirigeant. Ceci l’a préparé à ses futures fonctions au sein du Hamas. C’est lors de ce séjour à l’université que s’est révélé son esprit stratégique, jetant les bases de ses contributions ultérieures.

En 1986, Sinwar, avec Khaled Hindi et Rawhi Mshata, a établi les « Moudjahidines », appareil de sécurité sous la direction du Cheikh Ahmed Yassine. Cette organisation, qui deviendrait l’organe de sécurité et de défense « Majd », visait à identifier et à combattre ceux qui collaboraient avec Israël. Le leadership de Sinwar dans ce domaine a été déterminant, car il a jeté les bases de l’infrastructure de sécurité interne du Hamas.

En 1982, la première arrestation de Sinwar a marqué le début d’une longue période de détention. Il a d’abord été condamné à six mois pour avoir participé à des « activités attentant à la sécurité d’Israël », mais ce n’était que le début. En janvier 1988, il a été condamné à la perpétuité pour de multiples chefs d’accusation, dont la mise en place d’un appareil de sécurité et la participation à l’aile militaire du mouvement. Les 23 années passées dans les prisons israéliennes ont été marquées par sa résilience, la planification stratégique, et une compréhension profonde de la société et des mesures de sécurité israéliennes.

Au cours de son incarcération, Sinwar acquiert une formidable force intellectuelle. Il maîtrise l’hébreu, étudie les pratiques sécuritaires israéliennes et rédige plusieurs ouvrages, dont des traductions de textes clés israéliens ainsi que ses propres analyses sur le Hamas et la sécurité israélienne. Ses écrits, comme « Hamas : expérience et erreurs » et « Majd », témoignent d’une grande perspicacité sur les stratégies du mouvement et les tactiques de ses adversaires.

Après sa libération dans le cadre de l’accord d’échange de prisonniers de 2011, Sinwar s’est rapidement réaffirmé au sein du Hamas. Il a été élu au bureau politique du mouvement en 2012 et a pris la tête de son aile militaire, les Brigades al-Qassam. Son sens de la stratégie s’est confirmé dans sa gestion de la coordination entre les branches politiques et militaires du Hamas pendant la guerre contre Gaza en 2014. La capacité de Sinwar à diriger et intégrer les diverses factions du mouvement a été déterminante dans la réponse du Hamas à l’agression israélienne.

Sinwar est un dirigeant qui se distingue par son pragmatisme et sa clairvoyance stratégique. Bien que considéré comme partisan d’une ligne dure et comme figure clé des efforts de résistance du Hamas, il a aussi montré sa capacité à faire preuve de diplomatie. Ses tentatives pour combler le fossé entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, ainsi que ses efforts pour améliorer les relations avec l’Égypte, témoignent de son approche nuancée en matière de direction.

Ces dernières années, le rôle de Sinwar dans l’orchestration d’opérations importantes, notamment l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » du 7 octobre 2023, a consolidé sa réputation de cerveau stratégique. Cette opération, qui a fait de nombreuses victimes et a ébranlé les services de renseignement et de sécurité israéliens, a démontré la capacité de Sinwar à mettre en œuvre des stratégies militaires complexes et efficaces. Depuis, le gouvernement israélien l’a désigné comme cible privilégiée dans ses campagnes militaires, soulignant ainsi la menace que Sinwar fait peser sur ses objectifs de sécurité.

Le pouvoir de Yahia Sinwar dépasse les frontières du champ de bataille. Fort de sa capacité à inspirer et à diriger au sein du Hamas, combinée à sa vision stratégique et à ses engagements diplomatiques, il est devenu une figure centrale de la résistance actuelle contre Israël. Ses qualités de dirigeant se caractérisent par un mélange de rigueur intellectuelle, de profondeur stratégique et d’engagement inébranlable en faveur de la résistance, faisant de lui un adversaire redoutable et un acteur clé dans le paysage politique complexe de la région.

Article original en anglais paru sur Quds News Network / Traduction Chris & Dine