Les nombreux triomphes de la libération de Georges Abdallah

Hannan Hussein, 25 juillet 2025. Ce fut une lutte de principe qui a duré des années.

Le plus ancien prisonnier d’Europe, Georges Ibrahim Abdallah, est devenu une icône de la résistance inébranlable lorsqu’il a rejoint le Front populaire de libération de la Palestine. Il s’est appuyé sur sa vision du monde anticoloniale pour s’aligner sur les peuples opprimés et envoyer un message clair aux conspirateurs américains et israéliens : ça suffit.

Le départ de Georges Abdallah de la prison de Lannemezan a eu lieu, en convoi, vers 4h ce matin. Un avion l’emmène à Beyrouth dans la journée. (capture d’écran de la vidéo de Al Mayadeen)

Aujourd’hui, après que la France a maintenu ce résistant en incarcération pendant quatre décennies sans procédure régulière, sa libération met en lumière certaines réalités fondamentales.

Premièrement, elle démontre que les desseins israéliens et américains de maintenir Abdallah hors de la vue du public restent autodestructeurs, après que les Etats-Unis aient dépensé un capital diplomatique et de renseignement considérable pour empêcher sa libération, malgré le respect de toutes les conditions légales pour une libération anticipée il y a plus de deux décennies.

Deuxièmement, sa libération montre de plus en plus clairement que la résistance peut l’emporter sur la répression.

Troisièmement, elle révèle la vérité sur l’hypocrisie de la France. La libération d’Abdallah doit être perçue comme une faille dans la lutte menée par les États-Unis contre les personnalités de la résistance. Ce régime américain n’a ménagé aucun effort pour entraver volontairement le processus judiciaire, éludant délibérément les réalités d’un véritable processus judiciaire et choisissant plutôt de le politiser. Le refus d’Abdallah de verser une quelconque indemnisation pour obtenir sa libération est un message fort adressé à toutes les figures de la résistance illégalement détenues, des héros libanais aux nombreux combattants palestiniens.

Ce sentiment fait écho aux principes d’intégrité, de résistance anticoloniale et de dignité humaine authentique, qui sont le moteur de la ténacité. L’un des objectifs fondamentaux de Washington et de Tel-Aviv était de saper l’élan des organisations internationales de défense des droits humains et de faire pression pour le maintien d’Abdallah derrière les barreaux par des manœuvres secrètes. Leur surveillance continue des procédures judiciaires françaises lâches en est la preuve, notamment les réticences de l’ancien ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, à libérer Abdallah de prison (en janvier 2013, ndt). Abdallah, qui bénéficie d’un soutien considérable de sa base au sein des Factions armées révolutionnaires libanaises, pourrait considérer sa libération tant attendue comme un signe de ce que la solidarité peut apporter.

Comme l’a clairement indiqué Jacques Attali, conseiller principal du président français de l’époque, François Mitterrand, il n’existait pratiquement aucune preuve recevable contre Abdallah pour étayer ses accusations. Pour une personnalité qui a résisté à l’influence directe des États-Unis sur les perspectives de libération conditionnelle de la France, il est encourageant de constater qu’Abdallah a obtenu sa libération grâce à la pression populaire. Les groupes de défense des droits de l’homme libanais, par exemple, ont joué un rôle déterminant pour établir que l’emprisonnement d’Abdallah était motivé par des raisons politiques et non par une véritable justice. L’attente douloureuse de plusieurs décennies, malgré d’importantes réserves quant à l’impartialité de la justice française, envoie un puissant message de persévérance et révèle l’hypocrisie de Paris sur des infractions réelles ou inventées. Comme l’a affirmé l’avocat d’Abdallah au moment de sa condamnation à perpétuité, très controversée, cette décision – et ses motivations politiques condamnables – équivalaient à une « déclaration de guerre ».

Une centaine de militants se sont rassemblés jeudi 24 juillet devant le centre pénitentiaire de Lannemezan pour saluer la victoire de Georges Abdallah, à la veille de sa libération. (capture d’écran de la vidéo de Catherine Dahier, journaliste libanaise).

La mobilisation populaire ne fut pas seulement un fait avéré dans certaines régions du monde arabe. Rien qu’en France, Abdallah était célébré comme un symbole de liberté digne de libération. Il suffit de regarder les manifestations annuelles devant la prison de Lannemezan, au sud du pays : un tel activisme a démontré qu’Abdallah n’était pas seulement ancré dans le discours politique libanais, grâce à sa résilience, son dévouement à la cause palestinienne et d’autres qualités qui lui ont permis de braver l’influence coloniale. Au contraire, Abdallah fut un thème récurrent de résistance face à un mouvement diplomatique laxiste sur son dossier, vieux de plusieurs décennies, en France. En refusant de s’approprier l’élan populaire en faveur des droits d’Abdallah et de la justice tant attendue, la France révèle sa politique flagrante de deux poids – deux mesures en matière de libertés. Malgré tous les discours sur le maintien d’un système fondé sur des règles où les valeurs communes sont au cœur de la stabilité, le statut d’Abdallah, le plus ancien prisonnier politique d’Europe, ternit ces affirmations. La détermination inébranlable de la Palestine à résister à l’agression criminelle sioniste prouve que le poids des valeurs authentiques, de la morale et de la justice doit se concentrer sur les opprimés, et non sur ceux qui facilitent l’agression sioniste.

La ferme conviction d’Abdallah pour cette cause constitue un point de friction naturel avec Paris, qui a cautionné les crimes génocidaires d’« Israël », son soi-disant « droit à se défendre », et qui est, parmi d’autres États occidentaux, complice d’atrocités à ce jour. Compte tenu des agissements de la France et du militantisme d’Abdallah de part et d’autre du pôle, sa libération est d’autant plus remarquable.

« Nous sommes ravis. Je ne m’attendais pas à une telle décision de la justice française, ni à sa libération, surtout après le rejet de tant de demandes de libération », a déclaré Robert Abdallah, son frère. « Pour une fois, les autorités françaises se sont libérées des pressions israéliennes et américaines. »

Ainsi comprise, la libération, durement acquise, d’Abdallah doit être considérée comme une défaite décisive face aux pressions sionistes et américaines, et comme la preuve que le soutien ciblé aux figures de la résistance peut porter ses fruits. Comme le montre le génocide « israélien » à Gaza, les tentatives visant à expulser les prisonniers politiques, voire à les réduire au silence, sont vouées à l’échec.

Le passage d’Abdallah de l’incarcération à la liberté, porté par une mobilisation populaire pour les droits humains indéfectible, montre clairement que ceux qui luttent pour la liberté et la défense des droits doivent prendre les choses en main.

Article original en anglais sur Al Mayadeen / Traduction MR