Netanyahou n’est pas la cause du génocide de Gaza. Le sionisme l’est.

Abed Abou Shhadeh, 17 juillet 2025. Un récent article du New York Times présente aux lecteurs une analyse détaillée du génocide à Gaza. L’argument principal des auteurs est que la poursuite de la guerre sert l’intérêt personnel du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui s’accroche au pouvoir.

20 juillet 2014 : Des Israéliens se rassemblent sur les collines pour observer et se réjouir du spectacle des bombes qui tombent sur Gaza. Déjà, en 2014…

Cet argument est particulièrement pertinent compte tenu de son procès pour corruption en cours et du coup sévère porté à sa position politique après l’échec militaire du 7 octobre. Selon l’article du Times, cette convergence d’événements a poussé Netanyahou à prolonger la guerre comme moyen de sa survie.

Mais ce cadrage, populaire dans les cercles sionistes libéraux, réduit dangereusement la catastrophe de Gaza aux ambitions d’un seul homme.

Il ignore le large soutien public en Israël, non seulement au génocide de Gaza, mais aussi aux attaques dans toute la région. Les actions militaires d’Israël – notamment dans le contexte des violences confessionnelles en Syrie – ne peuvent être comprises que comme celles d’une puissance impériale cherchant à imposer sa volonté à la région par la force, l’intimidation et la menace d’expansion territoriale.

Elles ignorent commodément une question plus profonde : pourquoi, après près de deux ans d’images effroyables de Gaza, l’opinion publique israélienne continue-t-elle de soutenir la guerre – et, de fait, d’exiger son escalade ?

Au cœur du discours public israélien actuel se trouve non pas la moralité de la guerre, mais la question de savoir qui devrait en assumer le fardeau. Le principal débat porte sur la conscription des juifs ultra-orthodoxes, jusqu’ici exemptés du service militaire et souhaitant que cela soit inscrit dans la loi.

L’opinion publique laïque et nationale-religieuse exige « l’égalité dans le sacrifice », partant du principe que la guerre doit continuer – mais de manière plus équitable.

Lorsque le parti ultra-orthodoxe ashkénaze Judaïsme unifié de la Torah a récemment annoncé son départ du gouvernement en raison de la question de la conscription, il ne s’agissait pas d’une protestation contre la guerre elle-même, mais plutôt d’un différend sur qui devait y servir.

Réaction mondiale

Ce cadrage intervient à un moment où la réaction internationale s’intensifie. Le mouvement mondial de boycott a gagné le monde universitaire, l’Association internationale de sociologie ayant récemment appelé à rompre ses liens avec la Société israélienne de sociologie en raison de son incapacité à condamner le génocide de Gaza.

Les boycotts culturels, bien que moins visibles, sont également en hausse. Sur le plan politique, le soutien américain à Israël, autrefois bipartisan, est désormais ouvertement débattu au sein des deux partis. Les discussions vont des questions éthiques liées au génocide de Gaza aux inquiétudes quant à l’influence disproportionnée d’Israël sur la politique américaine.

Dans le même temps, les Israéliens ordinaires en déplacement à l’étranger sont confrontés à des critiques internationales pour la première fois de leur vie. Pourtant, au lieu de susciter la réflexion, cet examen approfondi a plongé nombre d’entre eux dans le déni.

Pour une grande partie de l’opinion publique israélienne, le problème ne réside pas dans ce qui se passe à Gaza, mais dans l’antisémitisme mondial, tant occidental qu’oriental. À leurs yeux, le monde s’est retourné contre eux, et il n’est donc pas nécessaire de se remettre en question.

Netanyahou, qui a passé une grande partie de sa jeunesse aux États-Unis, comprend bien la politique américaine. Lorsqu’il affirme que la guerre de Gaza n’a pas « atteint ses objectifs », il ne fait pas référence à la situation sur le terrain, mais plutôt à sa position dans les sondages. Les récentes frappes contre l’Iran, bien qu’elles n’aient produit aucun résultat stratégique, ont légèrement amélioré sa cote de popularité.

Pire encore, tant les alliés de Netanyahou que sa soi-disant opposition ont réussi à encourager et à normaliser la rhétorique génocidaire, au point qu’elle est devenue banale.

Selon de récents sondages, 82 % des Israéliens juifs soutiennent le transfert (l’expulsion) de la population de Gaza. Faute de pouvoir convaincre les pays d’accepter ces réfugiés, ce qui émerge est un camp de concentration de facto à Gaza.

Dans ce contexte, les discussions sur un cessez-le-feu sont structurellement creuses. Israël a montré – au Hamas et à d’autres – qu’il ne respecte pas les accords : ni à Gaza, ni au Liban, ni en Syrie. La diplomatie israélienne est fondamentalement fondée sur la puissance militaire et la capacité unilatérale de rompre ses promesses.

Stratégies impitoyables

Alors que l’opinion publique israélienne s’impatiente de plus en plus face à la guerre de Gaza, exigeant la libération des otages et observant avec inquiétude le nombre croissant de morts parmi les soldats israéliens, il est inquiétant de constater que personne ne remet en question les stratégies impitoyables de l’État, qui visent à confiner des millions de Palestiniens dans une zone représentant moins d’un quart de Gaza.

On discute librement de la relance du « Plan du Général » de Giora Eiland, qui recommande explicitement la famine comme moyen de déplacement forcé.

Mais la catastrophe qui se déroule à Gaza n’est pas l’œuvre d’un seul homme. Elle est rendue possible par un large consensus public, un système judiciaire qui la légitime et une culture politique qui repose depuis longtemps sur la déshumanisation des Palestiniens.

En Cisjordanie occupée, la même logique s’applique : soldats, policiers et juges israéliens ignorent ou aident activement les colons à perpétrer des pogroms contre les Palestiniens. La crise actuelle marque une tentative désespérée – de certains – de « sauver Israël de lui-même » en offrant aux Israéliens la possibilité de faire machine arrière. L’espoir est qu’Israël revienne à sa posture d’avant Netanyahou : des négociations interminables, des processus de paix rhétoriques et le fantasme d’un État palestinien qui n’a jamais été censé se matérialiser. Cette illusion a bien servi le monde, permettant aux nations occidentales de défendre les actions d’Israël tout en prétendant qu’une solution à deux États était encore viable.

Mais la démographie et l’idéologie ont évolué. Israël ne peut pas revenir en arrière.

L’ampleur des destructions à Gaza a rouvert le cœur de la question palestinienne : que se passera-t-il lorsqu’il n’y aura plus de camps de réfugiés, plus de territoires où refouler les gens et plus aucun pays prêt à les accueillir ? Le débat se tourne alors – inévitablement – vers le droit au retour des Palestiniens expulsés en 1948.

Blâmer Netanyahou de manière isolée est intellectuellement malhonnête. Il n’est pas une aberration, mais un produit de la logique sioniste – une logique qui a toujours considéré les Palestiniens comme inférieurs. Sans remettre en question ce système de croyances fondamental, remplacer Netanyahou ne changera rien. Nous aurons peut-être un dirigeant moins agressif, plus policé, mais la violence structurelle persistera, simplement sous une forme plus douce.

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR