Partager la publication "« Des techniques d’intimidation de type mafieux » – Sanctions américaines contre l’experte de l’ONU Francesca Albanese suite à ses critiques à l’égard d’Israël"
Ali Harb, 9 juillet 2025. L’administration du président américain Donald Trump a imposé des sanctions à l’experte de l’ONU Francesca Albanese pour ses informations sur les exactions commises par Israël contre les Palestiniens pendant sa guerre contre Gaza.
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a annoncé ces sanctions mercredi, accusant Mme Albanese de mener une « campagne de guerre politique et économique contre les États-Unis et Israël ».
Mme Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU sur le territoire palestinien occupé, est une voix internationale de premier plan pour appeler à l’action afin de mettre fin aux violations des droits humains commises par Israël.
Israël et ses partisans fustigent Mme Albanese et demandent sa destitution de son poste à l’ONU depuis des années.
Contactée par Al Jazeera, Mme Albanese a dit rejeter les sanctions américaines, et a affirmé qu’elle se concentrait sur la poursuite de son travail.
« Aucun commentaire sur les techniques d’intimidation de type mafieux », a écrit l’experte de l’ONU dans un SMS. « Je suis occupée à rappeler aux États membres leurs obligations de mettre fin au génocide et de le punir. Et à ceux qui en profitent. »
Plus tôt mercredi, elle a interpellé les gouvernements européens pour avoir autorisé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou – recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre à Gaza – à utiliser leur espace aérien lors de ses déplacements.
« Les citoyens italiens, français et grecs méritent de savoir que toute action politique violant l’ordre juridique [international] les affaiblit et les met tous en danger. Et nous tous », a écrit Albanese dans un message sur les réseaux sociaux.
Rubio a cité la pression d’Albanese pour que des responsables israéliens soient poursuivis devant la CPI comme base juridique des sanctions.
Trump avait publié un décret en février pour imposer des sanctions aux responsables de la CPI impliqués dans le « ciblage » d’Israël.
Le mois dernier, l’administration Trump a sanctionné quatre juges de la CPI.
Mercredi, Rubio a accusé Albanese d’antisémitisme.
« Ce parti pris a été manifeste tout au long de sa carrière, notamment en recommandant à la CPI, sans fondement légitime, d’émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant », a-t-il déclaré.
La CPI a inculpé Netanyahou et Gallant de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre à Gaza pour avoir privé les Palestiniens de l’enclave de « biens indispensables à leur survie, notamment de nourriture, d’eau et de médicaments ».
Rubio a également ciblé un récent rapport d’Albanese documentant le rôle des entreprises internationales, notamment américaines, dans l’attaque israélienne contre Gaza, qu’elle qualifie de génocide.
« Nous ne tolérerons pas ces campagnes de guerre politique et économique, qui menacent nos intérêts nationaux et notre souveraineté », a déclaré le diplomate américain.
Le décret de la CPI de Trump gèle les avoirs des individus ciblés aux États-Unis et leur interdit, ainsi qu’à leur famille proche, l’entrée sur le territoire.
Nancy Okail, directrice du groupe de réflexion Center for International Policy (CIP), a qualifié les sanctions contre Albanese de « dévastatrices ».
« Sanctionner un expert de l’ONU donne le signal que les États-Unis se comportent comme des dictatures », a déclaré Mme Okail à Al Jazeera.
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, s’est dite « consternée » par la décision américaine.
« Nous rappelons que les rapporteurs spéciaux sont des experts indépendants. Ils ne sont pas nommés pour plaire aux gouvernements ou pour gagner en popularité, mais pour s’acquitter de leur mandat », a-t-elle écrit sur X.
« Albanese travaille sans relâche pour documenter et dénoncer l’occupation illégale, l’apartheid et le génocide d’Israël, conformément au droit international », a ajouté Mme Callamard.
Elle a également exhorté les gouvernements du monde entier à « tout mettre en œuvre pour atténuer et bloquer les effets des sanctions » contre Albanese et à protéger le travail et l’indépendance des rapporteurs spéciaux.
Au cours des 21 derniers mois, l’attaque israélienne soutenue par les États-Unis à Gaza a rasé la majeure partie du territoire et tué au moins 57.575 Palestiniens, selon les responsables sanitaires locaux.
Article original en anglais sur Al Jazeera / Traduction MR