Partager la publication "Malak Al-Qanou, le bébé né à Gaza sans cerveau à cause des armes israéliennes"
Dr. Ezzideen, 4 mai 2025.- Hier, à l’hôpital Al-Awda, dans le nord de Gaza, une petite fille, Malak Al-Qanou, est venue au monde, et le monde l’a rejetée. Elle n’avait pas de cerveau. Non pas au sens poétique de l’innocence ou de la pureté, mais anatomiquement, littéralement : anencéphalie. Pas de cerveau. Pas de pensée future, pas de rêves, pas de souvenirs à créer. Un crâne vide de sens. Elle était à terme. Sa mère l’a portée pendant neuf longs mois, à travers des nuits brûlantes et des matins en pleurs, à travers la poussière, le chagrin et les sirènes. Et puis, la naissance. Mais aucune vie à sauver. Que du silence. Les médecins restaient impuissants, bafoués par les limites de leurs capacités.
Je les ai vus, ces médecins, leurs doigts habiles et stériles tremblant. Non pas de confusion, mais de reconnaissance. Dommages tératogènes. Défaillance du développement. Défiguration génétique, non pas due au hasard, mais à la guerre. Les bombes ont frappé non seulement des bâtiments, mais des chromosomes. Les armes, d’acier, brillantes, américaines, sont tombées non seulement pour détruire le présent, mais pour corrompre l’utérus. Pour empoisonner l’idée de demain.
Comment appelle-t-on cette horreur ? Radiations ? Dioxines ? Uranium appauvri ? Des toxines invisibles qui ne tuent pas rapidement, elles attendent. Elles s’incrustent, traversent les parois placentaires et déforment le tube neural. Elles perturbent la vie avant même qu’elle ne commence.
Les cas se multiplient. Fausses couches. Naissances prématurées. Membres malformés. Fentes palatines plus profondes que le chagrin. Moelle épinière comme des parchemins brisés. Les médecins murmurent désormais : il ne s’agit pas d’une série de cas. C’est une tendance. Une étude du Lancet met en garde contre jusqu’à 200.000 victimes indirectes, non pas de blessures par explosion, mais de dommages génétiques transmis aux générations futures.
Mais le monde est sourd. Il compte les morts par explosion, pas par malformation. Il comptabilise les victimes par membres perdus, pas par gènes brisés.
Et là, sous les décombres, la blessure la plus profonde est dans l’utérus. Je l’ai vue hier. La mère. Elle ne pleurait pas. Elle regardait seulement. Ses bras étaient vides. Elle avait porté une fille sans cerveau. Mais l’enfant avait des cils. Des doigts. Et c’est le plus terrible : que la vie ait essayé. Que le corps ait obéi. Que, même en pleine apocalypse, les cellules aient continué à se reconstituer.
Quelque part, un autre enfant pourrait naître marqué par l’air que sa mère a respiré. Sans savoir pourquoi.
On dit que la guerre prend fin. Que les cessez-le-feu arrivent. Que la guérison est possible. Mais comment peut-elle prendre fin quand elle vit dans les cellules ? Quand le placenta devient un champ de bataille ? Quand la biologie devient l’archive de la guerre ?
Ce n’est pas seulement une guerre de feu et d’acier. C’est une guerre contre la vie. Contre les femmes. Contre l’acte même de la naissance. J’ai vu la mort, des corps déchirés, des poumons haletant sous des côtes brisées. Mais jamais je n’ai entendu un silence aussi profond que celui d’une mère qui accouche d’un enfant déjà condamné par le ciel.
Et donc j’écris. Non pas pour accuser. Non pas pour pleurer. Mais pour me souvenir.
Parce que certaines armes n’explosent pas. Elles incubent.
Article original en anglais sur le compte X Dr. Ezziden Gaza / Traduction MR