A Gaza, le journaliste est aussi l’ennemi pour le terrorisme sioniste

Dziri, le 30 avril 2025.On a vu récemment des journalistes français manifester leur indignation face au sort de leurs 232 confrères palestiniens assassinés à Gaza soit « plus que la guerre civile américaine, les deux guerres mondiales, la guerre du Vietnam et la guerre d’Afghanistan réunies ».

La question se pose de savoir si ces journalistes sont visés délibérément par les forces sionistes. La réponse est que c’est probablement le cas puisque les terroristes sionistes admettent avoir tué ou voulu tuer des journalistes à qui ils reprochent d’être membres du Hamas, tuant au passage des journalistes qui n’ont pas de lien avec le Hamas. Les 232 journalistes assassinés n’étaient évidemment pas liés au Hamas. Par ailleurs, même lié au Hamas, un journaliste reste un journaliste n’est pas un combattant.

Abdul Raouf Shaath a assisté impuissant à la mort de son collègue Ahmed Mansour brûlé vif suite à une frappe de missile sioniste sur sa tente.

Ou plutôt si, il est un combattant dans une guerre de l’information que les propagandistes sionistes avaient pris l’habitude de gagner. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui grâce à ces reporters courageux qui, avec des moyens de fortune, documentent les crimes commis par les forces sionistes. C’est précisément la raison pour laquelle ces journalistes, comme au fond tous les Palestiniens grands et petits, sont considérés comme des terroristes par le régime sioniste.

Faire taire les journalistes de Gaza est d’autant plus important que la presse internationale n’a pas accès à ce territoire et que peu de reporters palestiniens exercent pour des médias occidentaux.

La journaliste Ghada Abdulfattah qui collabore avec le Christian Science Monitor, un vénérable média étatsunien, est une exception.

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La mission périlleuse des journalistes de Gaza : couvrir la guerre et y survivre

Par Ghada Abdulfattah, The Christian Science Monitor (USA)  traduit de l’anglais par Djazaïri

Le 29 avril 2025 à Khan Younes et Deir al-Balah, Bande de Gaza

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Après 18 mois de guerre, le photojournaliste Abdul Raouf Shaath pensait avoir tout vu.

M. Shaath faisait une sieste dans un campement de tentes près de l’hôpital Nasser de Khan Younes le 6 avril après une longue journée passée à documenter les frappes de missiles, lorsqu’une frappe aérienne israélienne a secoué le sol et projeté en l’air des éclats métalliques.

Il s’est précipité dehors et a vu la tente abritant un média local en flammes.

« Je me suis rendu compte qu’il y avait quelqu’un assis sur une chaise, englouti par les flammes », dit-il.

Cette personne était Ahmed Mansour, journaliste et rédacteur en chef de Palestine Today, qui tapait sur son ordinateur portable quelques instants avant l’impact du missile. Israël a affirmé que la frappe visait un autre journaliste, accusé d’appartenir au Hamas.

« J’étais incrédule. J’avais l’impression d’être dans un cauchemar en temps réel », raconte M. Shaath, les mains tremblantes en se remémorant l’incident. « Il n’a pas bougé du tout. »

M. Shaath affirme avoir tenté de secourir M. Mansour. Mais la chaleur et la fumée étaient intenses, et il a perdu connaissance en tentant de sortir son collègue de la tente. À son réveil, il a découvert que M. Mansour et un autre journaliste, Helmi al-Faqawi, avaient succombé à leurs blessures.

Mais M. Shaath et ses collègues journalistes continuent leur travail.

Au milieu de l’action

Face à des risques croissants, les journalistes de Gaza continuent d’enfiler leurs gilets de presse, de se rendre sur le terrain, de filmer, d’écrire et de documenter – même si la frontière entre les cibles militaires et les professionnels des médias est floue.

Ils disent être animés par une mission : documenter l’impact de la guerre à Gaza sur leur peuple et empêcher le monde de détourner le regard.

Quand ils ne font pas de reportage, on trouve des journalistes de Gaza dans des tentes animées jouxtant les cours des hôpitaux, où ils peuvent brancher leur matériel et où les victimes des dernières frappes israéliennes sont amenées par vagues.

Depuis que les frappes aériennes incessantes ont réduit à l’état de ruines les bureaux des médias à Gaza, les journalistes se sont réfugiés dans ces salles de rédaction improvisées, qui fourmillent de reportages urgents sur la guerre en temps réel.

Les deux principaux centres de presse se trouvent à proximité de l’hôpital Al-Aqsa à Deir al-Balah, dans le centre de Gaza, et de l’hôpital Nasser à Khan Younes, dans le sud de la bande de Gaza. Ces campements ont resserré les liens entre les journalistes gazaouis comme jamais auparavant.

« Nos liens sont devenus plus forts qu’avec nos proches », explique M. Shaath, le journaliste. « Nous partageons nos problèmes et les défis auxquels nous sommes confrontés ; nous partageons notre matériel. »

En raison du blocus israélien, aucun équipement médiatique n’est entré dans l’enclave côtière depuis octobre 2023.

« Si vous perdez votre équipement ou qu’il est endommagé en raison d’une utilisation excessive ou d’attaques, il n’existe pas de pièces de rechange ni d’alternatives disponibles », explique Ibrahim Otla, cinéaste et journaliste vidéo de Gaza.

Visés délibérément ?

Dans ces tentes animées, entre délais serrés et diffusions en direct, les discussions sur la mort et sur les menaces de mort ne sont jamais loin.

L’offensive militaire israélienne sur Gaza a tué 232 journalistes, selon le projet Cost of War de l’Université Brown, soit plus que la guerre civile américaine, les deux guerres mondiales, la guerre du Vietnam et la guerre d’Afghanistan réunies.

Ce bilan – une moyenne d’un journaliste tué tous les trois jours selon le rapport de l’Université Brown – a amené les journalistes de Gaza à croire qu’une cible leur avait été placées dans le dos.

Les gilets de presse pare-balles se sont avérés inutiles face aux missiles et aux obus d’artillerie.

Abdallah Miqdad, correspondant de la chaîne de télévision qatarie Al Araby, se souvient d’une conversation avec le correspondant de Palestine TV, Mohammed Abu Hatab, qui a été tué quelques heures seulement après leur rencontre.

De g. à dr. Ismail Alghoul, Hossam Shabat et Hassan Hammad, trois journalistes tués à Gaza par l’armée d’occupation en mars/avril 2025.

« Nous nous sommes rencontrés et, quelques heures plus tard, il faisait la une des journaux. J’ai peur de faire partie de l’actualité », admet M. Miqdad. « Tout le monde est une cible ; nul endroit n’est sûr à Gaza. »

« En voyant nombre de mes collègues se faire tuer, pris pour cible un par un, je ne pouvais m’empêcher de me demander : quand viendra mon tour ? », confie Maha Husseini, journaliste indépendante à Middle East Eye, un média qatari basé au Royaume-Uni. « J’ai l’impression que je pourrais être la prochaine victime à tout moment. »

Allégations israéliennes

Israël conteste avoir délibérément pris pour cible des journalistes palestiniens. À plusieurs reprises, il a accusé les journalistes de Gaza assassinés d’avoir des liens avec le Hamas ou le Jihad islamique palestinien, faisant d’eux des cibles militaires légitimes. Leurs collègues rejettent ces accusations.

La frappe israélienne de début avril qui a tué M. Mansour de Palestine Today visait Hassan Aslih, qui, selon l’armée israélienne, était un membre de la brigade Khan Younes du Hamas, et aurait documenté et téléchargé des images de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

En août 2024, le Comité pour la Protection des Journalistes a appelé Israël à « cesser d’affirmer sans preuves que les journalistes tués par ses forces sont des terroristes ou se livrent à des activités militantes », exigeant « des enquêtes indépendantes sur ces meurtres ».

Fin avril 2025, aucune enquête indépendante n’avait été menée sur les décès de journalistes.

Les meurtres de journalistes par des frappes aériennes israéliennes sont devenus si fréquents que de nombreux Palestiniens de Gaza refusent désormais d’accueillir des reporters, de peur qu’ils ne figurent sur une liste de cibles israéliennes et n’attirent des tirs de missiles sur leurs lieux de résidence.

« C’est naturel; je ne reproche pas aux gens » d’éviter les journalistes, remarque M. Otla, le réalisateur. « On a vu avec quelle systématicité Israël tue des journalistes. »

Samedi dernier, Fatima Hassouna, une journaliste présentée dans un documentaire dont la première aura lieu au Festival de Cannes en mai, a été tuée avec sa famille.

Elle a écrit dans l’un de ses derniers messages sur les réseaux sociaux : « Si je meurs, je veux une mort bruyante. Je ne veux pas être juste une nouvelle de dernière minute, ni un numéro parmi un groupe. Je veux une mort que le monde entendra ».

« Je donne de la voix »

Les journalistes de Gaza affirment rester motivés par leur sens des responsabilités envers leur communauté et par l’impact de leurs reportages. En défendant leur peuple, ils peuvent également honorer leurs collègues disparus.

« Chaque fois que je capture un moment de vérité, j’ai l’impression de donner la parole à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer », explique M. Otla. « Savoir que mon travail peut mettre en lumière les difficultés de mon peuple me motive. »

Les restrictions imposées par Israël aux journalistes étrangers qui se rendent à Gaza – le Monitor est l’un parmi des dizaines d’organismes d’information qui n’ont pas pu obtenir l’autorisation d’entrer – signifient que la responsabilité de rendre compte de la guerre incombe aux habitants de Gaza eux-mêmes.

« C’est à nous, journalistes palestiniens, qu’il incombe de documenter et de transmettre le message », déclare M. Otla.

Pour d’autres, rester sur le terrain est un engagement envers un rêve d’enfance qui frise aujourd’hui le cauchemar, dans l’espoir à venir de jours meilleurs.

« Depuis tout jeune, je voulais être journaliste », explique M. Shaath, le photojournaliste qui, jeune homme, suivait les journalistes pour apprendre d’eux.

Il regrette l’époque d’avant-guerre.

« J’avais l’habitude de prendre des photos du bon côté de Gaza », dit-il, « maintenant, c’est fini. »

Peu importe à quel point la guerre devient sombre, les journalistes de Gaza disent être déterminés à continuer.

 « Même si le monde est insensible à nos voix aujourd’hui, cela ne signifie pas que nous devons nous arrêter », déclare M. Miqdad d’Al Araby. « Nous devons continuer à raconter nos récits. »

Le correspondant spécial Taylor Luck a contribué à ce reportage depuis Amman, en Jordanie.

Source : Blog Mounadil al Djazaïri