Guerre contre Gaza : Pourquoi forcer le Hamas à désarmer ne mettra pas fin au génocide israélien

Saeed Ziad, 25 avril 2025.Au lendemain de l’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a déclaré la guerre à Gaza. Ses objectifs déclarés étaient de détruire le Hamas militairement et politiquement, de récupérer les prisonniers israéliens et d’éliminer Gaza comme menace future.

 

S’en est suivie la plus grande mobilisation militaire israélienne de l’histoire du pays, avec près d’un demi-million de soldats engagés et plus de 100.000 tonnes d’explosifs larguées.

Mais plus d’un an et demi plus tard, les objectifs fondamentaux n’ont toujours pas été atteints. Le Hamas est toujours opérationnel, de nombreux prisonniers israéliens se trouvent toujours à Gaza et la catastrophe humanitaire du territoire s’aggrave.

Incapable de revendiquer une victoire militaire, la politique israélienne a changé. La nouvelle exigence de l’État est le désarmement complet du Hamas, présenté comme une condition préalable nécessaire à la paix et à la stabilité régionale. Mais ce récit est dangereusement trompeur et déconnecté des réalités complexes du terrain.

Gaza ne possède pas d’armes lourdes telles que des avions, des chars ou des missiles balistiques, mais plutôt un stock limité d’armes fabriquées localement. En faisant de l’élimination des formes les plus rudimentaires d’autodéfense une condition préalable à la paix, Israël semble rechercher non pas la réconciliation, mais plutôt l’effacement total de la présence palestinienne à Gaza.

Les demandes de désarmement sont généralement formulées dans les phases finales d’un conflit, après une victoire militaire décisive qui contraint l’adversaire à capituler et à se soumettre. Un tel scénario ne s’est pas matérialisé dans la guerre en cours contre Gaza.

L’exigence d’Israël, loin de représenter une position de force, est un aveu tacite d’échec. N’ayant pas réussi à démanteler la structure de commandement et les brigades armées du Hamas par des moyens militaires, il cherche désormais à le faire par la pression politique. Mais l’idée que le Hamas, considéré comme un groupe terroriste au Royaume-Uni et dans d’autres pays, puisse être désarmé dans de telles conditions est à la fois invraisemblable et dangereuse pour un certain nombre de raisons.

Combler le vide

Premièrement, la résistance armée n’est pas monopolisée par le Hamas ; elle est ancrée dans le tissu social et politique plus large de la vie palestinienne. Pour de nombreux Palestiniens, la résistance n’est pas un luxe idéologique, mais une nécessité existentielle, profondément ancrée dans une histoire de déplacements, d’occupation et de promesses non tenues.

Les combattants ne sont pas toujours formellement affiliés à des factions. Ils sont souvent animés par un objectif commun, un traumatisme collectif et un sentiment d’injustice omniprésent. Dans un tel contexte, désarmer le Hamas – à supposer même que cela soit possible – ne garantirait pas la fin de la lutte armée, car d’autres groupes interviendraient probablement pour combler le vide en l’absence d’une résolution politique plus large s’attaquant aux racines du conflit.

Deuxièmement, le Hamas n’est pas l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et Gaza n’est pas Beyrouth. Établir des parallèles historiques avec le désarmement de l’OLP au Liban dans les années 1980 est une erreur. Le Hamas n’est pas une force étrangère opérant depuis l’exil ; c’est un acteur local, profondément ancré dans le territoire même qu’il gouverne.

De plus, le Hamas a survécu à près de deux décennies de blocus, d’assassinats et d’invasions de Gaza. Sa résilience repose non seulement sur son infrastructure militaire, notamment son célèbre réseau de tunnels, mais aussi sur son rôle symbolique de force qui perdure face à la puissance militaire israélienne écrasante.

Les tentatives de reproduire le désarmement forcé et l’exil de l’OLP méconnaissent la nature de l’ancrage du Hamas à Gaza. Elles risquent également de renforcer un modèle où l’échec des stratégies militaires alimente une radicalisation accrue et une instabilité durable.

Troisièmement, le désarmement sans justice est une impasse. Pour la plupart des Palestiniens de Gaza, la résistance n’est pas un choix entre la guerre et la paix, mais entre la survie et l’effacement. Avec des quartiers entiers rasés, plus de 50.000 Palestiniens tués et des générations traumatisées, l’idée que le simple fait de déposer les armes assurera la sécurité semble illogique et insultante. Ironiquement, les opérations militaires israéliennes alimentent la résistance même qu’elles visent à éteindre. L’érosion du soutien public à la guerre en Israël même suggère que la stratégie est non seulement en train d’échouer, mais qu’elle pourrait même se retourner contre elle.

Les leçons de l’histoire

Quatrièmement, l’histoire ne fournit guère de fondement à la confiance. Les appels au désarmement s’accompagnent souvent de promesses de reconstruction et de paix. Mais les Palestiniens ont déjà vu ces promesses s’effondrer, souvent avec des conséquences dévastatrices.

Pendant la guerre de Bosnie, le massacre de Srebrenica a suivi un désarmement imposé par l’ONU. Au Liban, le massacre de Sabra et Chatila a eu lieu sous la surveillance de la communauté internationale. Et en Cisjordanie occupée, des années de démilitarisation palestinienne ont coïncidé avec l’expansion des colonies israéliennes, des raids quotidiens et une violence incontrôlée.

Les Palestiniens sont parfaitement conscients de ces précédents historiques. Ils comprennent que le désarmement entraînerait probablement de nouveaux massacres et l’expulsion massive de sa population – des intentions que les responsables israéliens, y compris Netanyahou, n’ont pas dissimulées.

Ce seul fait suffit à contraindre les Palestiniens de Gaza à se poser une question fondamentale : pourquoi accepter le désarmement s’il ne met pas fin à la guerre, à la sécurité ou à la reconstruction ? Pourquoi rendre les armes si l’issue probable est une seconde Nakba et l’effacement complet de la présence palestinienne ?

Enfin, croire que le Hamas peut être totalement désarmé par la force militaire ou par un décret diplomatique sans s’attaquer à l’injustice sous-jacente de l’occupation est une illusion dangereuse. Les mouvements de résistance assiégés disparaissent rarement ; ils s’adaptent. Comme le montre l’histoire – de la montée du Hezbollah après le départ de l’OLP à l’insurrection post-invasion en Irak – les campagnes militaires qui ignorent les réalités politiques tendent à semer davantage de chaos.

Le désarmement ne peut être imposé avant la justice. Il ne peut être exigé sans aborder les questions fondamentales de l’occupation, du déplacement et des droits nationaux des Palestiniens. Une paix durable ne peut être obtenue par la force, mais seulement par un processus politique fondé sur la dignité, la souveraineté et la reconnaissance mutuelle.

D’ici là, insister sur le désarmement du Hamas comme condition préalable à la paix n’est pas une stratégie, mais plutôt une diversion – qui risque de prolonger un cycle de violence sans fin en vue.

L’illusion selon laquelle le désarmement peut conduire à une stabilité durable occulte une dure réalité : pour beaucoup à Gaza, le choix n’est pas entre la guerre et la paix, mais entre la résistance et l’effacement.

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A propos de l’auteur :

Saeed Ziad est un réfugié palestinien et chercheur en affaires politiques et stratégiques. Son compte X : @saeedziad

 

Article original en anglais sur Middle East Eye / Traduction MR