Partager la publication "Cisjordanie : le nouveau cœur de la lutte anti-impérialiste en Palestine"
NDLR : Cet article a été écrit avant la reprise des bombardements à Gaza et au Liban. Les auteurs considérent cependant que l’opération actuelle en Cisjordanie a toujours une place centrale.
La Cause du Peuple, 28 mars 2025. Peu après le cessez-le-feu à Gaza, l’armée israélienne a annoncé l’opération militaire « mur de fer ». Cette offensive de grande ampleur vise à éradiquer les camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem. La raison est bien simple : c’est là que se situe le cœur de la Résistance.

Décembre 2025 : Jénine se mobilise contre le siège de son camp et en soutien à sa population et aux combattants de la résistance, pris pour cible par l’Autorité palestinienne à la demande d’Israël.
L’annonce du cessez-le-feu à Gaza a été une immense victoire de la Résistance. Les scènes de liesse dans les rues de Gaza, mais aussi de Ramallah, Jénine, Tulkarem ou Naplouse contrastaient avec les mines défaites du gouvernement israélien battu. Déjà, l’ancien chef adjoint du Mossad, Ram Ben-Barak, lors d’une interview à la radio publique israélienne le 18 mai 2024 déclarait : « Cette guerre n’a pas d’objectif clair, et il est évident que nous sommes en train de la perdre. » Le cessez-le-feu a prouvé la justesse des paroles de Georges Abdallah en février 2024 : « Gaza ne portera jamais le drapeau blanc de la capitulation. Ni les sionistes, ni aucune autre criminelle force ne réussiront jamais à briser la volonté de la résistance à Gaza.» La victoire politique de la Résistance est totale. Le niveau d’unité à Gaza est très haut, les masses populaires ont fait rempart pour protéger leurs brigades armées, et sont toujours plus liées aux combattants. Tout cela a été clair avec le plan des généraux, qui a été un échec total dû au refus des masses palestinienne de quitter Jabalia. Les déclarations de Trump « à long terme » ne sont qu’un effet d’annonce pour montrer à ses partisans qu’il garde une ligne de marche à la guerre.
Mais les faits sont là : Gaza ne s’est pas isolée de la Cisjordanie ; bien au contraire, la Cisjordanie et Gaza ont été politiquement unifiées. Les camps de réfugiés de Syrie, du Liban et de Jordanie bouillonnent pour la Résistance. Les accords d’Oslo de 1993 sont définitivement enterrés, et le Hamas, à la tête de la Résistance, a ébranlé l’hégémonie américaine sur le Moyen Orient. Et cela malgré l’isolement relatif et la faiblesse du mouvement de soutien international, qui, dans une période de recomposition des forces de la Révolution, est très loin d’atteindre le niveau de conflictualité des mouvements anti-impérialistes des années 30 ou 70. Les masses palestiniennes ont prouvé, presque seules, et par les actes, leur rejet des accords d’Oslo, des traîtres du Fatah et de l’OLP, et de la « normalisation ».
A l’inverse, la société israélienne semble plus fragilisée que jamais : fuite massive des Israéliens (85.000 départs en 2024), croissance démographique à l’arrêt, effondrement du PIB, arrêt de nombreux secteurs économiques, manifestations massives, affrontements violents entre factions de la société israélienne (matérialisés par les grandes manifestations), menaces de l’armée…
Ce constat établi, il faut rappeler que le cessez-le-feu n’est pas la fin de la guerre ouverte en Palestine. La guerre entre les masses opprimées, entre la Nation, et l’Impérialisme, entre la Palestine et Israël, ne s’arrête jamais depuis 75 ans. Toutefois, la guerre est tantôt ouverte, tantôt larvée. C’est donc la Cisjordanie qui est devenue le Front principal de la guerre. C’est en Cisjordanie que nous voyons le mieux ce que représente la guerre en Palestine : une guerre de l’impérialisme pour accaparer la terre. Dans les camps de réfugiés de Gaza, de Naplouse, de Tubas ou de Tulkarem comme dans les villages, ce sont des paysans chassés de leurs terres, des paysans pauvres, c’est toute la misère produite par l’impérialisme, qui a pris les armes pour reprendre la terre et la travailler.
Le basculement effectif a commencé dès le 5 décembre 2024, alors que les négociations sur l’accord de cessez-le-feu à Gaza ne faisaient que progresser. C’est l’Autorité Palestinienne (AP) qui a imposé le siège de Jénine. L’AP, dirigée par le Fatah, le parti historiquement le plus puissant de l’Organisation de Libération de la Palestine, est considérée par l’immense majorité des Palestiniens comme une organisation traître, corrompue, à la solde d’Israël, qui ne survit que parce qu’elle donne des salaires aux forces de sécurité et aux fonctionnaires et qui peut donc faire vivre une fraction de la population. Dès le 5 décembre, donc, le siège de Jénine est mis en place pour « combattre le terrorisme ». Il est facile de comprendre l’objectif de l’AP dans le cadre des négociations. Les impérialistes US envisageaient de redonner le gouvernement de Gaza à l’AP. Cette dernière s’est donc totalement couchée devant les Américains et leur valet sioniste, pour montrer patte blanche, en ciblant les organisations de Résistance de Jénine. Le 17 janvier, le siège a été levé avec un accord entre l’AP et les Résistants.
30 mars 2025 : Ce matin, les forces d’occupation israéliennes qui ont envahi Jénine ont tiré des gaz lacrymogènes sur des Palestiniens qui se rendaient sur les tombes de leurs proches pour l’Aïd. Les familles ont été obligées de fuir alors que plusieurs personnes souffraient de suffocation et étaient hospitalisées. Source VIDEO : Quds News Network
Répit de courte durée, puisque dès le 21 janvier, l’opération « mur de fer » est lancée. Il s’agit d’une grande offensive pour éradiquer la Résistance à Jénine. D’autres opérations sont menées, particulièrement contre Tulkarem et Tubas. Les camps de réfugiés où sont concentrées les populations et la misère sont le cœur de la Résistance, c’est logiquement qu’ils ont été ciblés par les forces israéliennes. Là, les forces de sécurité de l’AP disparaissent, refusant de se battre au côté de leur peuple violemment attaqué.
Des dizaines de milliers de Palestiniens de Cisjordanie, dans leur immense majorité des camps de réfugiés, sont chassés de leur maisons par les bombardements et les destructions. Pour la première fois, l’armée israélienne a utilisé des véhicules de transport blindés, ce qu’elle n’avait jamais fait jusqu’à ce mois de février 2025 en dehors de Gaza. L’invasion de la Cisjordanie par Israël va toutefois régler définitivement la question de l’AP. Au carrefour entre les camps de réfugiés de Syrie, du Liban et surtout de Jordanie (ou 4,3 millions de Palestiniens vivent), mais aussi à moins de 70 km de Gaza, la Cisjordanie est au bord du soulèvement et va devenir le carrefour de la Résistance au Moyen-Orient. L’Autorité Palestinienne ne pourra que prendre les armes contre Israël ou disparaitre définitivement.
Car la Cisjordanie, comme toute la Palestine, est une terre historique de Résistance. À Jénine, particulièrement, le bataillon de Jénine regroupe les brigades Al-Qassam du Hamas, les brigades Al-Qods du Jihad Islamique Palestinien, et ce depuis de nombreuses années, mais également les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa – Jeunesse de la Vengeance et de la Libération, un groupe dissident du Fatah. À Naplouse, la Fosse aux Lions a été une grande avancée dans l’unité de la Résistance ; avec l’unification de tous les jeunes résistants sous une direction commune, sans affiliation partisane. Même si l’organisation est considérablement affaiblie, ce principe existe partout en Cisjordanie, avec les « Comités de Résistance Populaire », qui regroupent les différentes factions existantes. La situation géographique, avec les murs, les checkpoints, les routes de contournement, isole les différentes localités et oblige les résistants à s’unir avec toutes les forces souhaitant lutter.
En Cisjordanie, la Résistance, bien que très unie, n’a pas le niveau de développement de Gaza. C’est dû, en partie, au cloisonnement géographique, au fait que la population est moins concentrée. Mais aussi à la question de l’Autorité Palestinienne, qui divise le peuple. Des centaines de jeunes résistants ont été tués depuis le 7 octobre, et c’est parfois une génération entière de Résistants qui disparait ; toutefois, cela n’a pas affaibli la Résistance, qui continue à agir et se renforcer partout en Cisjordanie. Ainsi, nous voyons de régulières embuscades contre les soldats israéliens dans les camps de réfugiés de Jénine, Naplouse ou Tulkarem, avec des explosifs artisanaux (mais d’une qualité professionnelle) ou des armes lourdes. Des attaques martyrs contre des soldats (c’est-à-dire des opérations où le ou les résistants n’ont quasiment aucune chance de survivre) sont de plus en plus nombreuses, particulièrement en Cisjordanie. Quelques-unes ont également été recensées dans les territoires de 48, c’est-à-dire au cœur de l’État israélien, où vivent près de 2 millions de Palestiniens avec la nationalité israélienne.
Bien que moins développée qu’à Gaza, le cœur de cette Résistance est la juste révolte contre l’oppression ; la guérilla basée sur les masses les plus larges qui protègent la Résistance ; et enfin l’idée que seuls les fusils peuvent apporter la libération contre l’impérialisme. En ce sens, comme à Gaza, la Résistance en Cisjordanie ne peut que se développer, grandir, malgré les rivières de sang ; et ne peut être vaincue. Plus, elle est en lien organique avec les camps de réfugiés palestiniens de tout le Moyen-Orient, du Liban, de Jordanie, de Syrie, mais aussi avec les Palestiniens de 1948. La Cisjordanie, plus que Gaza, représente le cœur d’un Moyen-Orient soumis de plus en plus à la pression américano-sioniste. Or, là où il y a oppression, il y a résistance, et cette résistance anti-impérialiste commence déjà à se lever, contre les traîtres d’HTS en Syrie, vendus aux Américains et contre l’occupation sioniste, mais également au Liban, avec le Hezbollah et bien au-delà. Rappelons que 70 % des colons du nord ont fui leurs domiciles, de peur des frappes venues du sud Liban. Enfin, en Jordanie, les camps de réfugiés représentent encore une partie significative de la population prête à se soulever. Tout le Moyen-Orient est une poudrière.
Car la dialectique veut que toute chose ait deux aspects ; et si la guerre au peuple palestinien est si brutale, c’est parce que la Résistance n’a jamais été aussi forte. Et la guerre d’agression sioniste n’est que le symptôme de la décomposition du système impérialiste arrivé à bout de souffle.
Source : La Cause du Peuple