Partager la publication "Il faut protéger la littérature palestinienne des attaques d’Israël"
Ramona Wadi, 11 février 2025. Comme l’a montré le récent raid sur la Librairie Éducative à Jérusalem-Est occupée, la littérature liée à la Palestine est continuellement menacée d’anéantissement par Israël. Cette attaque devrait inciter l’Occident à une profonde introspection.
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Au lendemain de l’attaque israélienne, la librairie éducative de Jérusalem-Est est pleine de clients venus montrer leur solidarité avec Ahmad et Mahmoud Muna, propriétaires de la librairie, arrêtés par la police de l’occupation. Les accusations d’incitation ont été abandonnées mais les deux hommes sont toujours détenus pour « trouble à l’ordre public »
On a décrit la librairie comme ayant une grande notoriété et une halte pour de nombreux visiteurs, y compris des diplomates. En y faisant une descente et en arrêtant ses propriétaires, Israël envoie un message aux Palestiniens : soit ils restent cachés, soit ils risquent d’être vaincus. Pour le reste du monde, que signifie cette incursion ? Que même leur lecture, en Palestine colonisée, peut être soumise à la violence coloniale israélienne.
Les médias israéliens ont rapporté que la police ayant mené la perquisition a dû utiliser Google Translate pour vérifier le contenu, et a pris ce qui ne leur plaisait pas. Les officiers, a-t-on rapporté, « ont découvert plusieurs livres contenant des propos d’incitation et des thèmes nationalistes palestiniens. »
Un coup d’œil à plusieurs photos montrant l’intérieur de la librairie révèle de nombreux livres publiés par des éditeurs internationaux. Israël ne ménage rien – quelque chose que ses soutiens en Occident devraient prendre en compte pour l’avenir. L’action visait la librairie et ses propriétaires, mais les livres sont un effort collaboratif. Ce qui signifie, par défaut, que la violation s’étend à un cercle beaucoup plus large – un cercle qui englobe toute forme de soutien ou de collaboration avec la politique, l’histoire, la mémoire et les récits des Palestiniens.
La littérature palestinienne, et la littérature sur la Palestine, se dressent en contraste frappant avec la politique de l’oubli. C’est à travers la littérature que beaucoup de la Palestine est diffusée à l’échelle mondiale, à travers des livres que le monde a l’occasion de comprendre la lutte anticoloniale palestinienne et les vies palestiniennes. Au-delà des versions abrégées que les médias grand public assainissent et diffusent, veillant à ne pas contrarier Israël, l’humanité palestinienne se trouve dans la littérature.
Nous nous connectons à travers la lecture, construisons une compréhension, faisons les liens nécessaires entre l’histoire et le présent. Nous voyons la Palestine sous divers angles, allant de la nostalgie historique au présent colonisé, ce qui y a conduit et comment les gens sont affectés. Comment le monde a conspiré pour créer le dernier bastion colonial avec une impunité totale. À travers les livres, les Palestiniens peuvent exprimer ce que l’Occident leur a enlevé et, par conséquent, il faut protéger l’espace que les livres offrent.
Ironiquement, Israël a donné plus qu’assez de raisons pour que la littérature liée à la Palestine soit protégée. Le génocide israélien à Gaza est un exemple récent – la Bibliothèque publique Edward Said était l’un des espaces sûrs ciblés et détruits, tout comme les universités, les écoles et les centres culturels.
Ce qu’Israël a fait à Jérusalem-Est occupée est un acte que la communauté internationale peut considérer comme l’une de ses incursions de routine – aucune de ces incursions n’aurait dû être normalisée. Mais l’intention derrière cela est claire – Israël mène une guerre contre tout ce qui ne soutient pas son récit colonial et son plus grand adversaire restera le peuple palestinien colonisé.
L’Occident, cependant, ferait bien de garder à l’esprit que chaque action israélienne aura finalement des répercussions plus larges. L’attaque d’Israël contre la Librairie Éducative et la confiscation de certains livres est une attaque contre l’expression palestinienne et aussi une attaque contre quiconque souhaite accéder à une telle littérature depuis la librairie. Dans le grand schéma de la complicité politique, une librairie est la moindre des préoccupations des dirigeants mondiaux.
Pour le peuple, qui est de loin plus nombreux que n’importe quel gouvernement, une librairie a de l’importance. Pour qu’Israël réussisse à effacer les Palestiniens, la littérature est une cible principale. Pour le reste du monde, cela devrait servir d’avertissement. Les éditeurs du monde entier ont publié de la littérature palestinienne. Jusqu’où Israël peut-il dicter son récit de sécurité ? Plus la Palestine est marginalisée, plus la Palestine est le lien vers tout.
Article original en anglais surMiddle East Monitor / Traduction MR