Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 302/ 5 février – La crise humanitaire à Gaza, une tragédie qui s’aggrave

Brigitte Challande, 6 février 2025. On peut sincèrement se demander dans quel monde on vit : avec d’un côté un discours totalement déraisonné, surréaliste, absurde et dangereux d’un Trump allié aux Israéliens, et de l’autre une situation effroyable de la population gazaouie depuis plus de 15 mois, dans le silence complice de toute une communauté internationale. C’est de cela que nous parle Abu Amir jour après jour dans ses textes précis, sourcés et concrets.

GAZA N’EST PAS A VENDRE

« Dans des conditions catastrophiques après quinze mois de guerre, les habitants de Gaza s’interrogent sur la capacité de l’aide humanitaire entrant dans la bande de Gaza à répondre aux besoins croissants. Bien qu’un cessez-le-feu de six semaines ait été établi entre Israël et le Hamas, la crise humanitaire persiste, et les Gazaouis redoutent une reprise des combats si l’accord actuel venait à s’effondrer.

Aide Internationale : entre promesses et défis

Malgré l’annonce d’Israël autorisant l’entrée de 600 camions d’aide humanitaire par jour — une augmentation significative — la distribution de cette aide rencontre de nombreux obstacles. Parmi eux, la destruction des routes et des infrastructures, les procédures de contrôle israéliennes et la menace posée par les munitions non explosées. Selon le Programme alimentaire mondial, les quatre premiers jours du cessez-le-feu ont vu la distribution de plus d’aide alimentaire qu’au cours de n’importe quel mois de guerre.

Obstacles aux efforts humanitaires

Les rapports des organisations humanitaires indiquent que les défis pour acheminer l’aide persistent. Le principal obstacle réside dans les inspections strictes menées par Israël et la difficulté de coordination avec le Bureau [israélien] de Coordination des Activités Gouvernementales dans les Territoires (COGAT). De son côté, Israël accuse les Nations Unies et les organisations humanitaires de ne pas distribuer efficacement l’aide une fois qu’elle est entrée dans Gaza.

Aujourd’hui 5.2, la pluie a rendu la situation des Palestiniens sans abri encore plus difficile.

Hausse des prix malgré l’augmentation de l’aide

Malgré l’afflux d’aide à Gaza, les prix des produits de première nécessité continuent de peser sur la population.L’aide ne parvient pas à tout le monde, obligeant une grande partie de la population à acheter ses besoins sur les marchés locaux. Si certains prix ont légèrement baissé, le coût de la farine, du gaz de cuisine est toujours trois fois plus élevé qu’avant la guerre, ajoutant aux souffrances d’une population déjà privée de revenus et dont les économies ont été épuisées par la guerre.

Dans le nord de Gaza, les habitants signalent que l’afflux d’aide n’a pas atténué la crise, mais a plutôt renforcé le rôle des intermédiaires corrompus qui monopolisent l’aide et la revendent à des prix exorbitants. Alors que les familles manquent de tentes et d’abris, les marchés sont inondés de produits non essentiels tels que le chocolat, les fruits secs et les cigarettes.

Restrictions israéliennes sur les biens essentiels

Les restrictions demeurent sur certains produits considérés à « double usage », tels que les équipements de dessalement de l’eau, les équipements de pompage de l’eau et les matériaux de reconstruction. Ces restrictions aggravent la situation des hôpitaux et des usines de dessalement, déjà confrontés à de graves pénuries de carburant. De plus, l’entrée de fournitures médicales essentielles reste compliquée ; le Hamas a accusé Israël d’entraver la livraison de matériel médical et d’outils de reconstruction. Des rapports indiquent que certains articles, comme les grandes tentes, les sacs de couchage et les toilettes portables, peuvent entrer sans autorisation préalable d’Israël. Cependant, les matériaux de construction de base nécessitent des approbations spéciales, ce qui entrave les efforts de secours.

Destruction massive et souffrance croissante

La guerre a laissé Gaza en ruines. Selon les Nations Unies, 69 % des bâtiments ont été rasés, et 68 % du réseau routier a subi des dégâts considérables. On estime que le seul déblaiement des décombres pourrait prendre 21 ans et coûter plus de 1,2 milliard de dollars, tandis que plus de 10.000 corps restent ensevelis sous les gravats.

Concernant les services de base, l’approvisionnement en eau ne représente qu’un quart de ce qu’il était avant la guerre. Les hôpitaux ont subi de lourds dégâts, avec seulement 17 unités médicales partiellement opérationnelles sur 36. Les écoles, les universités et les lieux de culte n’ont pas non plus été épargnés : plus de 136 écoles et universités, 823 mosquées et trois églises ont été détruites.

Sécurité alimentaire en péril

Les terres agricoles de Gaza ont été massivement détruites par la guerre. Selon les données de l’ONU, plus de la moitié des terres cultivables ont été dévastées, menaçant gravement la sécurité alimentaire dans l’enclave. En outre, 95 % du bétail a été perdu, rendant l’accès à la nourriture encore plus difficile pour les habitants.

Réactions internationales et propos polémiques de Trump

Rassemblement contre la déclaration de Trump, Washington, 5 février (vidéo Freedomnews.tv publiée sur le compte X de World News)

En pleine catastrophe humanitaire, le président américain Donald Trump a tenu des propos choquants en affirmant que « Gaza pourrait devenir la Riviera du Moyen-Orient » si sa population était déplacée et réinstallée ailleurs. Il a suggéré que les États-Unis prennent le contrôle de Gaza et supervisent l’élimination des munitions non explosées. Ces déclarations ont suscité une vague d’indignation, les responsables arabes mettant en garde contre un discours qui met en péril le fragile cessez-le-feu. Ils ont affirmé que les Gazaouis refuseraient toute tentative de déplacement forcé.

Gaza seule face au monde

Au milieu de cette destruction massive et de cette tragédie humanitaire persistante, Gaza reste assiégée, faisant face à une pression constante des grandes puissances, tandis que la justice reste silencieuse. Ses habitants, accablés par la faim, le déplacement et la maladie, voient leur souffrance s’intensifier. L’espoir demeure dans l’instauration d’un cessez-le-feu permanent, la reconstruction et la levée du blocus, afin que les Palestiniens puissent reconstruire leur vie et retrouver leurs droits légitimes. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

Cliquez ici pour consulter les Témoignages du 20 novembre 2023 au 5 janvier 2025.

Partie 270 / 6 janvier ; Partie 271 / 7 janvier ; Partie 272 : 8 janvier ; Partie 273 : 10 janvier ; Partie 274 / 11 janvier ; Partie 275 / 11 janvier (1) ; Partie 276 : 12 janvier ; Partie 277 : 13 janvier ; Partie 278 : 14 janvier. Partie 279 : 15 janvier. Partie 280 : 16 janvier. Partie 281 : 16 janvier/1. Partie 282 : 17 janvier. Partie 283 : 18 janvier. Partie 284 : 18 janvier/1. Partie 285 : 19-20 janvier. Partie 286 : 22 janvier. Partie 287 : 22 janvier/1. Partie 288 : 23 janvier. Partie 289 : 23 janvier-1. Partie 290 : 25 janvier. Partie 291 : 26 janvier. Partie 292 : 27 janvier. Partie 293 : 28 janvier. Partie 294 : 28 janvier (1). Partie 295 : 29 janvier. Partie 296 : 30 janvier. Partie 297 : 31 janvier. Partie 298 : 1er février. Partie 299 : 1er février/1. Partie 300 : 2 février. Partie 301 : 4 février.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFPAltermidi et sur Le Poing.