Témoignages de Gazaouis : La survie qui s’organise au jour le jour dans l’enfer de Gaza – partie 285 / 19-20 janvier  – La joie de la trêve mêlée au choc de la découverte du terrain

Brigitte Challande, 21 janvier 2025. Le soir du 19 janvier, Abu Amir nous envoie ce texte qui décrit des scènes tragiques, un chaos difficile à gérer et des tensions persistantes après 471 jours de guerre génocidaire.

« Escalade des attaques israéliennes au premier jour de la trêve et retour des déplacés dans leurs zones détruites

Malgré l’annonce de l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza dimanche matin, les premières heures ont été marquées par une escalade israélienne massive qui a ciblé plusieurs zones du territoire. La trêve, qui devait commencer à 8h30, a été retardée par Israël, qui a justifié ce délai par l’absence de liste des prisonnières que le Hamas devait fournir dans le cadre du premier échange.

Déclarations contradictoires sur l’engagement d’Israël envers la trêve

Dans les premières heures de la journée, le porte-parole de l’armée israélienne a déclaré que le cessez-le-feu ne prendrait effet que si le Hamas respectait ses engagements en remettant la liste demandée. En revanche, le Hamas a affirmé dans un bref communiqué qu’il respectait les termes de l’accord, expliquant que le retard dans la remise de la liste était dû à des raisons techniques et opérationnelles. Cette déclaration est intervenue après que le bureau du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a ordonné à l’armée de poursuivre ses attaques jusqu’à réception des noms. Ces déclarations contradictoires ont eu un impact direct sur le terrain, où les forces israéliennes ont continué de mener des frappes intenses sur le nord et le centre de Gaza, provoquant de nombreuses victimes civiles. Parmi les zones ciblées figuraient les quartiers de Zaytoun et Beit Hanoun, où plusieurs personnes ont été tuées ou blessées.

Scènes tragiques dans les zones détruites

En parallèle, des milliers de déplacés sont retournés ce matin dans leurs zones détruites malgré la poursuite des bombardements dans certaines régions. À Rafah, d’où les véhicules militaires israéliens se sont retirés vers la frontière palestino-égyptienne, les habitants ont été confrontés à des scènes de destruction choquantes après un déplacement forcé qui durait depuis le 7 mai dernier. D’autres zones, comme les camps de Jabalia et Beit Lahia au nord de la bande de Gaza, ont également vu le retour de centaines d’habitants venus inspecter leurs maisons. Malgré les tensions sécuritaires, on a observé une présence accrue de la police et des forces de sécurité palestiniennes dans plusieurs zones pour maintenir l’ordre. Des hommes armées ont tiré en l’air pour célébrer l’annonce du cessez-le-feu.

Poursuite des bombardements et aggravation de la situation humanitaire

Bien que l’accord de cessez-le-feu ait officiellement pris effet après que le Hamas ait remis la liste des 3 prisonnières, les forces israéliennes ont continué de cibler plusieurs zones. Des bombardements aériens et d’artillerie ont touché des quartiers résidentiels et des cibles civiles dans le sud et le centre de Gaza, causant de nouvelles blessures, notamment parmi ceux qui inspectaient leurs maisons détruites à Rafah. Des drones israéliens ont continué de survoler la région, et a largué des explosifs sur des rassemblements de civils, ce qui a accru la peur et la tension parmi la population.

Démantèlement du camp des agriculteurs dans le chaos

Par ailleurs, le camp des agriculteurs à l’est de Khan Younès, établi pour abriter les déplacés, a connu un démantèlement chaotique ce matin. Les agriculteurs ont quitté le camp après l’annonce de la trêve, provoquant un désordre important en raison de la forte affluence. L’administration du camp n’a pas réussi à gérer la situation, et la plupart des résidents sont retournés dans leurs régions d’origine, malgré l’ampleur des destructions.

Une conclusion sombre après une nuit de veille

Les habitants de Gaza ont passé une nuit sans sommeil, attendant avec anxiété l’entrée en vigueur du cessez-le-feu au 471ᵉ jour de la guerre génocidaire menée par Israël contre le territoire. À l’aube, la souffrance persistait, avec des équipes de secours et de défense civile se précipitant vers les zones détruites pour rechercher les corps des morts et secourir les blessés piégés sous les décombres.

Malgré l’annonce de la trêve, la situation humanitaire reste critique et les souffrances se poursuivent. Cela soulève une question cruciale : cette trêve fragile pourra-t-elle tenir face aux défis sur le terrain et aux tensions persistantes ? »


Cessez-le-feu à Gaza : une joie mêlée de choc et de destruction

Le 20 janvier, Abu Amir nous envoie cette réflexion à partir du terrain.

Les Palestiniens de retour découvrent l’ampleur des destructions dans le sud de la bande de Gaza.

« Avec l’entrée en vigueur hier, dimanche, de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, les rues de la bande de Gaza ont vu affluer une grande foule de Palestiniens, venus exprimer des sentiments partagés de joie et de tristesse. Certains sont sortis célébrer le calme qui a suivi quinze mois de violence et de destruction, tandis que d’autres se sont rendus sur les tombes des proches qu’ils ont perdus pendant la guerre. Parallèlement, beaucoup sont retournés chez eux pour évaluer ce qu’il en restait après les bombardements.

Retour dans les zones détruites

Dès les premières heures du cessez-le-feu, les Palestiniens ont commencé à revenir dans les zones qu’ils avaient été contraints de quitter en raison de l’agression, en particulier dans les régions orientales du sud de la bande de Gaza et dans le sud de la ville de Rafah. Bien que les habitants se réjouissent de la fin de l’effusion de sang, le choc a été insupportable lorsqu’ils ont découvert l’ampleur des destructions infligées à leurs maisons et à leurs quartiers. Rafah et le nord de la bande de Gaza semblaient, pour les habitants de retour, avoir été ravagés par un ouragan. Beaucoup ne pouvaient même plus reconnaître l’emplacement de leurs maisons, réduites à des décombres.

Les Palestiniens de retour à Beit Hanoun découvrent un char détruit de l’armée d’occupationn (photo Hossam Shabat).

La tragédie des agriculteurs

Dans les régions d’Abu Taima et de Khuza’a, la catastrophe a été encore plus accablante. Plus de 70 % des maisons ont été complètement détruites, tandis que les autres ne sont plus habitables. Ces scènes déchirantes ont poussé des centaines d’agriculteurs à laisser leurs familles dans des camps, tandis qu’ils cherchaient désespérément un endroit où s’installer, où déplacer leurs proches.

La destruction des zones agricoles n’a pas seulement touché les habitations, mais aussi les terres cultivables et d’autres biens essentiels à la subsistance des agriculteurs. Ces pertes matérielles considérables ont aggravé la souffrance, laissant des familles entières confrontées à un immense défi pour reconstruire leur vie.

Une réalité amère pour les habitants

À chaque pas qu’ils faisaient vers leurs maisons, les habitants de retour étaient frappés par le choc. Les maisons qui les abritaient sont transformées en ruines, et les biens qu’ils avaient accumulés au fil des ans gisaient sous les décombres. Malgré la joie de voir cesser les bombardements, la dure réalité pointe à l’horizon : les habitants devront affronter des années de souffrance face à l’absence de logements et à la destruction des infrastructures de base.

Défis à venir

Il est clair que la joie qui a envahi la bande de Gaza avec le début du cessez-le-feu ne durera pas longtemps. La dure réalité vécue par les habitants, confrontés à la destruction de leurs maisons et à la perte de leurs moyens de subsistance, rendra la vie quotidienne extrêmement difficile. Une aide humanitaire et une reconstruction seront indispensables pour alléger les souffrances, mais cela ne suffira pas à effacer les profondes cicatrices laissées par l’agression.

Gaza reste un exemple vivant de la résilience du peuple palestinien face à des tragédies répétées. Avec la fin de la dernière vague de bombardements, les habitants montrent leur détermination à reconstruire leur vie malgré toutes les difficultés. Mais l’espoir seul ne suffira pas ; ils ont besoin d’un soutien international réel et concret pour participer à la reconstruction et créer les conditions d’une vie digne. Entre la joie de voir le sang cesser de couler et le choc de l’ampleur des destructions, Gaza vit des jours mêlant défis et espoir. »


Retrouvez l’ensemble des témoignages d’Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l’Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l’enfance.

Tous les deux sont soutenus par l’UJFP en France.

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