Les chiffres sur la hausse de l’émigration juive choquent les Israéliens

Middle East Monitor, 15 janvier 2025. Le rapport du Bureau central israélien des statistiques de ce début d’année 2025 concernant l’émigration des juifs est comme de l’huile sur le feu des conflits politiques en Israël, car le chiffre sombre apparaissant dans les gros titres des médias israéliens représentait le solde de l’inversion de l’immigration hors de l’État d’occupation. 82.000 individus ont quitté le pays, ce qui est une mauvaise nouvelle pour les cercles politiques et sécuritaires israéliens.

Cette statistique choquante s’est immédiatement transformée en un nouveau débat politique parmi les Israéliens, s’ajoutant à leur série de débats sans fin, d’autant plus que les données disponibles indiquaient que cette immigration se concentrait sur les professionnels, les médecins et les techniciens en raison de leur désespoir face aux conditions de l’État.

Alors que les partisans de la droite ont exploité ces chiffres choquants pour critiquer ceux qui migrent de l’État, les opposants au gouvernement les ont utilisés pour l’attaquer. Entre les deux camps, le phénomène de la migration inverse est devenu un autre front de bataille qui s’ajoute à la guerre sur sept fronts menée par l’État occupant, et la preuve que la vie dans cette bande de Gaza est devenue insupportable.

Alors que les Israéliens semblent pressés de s’opposer et de diverger sur l’exactitude de ces chiffres, et de se rejeter la faute les uns sur les autres, il est impossible de comprendre ce qui provoque la forte augmentation de cette migration inverse, étant donné les affirmations des Israéliens qui migrent hors de l’État selon lesquelles ils ont perdu espoir en lui.

En même temps, ces données confirment que les experts dans les domaines de la technologie, de l’économie, de la médecine et de la culture sont les principaux exemples de ceux qui migrent hors de l’État, car ils ne sont plus en mesure de trouver une place pour eux-mêmes dans un État qui promeut des lois limitant leur liberté personnelle, étouffant la créativité et supprimant leur propriété privée. Il convient de noter que la migration inverse des juifs a commencé à l’époque des manifestations contre le coup d’État légal, la guerre de Gaza ayant donné à beaucoup d’entre eux le sentiment qu’il était temps de partir.

En outre, la politique économique injuste du gouvernement de droite, l’opposition des Haredi au service militaire obligatoire, les menaces contre les institutions universitaires, les attaques contre la Cour suprême, la guerre en cours à Gaza et le refus de récupérer les soldats kidnappés ont ravivé les craintes des Israéliens, leur manque de confiance dans leur État et leur crainte d’être confrontés à de nouveaux problèmes et de ne pas pouvoir y retourner à l’avenir.

En plus des médias qui ont rapporté les données sur l’émigration juive, ces derniers mois, les centres de recherche israéliens se sont concentrés de manière notable sur la tendance croissante des jeunes juifs instruits à quitter le pays, ce qui pourrait nuire à son économie et à sa structure sociale. Leurs motivations pour partir incluent l’instabilité politique, la situation économique, le coût de la vie, les tensions sociales et la crainte d’un coup d’État légal.

Ce qui inquiète vraiment Israël, c’est l’âge de ces émigrés : 48 % d’entre eux ont entre 20 et 45 ans, et 27 % sont des enfants et des adolescents. La grande majorité d’entre eux ont moins de 45 ans et recherchent une meilleure qualité de vie, en raison de la détérioration de la situation économique, de l’augmentation du coût de la vie et de la difficulté d’obtenir un logement et un emploi, avec un plus grand degré d’incapacité à accéder à de bons services publics.

Il existe une croyance répandue parmi les Israéliens selon laquelle les répercussions de cette migration inverse sur Israël seront majeures, alors que le gouvernement de droite se contente de s’attaquer au phénomène par des messages « populistes » sur Internet, sans analyse approfondie et sans proposer de solutions pratiques. En effet, dans la pratique, ces émigrés ont un sentiment amoindri d’appartenance à l’État et à sa culture, et leur lien avec celui-ci s’est affaibli en raison du choc de la guerre, de la perte de confiance dans les dirigeants et de la crise économique.

Le nombre croissant d’Israéliens qui quittent l’État occupant pour retourner dans leur pays d’origine coïncide avec la vague de sentiments anti-occupants et de haine qui fait rage dans le monde en raison des crimes commis contre le peuple palestinien. Compte tenu de la division politique et sociale dont le pays est le témoin, le résultat immédiat de ce phénomène est la séparation radicale des émigrants de leur pays, de leur famille, de leurs amis et de leur environnement immédiat, et, dans certains cas, l’impossibilité de revenir en arrière.

En conclusion, le phénomène de l’émigration des juifs d’Israël vers l’étranger est un échec moral de l’État et une déclaration explicite de son échec à renforcer le lien des juifs venus du monde entier avec une terre occupée qui n’est pas la leur. C’est le résultat attendu de l’approfondissement des divisions sociales ces dernières années, de la prévalence d’une rhétorique de division et d’incitation à la haine entre les juifs et de la permission donnée par l’État aux forces fascistes extrémistes d’entraîner le reste des Israéliens dans des conflits internes dangereux qui pourraient détruire ce qui reste de l’immunité de l’État.

Article original en anglais sur Middle East Monitor / Traduction MR