Intention, action et silence génocidaires

Ramona Wadi, 18 juin 2024. Alors que les institutions internationales débattent encore de la question de savoir si Israël commet un génocide à Gaza et que les exportations d’armes d’Israël ont atteint le chiffre record de 13,1 milliards de dollars en 2023, un rapport de l’AP détaille comment l’État d’occupation tue « des familles palestiniennes entières ». Un génocide est en train de se produire et la communauté internationale est tellement impressionnée par l’efficacité d’Israël que le ministre de la Défense Yoav Gallant a qualifié les ventes d’armes record pour 2023 de « certificat d’honneur ».

Rafah, 27 mai 2024.

Ce même « certificat d’honneur » est lié au génocide qui, pourrait-on supposer, dans le récit israélien, nécessite un autre certificat. La communauté internationale n’hésiterait pas à formuler une recommandation aussi pertinente, si le génocide n’était pas consacré comme le pire de tous les crimes par le droit international. Jusqu’à présent, la communauté internationale ne peut pas s’engager dans une aberration aussi explicite.

« Les gouvernements ont exprimé leur soutien en investissant financièrement dans le génocide sous prétexte de « sécurité et de défense » d’Israël. »

Loin des cercles diplomatiques qui ont normalisé le génocide et l’ont rendu possible, le rapport de l’AP donne des preuves tangibles de ce à quoi ressemble l’anéantissement d’une population entière. Tout comme les récits et les recherches sur la Nakba de 1948, bien sûr, mais la communauté internationale a déployé des efforts considérables pour séparer Israël de la réalité de sa création qui dépendait du nettoyage ethnique des villes et villages palestiniens. Et à part les Palestiniens eux-mêmes, parce que leur conscience historique est vécue quotidiennement, rares sont ceux qui prennent le temps de considérer que le 7 octobre et ses conséquences continues constituent une autre partie du plan sioniste de colonisation de toute la Palestine.

Entre octobre et décembre 2023, note AP, 60 familles ont été complètement anéanties à Gaza ; « parfois quatre générations issues d’une même lignée ». Deux autres observations du rapport sont tout aussi dévastatrices. Dans certains cas, presque aucun membre de la famille ne peut documenter le bilan familial en raison du nombre de Palestiniens de la même famille tués par Israël. Dans une autre mesure de perte, un Palestinien, Youssef Salem, a déclaré qu’il « a passé des mois à remplir une feuille de calcul avec les détails vitaux de leur [famille] à mesure que la nouvelle de leur décès était confirmée, pour préserver un dernier lien avec le réseau de relations dont il pensait qu’il se développerait pendant des générations.

C’est un regard cru sur le génocide en termes de pertes personnelles et de chagrin, et pourtant la communauté internationale ne fait toujours rien. Malgré les histoires derrière les massacres dévastateurs israéliens à Gaza, malgré les preuves visuelles de la destruction presque complète de Gaza par les bombardements israéliens, le génocide est toujours débattu comme s’il s’agissait d’une question insignifiante. Cette attitude reflète le traitement réservé par la communauté internationale aux Palestiniens, considérés comme une population à protéger tout en les privant de leur dignité fondamentale et de leurs droits politiques.

Les Palestiniens parlent depuis des décennies, mais la communauté internationale a tenté de les faire taire par la diplomatie, leur causant ainsi de nouvelles pertes de personnes et de terres. Israël réduit désormais au silence des générations de Palestiniens en les tuant et le silence diplomatique résonne haut et fort, au point que les condamnations occasionnelles semblent plus creuses que jamais. La communauté internationale ne peut même plus feindre une conscience humanitaire. À ce rythme-là, Israël veillera à éliminer le paradigme avec le peuple. Avant qu’il ne soit trop tard, la communauté internationale devrait se demander comment elle permet à Israël de résoudre le problème très réel de son colonialisme de peuplement par le génocide des peuples colonisés. Ou était-ce là l’intention de l’ONU depuis le début lorsqu’elle a approuvé le plan de partition de la Palestine en 1947 ?

Article original en anglais sur MEMO / Traduction MR