Indi.ca, 24 avril 2024. Pour comprendre l’état de l’armée étasunienne, il suffit de regarder son secrétaire d’État (NDT : ministre des Affaires étrangères). Le Boeing personnalisé d’Antony Blinken a été cloué au sol à deux reprises cette année. Pendant ce temps, les navires que Joe Biden a envoyés à Gaza ont pris feu ou sont tombés en panne en cours de route. L’armée étasunienne perd toutes les guerres, son équipement s’effondre et ses soldats se suicident. Personne ne sait combien tout cela coûte car le Pentagone n’a pas réussi à passer l’audit, six années consécutives. C’est l’état de l’empire à son dernier stade. Il s’effondre physiquement.
Le général Connerie
Pour comprendre comment les Etats-Unis peuvent avoir à la fois l’armée la plus chère et la plus inutile au monde, il suffit de voir l’élu au Congrès étasunien Mike Waltz demander au secrétaire de l’Air Force combien coûte un sac de douilles. La réponse est 90 000 $, pour ce qui devrait coûter peut-être 100 $. Comme un sac d’écrous et de boulons. Cela nous amène au cœur du problème. L’hypertrophie du budget militaire des États-Unis n’est pas une question d’efficacité. C’est une question de fraude.
Dwight Eisenhower – qui a laissé cette déjection sur le pas de la porte des Etats-Unis – a déclaré : « Nous devons nous garder d’une influence injustifiée, qu’elle soit recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une montée désastreuse d’un pouvoir mal placé existe et persistera ». Avec le recul, nous voyons que ce n’était pas un avertissement, c’était une promesse. Le complexe militaro-industriel n’est même plus aussi complexe, de nos jours. Ce qui était autrefois une industrie de défense compétitive s’est concentré et réduit à un simple club des cinq. Ces chefs de guerre corrompent les groupes de réflexion, les ONG, les médias et le gouvernement lui-même, pour devenir un cancer inopérable pour le corps politique.
Ike a déclaré aussi : « Seuls des citoyens alertes et bien informés peuvent imposer une articulation appropriée entre l’énorme machinerie industrielle et militaire de défense et nos méthodes et objectifs pacifiques. » Cela ajoute vraiment l’insulte à l’injure. Personne aujourd’hui n’accuserait les Etasuniens d’être alertes et bien informés. C’est une nation d’esclaves pour dettes, qui se prennent pour des rois philosophes parce qu’ils peuvent ‘liker’ sur Facebook le dernier massacre vu sur Colosseum (chaine de télévision par câble).
En admettant que les Etats-unis aient déjà eu « des méthodes et des objectifs pacifiques », désormais leur gouvernement ne fait plus que semer le chaos, sur lequel il se hisse comme sur un monticule d’ossements. Qu’il s’agisse de Gaza ou de l’Ukraine, peu lui importe si le peuple étasunien est pour ou contre ces guerres. Il les fait, de toute manière. Seul l’argent préoccupe les élites dirigeantes étasuniennes, tout le reste n’est que marketing. Alors les guerres continuent, les unes après les autres, pour dissimuler la fraude par davantage de fraude. Les truands initiés du Congrès obtiennent leur part et certains marchands d’armes de Bethesda peuvent rénover leur cuisine.
De nos jours, les renards gèrent le poulailler et les futurs contribuables (il n’y a plus que des dettes) se font plumer. Le modèle économique militaro-industriel est le même que celui du capital-investissement étasunien (ou celui de la mafia). Ils reprennent une « entreprise », la chargent de dettes, puis saignent à blanc la carcasse. Et tout le monde est de la partie. À l’heure actuelle, un directeur du conseil d’administration de Raytheon (Lloyd Austin) dirige le département de la Défense (comprendre de la Guerre), et peu de citoyens étasuniens sont conscients de ce violent conflit d’intérêts. Le complexe militaro-industriel dirige tout le spectacle, sous le commandement du général Connerie.
Ponzi privé
La principale raison pour laquelle l’armée étasunienne s’effondre est la même raison pour laquelle ma Toyota Vitz est tombée en rade sur l’autoroute. L’entretien. L’Amérique disposait d’une armée puissante il y a des générations, mais ces actifs se sont depuis longtemps dépréciés et sont devenus des passifs. On continue à dissimuler cela en achetant de nouveaux gadgets brillants, mais ceux-ci ne fonctionnent même pas et tout se déprécie, tout tombe en lambeaux et redevient poussière, au moment où nous parlons.
Nous y reviendrons en détail, mais pour prendre l’exemple d’un seul théâtre (Indo-Pacifique), regardons la différence entre les dépenses en nouveaux jouets (« modernisation et présence renforcée ») et les dépenses en maintenance (« amélioration de la logistique, des capacités de maintenance, etc »).
La « modernisation » reçoit 2,9 milliards de dollars, tandis que la maintenance ne reçoit qu’une fraction des 1,1 milliard de dollars, qu’elle partage avec d’autres postes sans attrait. La maintenance n’est fondamentalement pas sexy et tout le monde s’en fout.
L’entretien, cependant, est une responsabilité cumulative. Moins vous en faites, plus vous devez en faire. Il suffit de demander à ma vieille Vitz, qui n’a jamais été entretenue régulièrement jusqu’à ce qu’elle fonde sur l’autoroute et qu’on doive lui refaire le moteur. Cela m’a coûté plus cher qu’un entretien régulier et je n’ai plus jamais fait confiance à cette voiture. C’est la règle de base de l’entretien. Vous le négligez à vos risques et périls. Comme le dit le GAO, Government Accountability Office (bureau de la responsabilité gouvernementale) des États-Unis à propos de l’absence d’entretien : « Au fil du temps, cette situation a entraîné une détérioration de l’état des navires et une augmentation des coûts de réparation et d’entretien des navires. » Et il ne s’agit pas uniquement de navires : toute la base « capitale » de l’armée étasunienne est littéralement cannibalisée.
On dit que faire un point à temps peut éviter d’en mettre neuf, mais c’était avant la fast fashion. Pourquoi faire un seul point quand on peut faire des milliards avec tout le tissu ?
Le Ponzi de croissance
Le problème de l’infrastructure militaire étasunienne est le problème de l’infrastructure étasunienne en général. Tout est censé être géré par « le marché » et le marché n’en a rien à cirer de l’entretien, de la réparation ou de quoi que ce soit à long terme. Pourquoi s’en préoccuperait-il ? Il est programmé algorithmiquement pour penser par trimestre, non sur le long terme et, comme le disait Keynes, à long terme, nous serons tous morts. Si on peut réaliser une vente d’un milliard de dollars maintenant et que la responsabilité retombe sur la tête de quelqu’un d’autre des décennies plus tard, qu’est-ce qu’on s’en fout ? Ce n’est pas la faute de personnes individuellement mauvaises, bien qu’elles soient, effectivement, individuellement mauvaises. Si ceux-là ne le faisaient pas, les « actionnaires » les mettraient à la porte et installeraient à leur place quelqu’un qui le ferait. Ils ne sont que des rouages de la machine capitaliste, et la guerre est l’apogée du capitalisme. Fabriquer des produits très chers et les faire exploser immédiatement ? C’est le nec plus ultra.
Je vais faire un long détour pour expliquer ce concept de Ponzi car il est essentiel. Commençons donc par cet autre crime de guerre étasunien, la banlieue en voiture. Charles Marohn de Strong Towns appelle ce phénomène le « schéma de Ponzi de croissance ». Toutes les infrastructures anciennes et en ruine des Etats-Unis constituent un passif non financé, dont l’entretien est à peine couvert par de nouveaux projets. Un Ponzi classique.
L’Amérique a construit plus de routes qu’elle ne peut en entretenir, utilisant de nouveaux prêts pour rembourser les anciens. De fait, c’est ainsi que vivent la plupart des Etasuniens, utilisant une carte de crédit pour en payer une autre. Marohn affirme que « la responsabilité non financée de l’entretien des infrastructures constitue une bombe à retardement pour les villes étasuniennes ». Je soutiens que ce même phénomène s’applique à tout l’Empire étasunien. Comme le dit Marohn à propos des banlieues :
La grande expérience étasunienne en matière de développement des banlieues incite les communautés à assumer des responsabilités à long terme en échange d’avantages monétaires à court terme. Mais comme ces dettes coûtent à la communauté plus que ce que le développement crée en termes de richesse globale, cette approche aboutit finalement à l’insolvabilité. Pour repousser le jour du règlement des comptes, on induit davantage de croissance, en mettant en place un scénario de chaîne de Ponzi dans lequel les revenus des nouveaux développements sont utilisés pour payer les dettes associées aux anciens développements. Cette situation n’est pas viable, mais on ne pourra pas dire que nous n’avons pas essayé, désespérément, de maintenir le cap.
Il s’agit d’un cas d’école de Ponzi – payer les anciens pigeons avec l’argent des nouveaux pigeons – et les Etats-Unis sont littéralement construits sur un schéma de Ponzi. C’est ainsi qu’ils financent leurs routes et leurs ponts ! Pas étonnant qu’ils s’effondrent. L’effondrement de leur armée n’est qu’une conséquence de la profonde fraude comptable qui est au cœur de leur univers.
Comme Marohn le détaille dans une étude de cas simple :
Route de campagne
Une petite route rurale est asphaltée, les coûts du projet de revêtement étant répartis également entre les propriétaires fonciers et la ville. Nous avons posé une question simple : en fonction des taxes payées par les propriétaires fonciers le long de cette route, combien de temps faudra-t-il à la ville pour récupérer sa contribution de 50 % ? La réponse : 37 ans. Bien entendu, la route ne devrait durer que 20 à 25 ans. Qui paiera la différence ?
Le point généralisable ici est que le gouvernement fédéral donne (en fait, il crée simplement) de l’argent pour payer certaines infrastructures, mais que l’État (ou la ville) est ensuite responsable de l’entretien. Mais l’État ne dispose pas réellement de l’assiette fiscale nécessaire pour financer ce projet (comme le montre Marohn dans plusieurs études de cas). Cet argent a été créé de nulle part par le gouvernement fédéral. L’État ne peut donc pas réellement payer l’entretien, à moins d’obtenir davantage de liquidités du robinet fédéral, pour un nouveau projet. Ensuite, on peut utiliser un peu de cet argent frais pour effectuer une maintenance à la va-vite. C’est une fourberie, four – baril, c’est un four, c’est un baril, de la poudre de perlimpinpin, ça n’existe pas. Comme le dit Matthew McConaughey dans Wolf Of Wall Street (Le Loup de Wall Street) :
Tu as un client qui a acheté des actions à 8$ et plus tard il voit qu’elles sont montées à 16$. Il est tout heureux d’encaisser, liquider, prendre son livret, prendre son argent et rentrer chez lui. Tu ne le laisses pas faire, bien sûr. Tu ne peux pas accepter une chose pareille, n’est-ce pas ? Non. Que fais-tu ? Tu trouves une nouvelle idée brillante, une idée spéciale, une nouvelle situation, une nouvelle action pour l’inciter à réinvestir ses gains, et c’est ce qu’il fera, à chaque fois, parce qu’ils sont tous accros. Continue simplement à faire cela encore et encore et encore. Pendant ce temps, il pense qu’il devient riche (ce qui est le cas sur le papier), mais toi et moi, les courtiers, nous gagnons de l’argent sonnant et trébuchant via les commissions.
Et puis McConaughey a un haussement d’épaule. C’est comme ça que ça se passe. Wolf Of Wall Street est toute une allégorie. Ce n’est pas que les stratagèmes à la Ponzi soient des aberrations au sein de l’économie étasunienne. L’économie étasunienne tout entière est une pyramide de Ponzi. Et surtout leur machine de guerre. C’est le Ponzi le plus pernicieux de l’histoire de l’humanité. Une combinaison piquante de l’argent de la fraude et du sang.
Le Ponzi grotesque
Le Ponzi de guerre des Etasuniens est l’inverse pervers du Ponzi national. Chez eux, ils fraudent de l’argent en construisant au moins des infrastructures. A l’étranger, ils gagnent de l’argent en les détruisant.
C’est la grande innovation de l’Empire étasunien. Comprendre qu’on fait plus d’argent à perdre des guerres qu’à les gagner. Seule l’Amérique attaque d’autres pays pour piller son propre trésor. Ils ont dépensé 2300 milliards de dollars absolument sans état d’âme pour détruire l’Afghanistan et n’ont pas « obtenu » grand-chose en retour. Alors, que fais-tu lorsque tu diriges une chaîne de Ponzi et qu’un stratagème échoue ? Tu dois rapidement présenter au pigeon une nouvelle escroquerie. Comme l’a dit ce Loup de Wall Street :
Tu as une nouvelle idée brillante, une idée spéciale, une nouvelle situation, une nouvelle action pour l’inciter à réinvestir ses gains, et c’est ce qu’il fera, à chaque fois, parce qu’ils sont tous accros.
Pour dissimuler la perte de l’Afghanistan, Les USA ont envahi l’Irak. Lorsque cela a mal tourné, ils ont envahi la Libye, puis la Syrie. Cela n’a pas suffi, alors ils sont allés encore plus loin, provoquant la Russie en corrompant l’Ukraine. L’Empire Ponzi laisse une traînée de destruction partout où il va, mais le schéma n’est visible que s’il s’arrête. Alors ils ne s’arrêtent jamais. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les Etats-Unis continuent de déclencher guerre après guerre après guerre. Il faut qu’ils continuent l’arnaque. Comme le dit Marohn, « comme toute combine à la Ponzi, dès que le taux de croissance ralentit, tout va très vite mal ». C’est le point auquel nous arrivons maintenant. L’Amérique s’attaque à des pays comme la Chine, la Russie et l’Iran qu’elle ne peut pas réellement intimider comme les civils innocents et les mariages qu’elle a l’habitude de bombarder à distance. Nous sommes enfin arrivés au bout de cette Ponzi fatale. Les escroqueries se rapprochent de plus en plus et se croisent. Les gens commencent à voir ce qui se passe, et bientôt ils commenceront à retirer leur argent.
Le complexe militaire étasunien (l’est trop)
L’armée étasunienne n’est visiblement plus bonne. Elle est sans aucun doute énorme et coûte certainement très cher, mais il s’agit de passifs et non d’actifs. Les Etats-Unis disposent d’un matériel vieillissant et d’un groupe d’hommes en trop mauvaise santé, peu disposés à et tout simplement pas tenus de servir. L’effondrement des infrastructures militaires n’est qu’une conséquence de la longue expérience étasunienne de réflexion à court terme. Tout comme Boeing s’écrase parce qu’il a tenté de cannibaliser jusqu’à l’os une cellule des années 1960, les USA s’écrasent pour la même raison.
Tout comme Boeing utilise toujours la cellule 737 quelque 80 ans plus tard, l’armée étasunienne utilise toujours des B52 et des modèles des années 1960. En fait, ce sont les conceptions qui fonctionnent le mieux. L’ancienne technologie fonctionnait encore jusqu’au début des années 2000, mais elle était déjà dépréciée et pourtant elle est toujours utilisée. L’armée étasunienne est tout simplement en train de vieillir et de mourir, elle devrait prendre sa retraite et cesser de se mettre dans des situations ridicules.
Les Etats-Unis sont désormais confrontés à de plus jeunes « menaces » comme la Chine, la Russie et l’Iran, au moment même où l’armée étasunienne vieillit et s’effondre. En vérité, aucun de ces pays ne constitue une menace, ils seraient tous heureux de faire du commerce. Mais les Etats-Unis ont choisi la violence et nous y voilà. Les Etats-Unis étaient autrefois très forts, mais tout être vivant est plus fort lorsqu’il est plus jeune. En vieillissant, son corps devient un handicap et le fait tomber. Et plus il est gros, plus dure est la chute.
Tous les êtres sont jeunes et forts pendant un certain temps, ils sont ensuite mûrs et puissants, puis vieillissent et s’effondrent. Il est important de comprendre que chaque être, artificiel ou naturel, doit finalement rendre les armes. C’est ainsi que les choses se passent. C’est tout simplement ce qui est arrivé à l’armée étasunienne. Nous retournons tous à Allah, humains et génies, humanité et ingénierie.
Nous reviendrons segment par segment sur la décadence de l’armée étasunienne, mais voici le principe général : Les USA s’effondrent parce qu’ils sont vieux et n’ont pas pris soin d’eux-mêmes. On sait bien que c’est comme ça que ça se passe. C’est la nature véritable de l’existence, et chacun peut la ressentir dans sa propre chair.
Article original en anglais sur indi.ca / Traduction Chris & Dine
Note des traducteurs : Pour ceux qui lisent l’anglais, le texte suivant montre dans le détail, « comment l’armée étasunienne s’effondre » : How America’s Military Is Falling Apart.