Partager la publication "La crise israélienne peut servir la Résistance, mais pas de la manière présentée par les médias occidentaux"
Robert Inlakesh, 30 juillet 2023. Le projet de loi d’amendement de la « clause de raisonnabilité » de lundi, qui est passée en troisième lecture à la Knesset israélienne par 64-0, a provoqué des manifestations de rue massives de la société sioniste. Selon un sondage réalisé par les médias israéliens plus tôt cette année, environ 66 % des Israéliens pensent que la Cour suprême doit conserver le pouvoir d’invalider les lois adoptées à la Knesset qui vont à l’encontre de la loi fondamentale « israélienne » ; c’est l’indication qu’une grande partie des Israéliens s’opposent à la refonte du système judiciaire. Depuis janvier, chaque samedi, des manifestants sionistes manifestent par dizaines de milliers, souvent par centaines de milliers, contre les réformes.
Quels que soient les pourcentages de juifs israéliens qui pensent que la coalition d’extrême-droite du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, prend la bonne ou la mauvaise décision, il n’en reste pas moins que la question est extrêmement conflictuelle à plusieurs niveaux. Un certain nombre de responsables sionistes, y compris d’anciens Premiers ministres, l’actuel président israélien et des membres de l’opposition, ont mis en garde contre une guerre civile israélienne imminente, ce qui est plus probablement une exagération que la réalité, mais reflète la nature du problème en question. Les responsables militaires d’Israël, y compris son chef d’état-major, Herzi Halevi, ont averti que quelque 10.000 réservistes menaçant de rester chez eux et de boycotter leurs fonctions, la préparation au combat de l’armée sioniste sera compromise d’ici quelques semaines, voire quelques mois.
Pour aggraver les problèmes de protestations généralisées, une baisse des investissements dans le secteur lucratif israélien de la haute technologie, la baisse du shekel israélien, les barrages routiers, les attentats à la voiture-bélier et la violence inter-sionistes, sont les principales raisons de la dégradation soudaine de la santé de Benjamin Netanyahu. Le Premier ministre israélien a été admis à l’hôpital dimanche, en raison d’une maladie cardiaque longtemps cachée qui a nécessité une intervention chirurgicale d’urgence pour implanter un stimulateur cardiaque. Netanyahu a réussi à dissimuler un problème de santé dont il souffre depuis plus de deux ans – des battements de cœur irréguliers occasionnels -, ce qui l’a mis hors de combat alors que l’entité sioniste plongeait dans le chaos à cause de l’adoption des projets de loi sur la réforme juridique. Même le gouvernement américain a fait une intervention rare, jugeant les amendements adoptés « malheureux » et appelant le régime israélien à trouver un consensus avec l’opposition.
Les médias occidentaux ont beaucoup glosé sur les menaces potentiellement posées par l’Iran, le Hezbollah libanais et la résistance palestinienne, avec des analyses affirmant que la situation ouvre la voie à un régime israélien moins préparé contre ses adversaires régionaux. Des tentatives actives sont également en cours pour lier la détérioration de la situation à la frontière entre la Palestine occupée et le Liban à la crise actuelle à l’intérieur de l’entité. Ces points de vue sont soit mal informés, soit liés de façon malhonnête, en particulier pour rejeter le blâme et l’attention sur d’autres acteurs régionaux.
La situation actuelle profite très certainement aux résistances palestinienne et libanaise, ainsi qu’à divers pays de la région, mais pas nécessairement de manière à fournir une ouverture à l’attaque en ce moment. En fait, attaquer maintenant détournerait simplement l’attention du public sioniste de l’échec de la coalition d’extrême-droite, et c’est probablement pourquoi les forces de résistance restent en retrait, conservant une posture curieuse et même défensive dans certains cas.
Pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, il a deux options. La première option consiste à entraîner la société sioniste dans une confrontation plus large et à infliger des dommages économiques à l’entité elle-même, ainsi qu’à tendre les relations avec l’Occident. C’est nécessaire pour la survie politique de Netanyahu, car ses partenaires de la coalition – en particulier l’alliance du parti du sionisme religieux, qui détient le deuxième plus grand nombre de sièges dans la coalition – restent cramponnés à leur objectif : faire passer la refonte du système juridique ; ce sont des extrémistes qui travaillent pour les objectifs du mouvement des colons, et ils ont le pouvoir de faire tomber le gouvernement de Netanyahu. Selon de récents sondages menés par les médias hébreux, le rival du Premier ministre israélien, Benny Gantz, est pour la première fois devenu plus populaire auprès des électeurs sionistes que Netanyahu, ce qui signifie qu’il pourrait perdre si un autre tour des élections était déclenché.
La deuxième option serait de lancer une guerre d’agression si le chaos menace de paralyser gravement « Israël » ; mais ce choix serait une pure expression de désespoir. Cette deuxième option pourrait être déclenchée de plusieurs façons. Il y a environ un mois maintenant, Netanyahu et son ministre de la Guerre, Yoav Gallant, ont lancé une incursion limitée sur Jénine, qui non seulement n’a pas réussi à porter un coup aux Brigades de Jénine, mais n’a pas non plus réussi à distraire efficacement le public israélien des réformes juridiques. Ceci étant entendu, il est probable que les attaques en Cisjordanie ne déclenchent pas suffisamment de réactions pour préoccuper l’esprit des occupants, de sorte qu’une attaque contre Gaza est peut-être le moins qui puisse être fait pour créer une distraction.
Si le régime sioniste attaque Gaza, le fait que des roquettes voleront dans les zones de colonies mettra les Israéliens dans des abris et normalement, dans des moments pareils, le peuple se ralliera à ses dirigeants. Dans une telle circonstance, une autre attaque limitée contre le Jihad Islamique Palestinien (JIP) serait inutile et inefficace, c’est pourquoi il est plus probable qu’ils attaquent cette fois le Hamas. Le prétexte pour attaquer le Hamas est déjà en place, construit depuis un certain temps dans la presse sioniste, avec des menaces d’assassinat des dirigeants du Hamas suite aux actions de résistance qui se déroulent en Cisjordanie occupée. Le problème, avec cette option, est qu’une telle attaque pourrait également se propager très rapidement au Liban, et qu’ils devraient également envisager des options dans le nord.
Les tensions le long de la frontière avec le Liban sont complètement séparées des problèmes internes sionistes, dans la mesure où le Hezbollah ne provoque pas en même temps que les événements qui se déroulent autour de la refonte juridique. Pour le Hezbollah libanais, l’enjeu est très clair : la libération du village occupé de Ghajar, où les Israéliens ont récemment construit un mur de séparation afin d’annexer le territoire. Cette clôture construite autour du segment nord du village de Ghajar est une violation flagrante de la Ligne bleue. C’est pourquoi le Hezbollah a installé une tente dans la zone occupée des fermes de Shebaa, installation dont les Israéliens se sont plaints et au sujet de laquelle ils ont proféré diverses menaces.
Si Netanyahu cherche un moyen de sortir de sa situation actuelle et si elle devient extrêmement grave pour lui, il pourrait même être possible de lancer des frappes limitées contre des cibles à l’intérieur du territoire libanais, ce qui déclencherait une réponse du Hezbollah. Dans un tel scénario, les Israéliens ne chercheraient pas à provoquer une guerre à grande échelle, ni même nécessairement à cibler le Hezbollah en tant que tel ; ils essaieraient peut-être de limiter leurs frappes à des assassinats contre des dirigeants de la résistance palestinienne.
Attaquer soit le Hamas à Gaza, soit n’importe qui au Liban, se retournerait probablement massivement contre lui, c’est précisément pourquoi le régime sioniste ne l’a pas encore fait. Il a trop peur des pertes massives de combattants qu’il subira en cas de guerre avec le Liban ou d’invasion terrestre de Gaza. Cependant, si la survie politique de Netanyahu en dépend, il peut maintenant y avoir une raison pour qu’il ignore bon nombre des conséquences potentielles et lance de telles frappes. Malgré le potentiel existant pour cela, il reste à voir si de telles décisions seront prises.
Une chose est sûre à ce stade, c’est que la société israélienne est profondément divisée. Une partie de la société croit en une vision théocratique radicale pour l’avenir du projet sioniste, tandis que l’autre cherche le statu quo et prétend être une « démocratie libérale » occidentale ; deux visions diamétralement opposées. Le fait qu’« Israël » décline économiquement et socialement, et qu’il existe un potentiel de croissance de la violence politique signifie que l’entité sioniste est plus faible, ce qui est en effet pratique pour la résistance, et plus particulièrement pour la cause palestinienne en général, et peut présenter des ouvertures dans le futur.
Pourtant, l’idée que les réservistes israéliens qui refusent de prendre leur service affaibliront considérablement l’armée n’est pas d’actualité en ce moment. L’état de préparation de plus de 500.000 membres des forces armées – y compris les forces de réserve – sera gravement affecté par des dizaines de milliers d’objecteurs de conscience (conchies) et empêchera indéniablement l’amélioration du moral des forces armées israéliennes, qui est déjà extrêmement bas. La société israélienne et la soi-disant – conceptuellement parlant – « armée populaire » ne toléreront pas la perte d’environ 100 soldats, ce qui signifie qu’ils sont tout simplement incapables de gérer une vraie guerre, et le régime sioniste dissimule donc constamment la mort de ses combattants. Une grande partie de ces réservistes qui déclarent qu’ils ne se rendront pas à leur poste se présenteront très probablement dès qu’une guerre commencera.
Article original en anglais sur Al-Mayadeen / Traduction MR
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